Inde. La situation de trois journalistes arrêtés pour leurs liens présumés avec une organisation maoïste interdite est préoccupante

Déclaration publique

ASA 20/003/2008

Amnesty International craint que des journalistes arrêtés dans trois États indiens et inculpés de collaboration ou de liens avec le Parti communiste indien (maoïste) interdit, ne soient privés de leur droit à un procès équitable. Les avocats des trois hommes n’auraient pas reçu toutes les informations nécessaires et n’auraient pas été pleinement informés des éléments retenus contre leurs clients.

L’organisation est également vivement préoccupée par les informations selon lesquelles l’un des trois journalistes aurait été torturé lors de sa garde à vue.

Les trois journalistes sont soupçonnés d’infractions en relation avec leurs liens présumés avec le Parti communiste indien (maoïste) et ses différentes branches. Il s’agit de Prashant Rahi, journaliste dans l’État de l’Uttarkhand, dans le nord du pays ; de Govindan Kutty, rédacteur en chef du mensuel People’s March, dans le Kerala, État du sud de l’Inde, et de Praful Jha, journaliste dans l’État de Chhattisgarh, dans le centre du pays. Deux des détenus, Prashant Rahi et Govindan Kutty, ont été inculpés au titre de la Loi de 1967 relative à la prévention des activités illégales, récemment modifiée.

Amnesty International craint que ces arrestations ne soient le reflet de la politique de harcèlement, par les autorités, des journalistes locaux qui traitent de la montée de la violence dans plusieurs États où le Parti communiste indien (maoïste) est présent, ou qui sont soupçonnés de sympathie pour ce parti.


Les trois cas

Prashant Rahi a indiqué avoir été arrêté à Dehra Dun, dans l’Uttarkhand, le 15 décembre 2007. Au cours des trois jours qui ont suivi, il aurait été détenu dans un camp de la Gendarmerie armée provinciale à Hardwar. Il aurait eu les yeux constamment bandés, aurait été enfermé dans une petite pièce et torturé. Prashant Rahi a déclaré qu’il avait été battu chaque jour pendant trois ou quatre heures d’affilée et qu’un médecin était ensuite venu l’examiner. Selon des informations reçues par Amnesty International, les mêmes tortures lui auraient été infligées pendant deux autres jours dans un lieu inconnu du district d’Udham Singh Nagar, avant qu’il ne soit présenté à un juge à Khatima le 23 décembre.

Prashant Rahi a été inculpé de conspiration criminelle (article 120B du Code pénal indien) ; d’engagement ou tentative d’engagement d’une guerre contre l’État ou incitation à engager une guerre contre l’État (article 121) ; de complot en vue de commettre des infractions (article 121A) ; de sédition (article 124A) ; d’avoir permis un rassemblement illégal dans son pays (article 153B). Il a également été inculpé, au titre de la Loi relative à la prévention des activités illégales d’appartenance à une organisation illégale (article 10) et d’appartenance à une organisation terroriste ou interdite (article 20).

La police a accusé Prashant Rahi d’être le commandant régional du Parti communiste indien (maoïste). Elle a affirmé l’avoir arrêté seulement le 21 décembre dans les forêts de Hanspur Khatta et que, au moment de son arrestation, il complotait pour renverser le gouvernement avec cinq autres personnes. Il est actuellement détenu dans la prison centrale de Dehra Dun et sa demande de remise en liberté sous caution est en instance devant le tribunal.

Govindan Kutty a été arrêté dans le Kerala, en lien avec un article qu’il avait écrit en 2002, justifiant une attaque qui aurait été perpétrée par des maoïstes contre le Premier ministre de l’État d’Andhra Pradesh de l’époque, Chandrababu Naidu. L’arrestation a eu lieu le 19 décembre 2007 au bureau de Govindan Kutty à Aluva, près de la ville d’Ernakulam. Govindan Kutty a été inculpé, en vertu du Code pénal indien, d’incitation à commettre une infraction (article 124A), incitation à des voies de fait contre un responsable de la sécurité (article 133) et incitation à des voies de fait sur un agent de l’État (article 134). Il a également été inculpé, au titre de Loi relative à la prévention des activités illégales, d’appartenance à une organisation illégale (article 10) et d’appartenance à une organisation terroriste ou interdite (article 20).

Amnesty International a appris que la Haute Cour du Kerala avait rejeté la demande de mise en liberté sous caution de Govindan Kutty au motif qu’une enquête de police était en cours sur ses liens avec le Parti communiste indien (maoïste) interdit.

Praful Jha a été arrêté le 22 janvier 2008 à Dangania, dans la banlieue de Raipur dans l’État de Chhattisgarh. Les policiers ont affirmé avoir trouvé chez lui neuf pistolets, cinq armes à feu de facture locale, 511 000 roupies indiennes (8177 euros) en liquide et du matériel de télécommunication. Il a été inculpé au titre des articles 120 et 121 du Code pénal indien et de l’article 25 de la Loi sur les armes.

Normes relatives aux droits humains

L’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Inde est un État partie, prévoit que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi ». Cela inclut le
droit d’être informé de la nature et des motifs de l’accusation portée contre elle avant le procès, de façon à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et le droit d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge.

Amnesty International demande donc instamment aux gouvernements des États de l’Uttarkhand, du Kerala et de Chhattisgarh de veiller à ce que les procès des trois journalistes arrêtés respectent les normes internationales d’équité , en particulier que soient respectés leur droit d’interroger ou de faire interroger tous les témoins conformément au principe de l’égalité des armes et leur droit à une défense effective.

Amnesty International demande également instamment au gouvernement de l’Uttarkhand d’ordonner que soit menée une enquête impartiale sur les circonstances dans lesquelles Prashant Rahi a été arrêté et sur les allégations de torture et de traitement cruel, inhumain et dégradant pendant sa détention.

Complément d’information

Le PCI (Parti communiste indien – maoïste) et ses différentes branches restent interdits au titre de l’article 13(1)(B) de la Loi relative à la prévention des activités illégales, modifiée en 2004 pour y inclure des articles de la Loi de 2002 sur la prévention du terrorisme. Cette loi, objet de nombreuses critiques pour les atteintes aux droits humains et violences auxquelles son application donne lieu, a été abrogée en 2004. Toutefois, les articles de la Loi sur la prévention du terrorisme qui avaient été incorporés à la Loi relative à la prévention des activités illégales n’ont pas été supprimés.

Amnesty International a souligné à de nombreuses reprises que ces articles représentent :
 une violation du principe de certitude en droit pénal (y compris par une définition vague de l’appartenance et du soutien à une organisation terroriste ou illégale) ;
 une absence de garanties avant le procès (notamment des garanties insuffisantes sur l’arrestation, le risque de torture, et des obstacles aux communications confidentielles avec l’avocat) ;
 la quasi-impossibilité d’obtenir une libération sous caution, en l’absence de disposition relative à l’appel ou à l’examen judiciaire d’une détention ;
 des restrictions indues à la liberté d’expression et d’association, garanties respectivement par les articles 19 et 22 du PIDCP.

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