INDE. Les autorités doivent mettre un terme au recours injustifié et excessif aux forces de police et aux attaques des milices civiles contre les adivasis et les manifestants paysans en Orissa.

Index AI : ASA 20/013/2010 (Public)
ÉFAI-17 mai 2010

Amnesty International demande instamment aux autorités de l’Orissa de mettre immédiatement un terme au recours injustifié et excessif à la force par la police et les milices civiles privées contre les adivasis (communautés aborigènes) et les paysans qui protestent contre l’acquisition de leurs terres et de leurs villages pour des projets sidérurgiques à Kalinganagar et Jagatsingpur respectivement.

Laxman Jamuda, chef adivasi âgé de 50 ans, a été tué et dix manifestants, parmi lesquels plusieurs femmes, ont été blessés lorsque la police a ouvert le feu, tandis que neuf autres personnes étaient blessées lors d’affrontements à Kalinganagar le 12 mai. Des témoins oculaires ont affirmé à Amnesty International que plus de 1000 policiers étaient intervenus contre 300 manifestants adivasis environ, certains équipés d’armes traditionnelles.

Selon les témoins, 200 civils armés constitués en milices privées favorables à l’acquisition des terres pour le projet d’aciérie Tata ont pénétré de force dans le village de Chandia où les manifestants étaient rassemblés ; des policiers accompagnaient les miliciens qui auraient le soutien du parti Biju Janata Dal au pouvoir en Orissa ; ils auraient détruit plusieurs maisons d’adivasis. Au cours des heurts qui ont suivi, la police a ouvert le feu sur les manifestants, tuant Laxman Jamuda et blessant plusieurs autres personnes.

Selon des proches de Laxman Jamuda, la police aurait incinéré le corps en secret. Un neveu du défunt, emmené par la police pour assister à l’incinération, a déclaré ne pas avoir vu le corps.

À Balithutha dans le district voisin de Jagatsinghpur, au moins 20 personnes ont été blessées le 16 mai, trois d’entre elles gravement, lors de la dispersion à coups de matraque et de gaz lacrymogène d’une manifestation d’un millier de manifestants paysans, parmi lesquels se trouvaient des femmes, qui protestaient contre le rachat par le gouvernement de leurs terres et de leurs villages en vue de la construction d’une aciérie par la compagnie sud-coréenne South Korean Pohong Steel Company (POSCO).

Des témoins oculaires présents sur les lieux les deux fois ont déclaré que plusieurs zones avaient été bouclées lors de l’intervention de la police, retardant l’arrivée des secours pour les blessés. Depuis cinq ans, les manifestants empêchent l’accès aux sites de tout représentant officiel ; la dernière série de manifestations à Balithutha dure depuis cinq mois.

Amnesty International rappelle aux autorités que l’Inde a obligation, en vertu des traités internationaux, de protéger le droit à la vie. Le droit international impose des restrictions strictes au recours à la force par les responsables de l’application des lois. Au cœur de ces restrictions figure le devoir de l’État de respecter le droit à la vie et le droit de vivre libre de toute torture et autre traitement ou châtiment cruel, inhumain et dégradant. Ces droits sont inscrits en droit international et dans les normes internationales relatives aux droits humains, notamment dans des traités que l’Inde est tenue de respecter, comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).

Les policiers peuvent avoir recours à la force seulement lorsque cela est strictement nécessaire et dans la mesure exigée par l’accomplissement de leurs fonctions et doivent, dans la mesure du possible, employer des moyens non-violents avant de recourir à la force. Lorsque l’emploi de la force ne peut être évité, les policiers doivent faire preuve de modération et agir proportionnellement à la gravité de l’infraction et au but légitime poursuivi.

Dans ce contexte, Amnesty International appelle le gouvernement de l’Orissa à :

  ordonner à ses forces de police de renoncer à tout recours inutile ou excessif à la force contre des manifestants ; la force ne doit être utilisée que conformément au droit international relatif aux droits humains et dans le respect des normes internationales ;
  veiller à ce que les milices civiles privées n’emploient pas la force contre des manifestants et n’enfreignent la loi d’aucune autre manière et les sanctionner comme tout autre contrevenant s’ils le font ;
  fournir immédiatement une assistance médicale aux personnes blessées lors des violences, les régions touchées étant, semble-t-il, toujours bouclées ;
  ordonner l’ouverture d’une enquête impartiale et indépendante sur le recours inutile et excessif à la force par la police et les violences dans les deux régions citées et rendre publiques ses conclusions ;
  veiller à ce que les fonctionnaires, policiers et autres personnes soupçonnés de graves atteintes aux droits humains soient poursuivis, selon une procédure respectant les normes internationales d’équité ;
  veiller à ce que, sans que soit remis en question le maintien de la loi et de l’ordre, les personnes engagées dans l’exercice pacifique de leur droit à la liberté de réunion et de parole puissent poursuivre leur action sans avoir à craindre de violences ni de harcèlement.

Complément d’information

Au cours des deux derniers mois, Kalinganagar a été le théâtre d’affrontements récurrents entre la police de l’État et environ 250 civils armés constitués en milices privées civiles favorables à l’acquisition des terres et les adivasis qui protestent contre l’acquisition de leurs terres et de leurs villages par le gouvernement en vue de la construction d’une aciérie d’une capacité de six millions de tonnes par la société Tata Steel et l’aménagement d’un corridor routier. Le 28 mars, 30 manifestants adivasis ont été blessés par balles lorsque des policiers et les membres d’une milice civile ont ouvert le feu sur un groupe de 250 manifestants qui leur lançaient des pierres pour essayer de les empêcher de s’emparer des terres prévues pour l’aménagement du corridor routier. Voir Amnesty International, Inde. Les autorités doivent mettre un terme au recours injustifié et excessif aux forces de police et aux milices civiles contre les manifestants adivasis en Orissa, index AI : ASA 20/008/2010, 1er avril 2010.

Ces affrontements ont eu lieu alors que les proches de 13 manifestants adivasis contre lesquels des policiers avaient ouvert le feu le 2 janvier 2006, attendent toujours que justice leur soit rendue. Une enquête judiciaire ordonnée par le gouvernement de l’Orissa sur les décès imputés à la police en 2006 n’a abouti à aucune conclusion.

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