INDE : Le Gujarat un an après - la crédibilité du système de justice pénale en jeu

Index AI : ASA 20/008/2003

Amnesty International a exprimé ce jeudi 27 février sa solidarité à toutes les victimes hindoues et musulmanes des massacres qui se sont produits à Godhra et après Godhra dans l’État du Gujarat et qui ont commencé voilà un an.

« L’anniversaire de ces massacres au cours desquels plus de deux mille personnes ont été tuées est un sévère rappel aux gouvernements de l’Inde et du Gujarat que justice doit être rendue rapidement aux victimes et à leurs familles si l’on veut maintenir la crédibilité du système de justice pénal dans le pays », a déclaré l’organisation.

Les droits constitutionnels, en particulier le droit à réparation, continuent d’être violés dans cet État. La façon dont sont menées les enquêtes de police sur les massacres illustre des préjugés tenaces à l’égard des musulmans, victimes et survivants. Les enquêtes sont souvent menées par ces mêmes policiers qui étaient au mieux spectateurs indifférents au moment des massacres et au pire participants actifs dans les attaques au moment des violences.

« L’absence d’enquêteurs indépendants porte préjudice aux procès avant même qu’ils ne débutent. Cela fait fi d’un principe de base de la justice : les mêmes policiers ne peuvent être à la fois accusés et enquêteurs », a souligné Amnesty International.

Le droit constitutionnel à l’égalité devant la loi est également bafoué régulièrement dans l’État du Gujarat : un double barème semble avoir été appliqué de façon répétitive et constante au cours des enquêtes de responsabilité dans les massacres qui se sont produits à Godhra et après Godhra.

Le 1er avril 2002, la Commission nationale des droits humains a émis des recommandations aux gouvernements de l’Inde et du Gujarat. Si elles étaient appliquées, ces recommandations permettraient de restaurer la confiance des minorités dans le système de justice pénale. Elles indiquaient entre autres que :
 certains dossiers sensibles devraient être traités par le Central Bureau of Investigation (CBI, Bureau central d’enquêtes) ;
 des tribunaux spéciaux devraient être institués pour traiter ces dossiers au jour le jour ;
 des procureurs spéciaux devraient être nommés au fur et à mesure des besoins ;
 des mesures devraient être prises pour identifier et poursuivre les autorités ayant failli à la mission qui était la leur de contrôler la violence.

Ces recommandations n’ont pas été appliquées à ce jour. Amnesty International appelle encore une fois les autorités à les mettre en application de façon urgente. Cela est essentiel pour maintenir la légitimité même du système de justice pénale et donner un sens à l’existence de la Commission nationale des droits humains.

« Le manque de justice, d’assistance et d’aide à la réadaptation pour les victimes et survivants du massacre du Gujarat reproduit un scénario trop souvent vécu en Inde après des violences de masse », a souligné l’organisation internationale de défense des droits humains.

Les victimes des principaux massacres de l’histoire de ce pays n’ont pas eu droit à une justice pleine et entière et n’ont pas bénéficié du droit à réparation, ni lors des émeutes anti-Sikh à New Delhi en 1984 ni lors des violences visant la population musulmane à Mumbai en 1992.

« Il est grand temps de renverser la tendance, le Gujarat doit saisir l’occasion qui lui est donnée de le faire », a conclu l’organisation.

Complément d’information
Après l’attaque d’un train à Godhra dans le Gujarat le 27 février 2002, au cours de laquelle 59 Hindous ont été tués, des violences d’une brutalité sans précédent à l’égard de la communauté musulmane se sont produites dans tout l’État ; en trois mois elles ont fait plus de deux mille morts. Le gouvernement, l’administration et la police de l’État n’ont pas pris de mesures suffisantes pour protéger les civils et dans de nombreux cas se seraient même ligués avec les attaquants et auraient pris une part active aux violences.
Dans de nombreuses affaires concernant les violences qui ont suivi le massacre de Godhra, les policiers ont enregistré les plaintes de manière très approximative, certaines déclarations de témoins ainsi que des preuves corroboratives n’ont pas été prises en compte en totalité et la responsabilité de suspects importants n’a pas fait l’objet d’enquêtes de police.
Un double barème a été appliqué au cours des enquêtes ainsi qu’il ressort du fait que, dans les massacres qui ont suivi Godhra, un grand nombre de personnes arrêtées soupçonnées de délits pouvant aller parfois jusqu’au meurtre ont été libérées sous caution et laissées libres d’aller à leur guise, que l’accusation de collusion a rarement été prise en compte et que les biens des fugitifs n’ont pas été saisis. Dans l’affaire de Godhra au contraire, la plupart des accusés sont en détention, l’accusation de collusion a été clairement énoncée et les biens des fugitifs saisis. La loi draconienne sur la prévention du terrorisme - qui ne prend pas suffisamment en compte les droits de la défense - est appliquée à tous les suspects dans l’affaire Godhra.

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