Inde. Les autorités du Chhattisgarh doivent libérer immédiatement le prisonnier d’opinion Kartam Joga

DÉCLARATION PUBLIQUE

Index AI : ASA 20/031/2010

ÉFAI

1er novembre 2010

Amnesty International suit de près le cas de Kartam Joga, un militant politique adivasi (aborigène) qui est incarcéré au Chhattisgarh – un État du centre de l’Inde. Cet homme, âgé de 40 ans, se trouve à la prison du district de Dantewada depuis le 14 septembre 2010.

Amnesty International le considère comme un prisonnier d’opinion. Elle estime que les charges retenues contre lui sont sous-tendues par des motifs politiques et servent de prétexte pour le détenir en raison de son militantisme politique, qui n’a pourtant jamais été caractérisé par le recours ou l’incitation à la violence. L’organisation pense que les autorités du Chhattisgarh ont décidé de l’emprisonner et de l’inculper à la suite de critiques formulées par la Cour suprême.

Selon elle, la véritable raison de l’incarcération de Kartam Joga est liée à ses activités politiques, pourtant pacifiques, et à son combat pour la défense des droits humains des communautés adivasis. En effet, cet homme est un militant du Parti communiste indien (CPI) et un membre élu d’un organe local d’administration autonome.

En 2007, Kartam Joga et d’autres personnes avaient saisi la Cour suprême au sujet de violations des droits humains commises au Chhattisgarh ainsi que de l’impunité des forces de sécurité et de Salwa Judum, une milice que beaucoup considèrent comme une organisation soutenue par l’État et impliquée dans des opérations contre les maoïstes armés de la région du Bastar depuis 2005.

Les charges retenues contre Kartam Joga sont notamment la collaboration avec les maoïstes dans l’embuscade et l’homicide de 70 agents des Forces centrales de réserve de la police (CRPF) le 6 avril 2010, le meurtre de Budhram Sodi, dirigeant du Parti du peuple indien Bharatiya Janata (BJP) actuellement au pouvoir, en mai 2010, l’homicide du père d’un agent de la police spéciale rattaché au CRPF en août 2010, ainsi que l’embuscade d’un camion et l’homicide de quatre personnes le 7 décembre 2009.

L’arrestation et l’inculpation de Kartam Joga sont intervenues après que la Cour suprême indienne a critiqué, le 31 août 2010, le gouvernement du Chhattisgarh qui s’était montré, selon elle, « totalement vague et imprécis » en répondant à plusieurs questions soulevées dans les requêtes formulées trois ans auparavant, dont l’objectif était de mettre fin à l’impunité et aux violations commises par Salwa Judum et les forces de sécurité engagées dans des opérations contre les maoïstes armés au Chhattisgarh depuis 2005. La première requête avait été introduite par Kartam Joga et deux autres militants du CPI et la seconde, par le sociologue Nandini Sundar, l’historien Ramachandra Guha et E. A. S. Sarma, un ancien fonctionnaire.

L’inculpation et l’incarcération de Kartam Joga constituent un autre exemple flagrant de la manière dont les autorités du Chhattisgarh visent les personnes qui tentent systématiquement de défendre les droits humains des communautés adivasis depuis 2005.

Deux autres défenseurs des droits humains du Chhattisgarh – le médecin Binayak Sen et le cinéaste T. G. Ajay – ont passé respectivement deux ans (à partir de 2007) et trois mois (en 2008) en prison pour collaboration avec les maoïstes, avant d’être libérés sous caution. En mai 2009, un autre défenseur des droits humains, Himanshu Kumar, et des membres de son organisation, Vanvasi Chetna Ashram, qui continuait à recueillir des informations sur les atteintes aux droits fondamentaux et les violences dont étaient victimes les communautés adivasis, ont été contraints à fuir la région du Bastar à la suite d’un harcèlement persistent orchestré par la police et les autorités du district.

Kartam Joga a dû suivre un traitement médical et subir une opération pour les blessures qui lui avaient été infligées lorsqu’il avait été attaqué par des membres de la milice Salwa Judum en 2005. Depuis lors, il est en première ligne pour recueillir des informations sur les atteintes aux droits humains des adivasis et dénoncer ces agissements, notamment plus de 500 homicides illégaux et cas d’agression sexuelle, de viol et d’incendie de hameaux et de maisons adivasis ainsi que le déplacement de plus de 30 000 adivasis au cours du conflit qui déchire le Chhattisgarh depuis 2005.

Conformément aux requêtes formulées par Kartam Joga et les autres personnes citées, la Cour suprême a ordonné en avril 2008 à la Commission nationale des droits humains de vérifier la véracité des allégations. Huit mois plus tard, un rapport de la Commission a confirmé certaines des allégations et indiqué qu’une enquête plus approfondie devait être menée au sujet des plaintes contre les violences perpétrées par Salwa Judum, les forces de sécurité et les maoïstes. Trois mois plus tard, la Cour suprême a demandé aux autorités du Chhattisgarh de recenser les mesures qu’elles avaient prises pour démanteler la milice Salwa Judum, enregistrer les plaintes contre des actes de violence commis pendant le conflit et enquêter sur ces agissements, ainsi que pour indemniser et réadapter les victimes.

La Cour suprême a désormais demandé au gouvernement du Chhattisgarh de faire une déclaration exhaustive sous serment en réponse aux allégations formulées dans les requêtes. Sur un point particulier soulevé par les requérants, à savoir que les hommes de Salwa Judum opéraient dans le cadre d’une nouvelle organisation, Dandakaranya Shanti Sangharsh Samiti, les autorités de l’État ont affirmé que Salwa Judum « n’existait plus » et que les enquêtes sur les violences que la milice avait commises étaient entravées par le terrain difficile, l’inaccessibilité des villages, le mauvais temps et l’hostilité des maoïstes. L’affaire fera l’objet d’une nouvelle audience le 18 novembre.

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