Communiqué de presse

Inde. Les autorités du Manipur doivent coopérer avec la commission nommée par la Cour suprême pour enquêter sur les exécutions extrajudiciaires

Amnesty International se félicite de la décision du 4 janvier de la Cour suprême indienne visant à mettre en place une commission indépendante chargée d’enquêter sur six allégations d’exécutions extrajudiciaires dans l’État du Manipur (nord-est du pays). L’organisation demande instamment aux autorités du Manipur de coopérer pleinement avec cette commission constituée de trois membres.

La Cour suprême a répondu à une procédure judiciaire d’intérêt public déposée par un groupe de victimes agissant dans l’État du Manipur et une organisation locale de défense des droits humains cherchant à obtenir une intervention de la Cour suprême dans 1528 affaires d’exécutions extrajudiciaires présumées au cours de la période 1979-2012. La commission désignée par la Cour et composée de Hegde Santosh, juge de la Cour suprême à la retraite, de JM Lyngdoh, ancien commissaire général des élections, et de Karnataka Ajay Kumar Singh, ancien chef de la police, a été chargée de soumettre son rapport avant le 12 mars. La Cour n’a pas encore accepté la demande de requérants visant à constituer une équipe d’enquête spéciale ayant pour objectif de se pencher sur les autres cas présumés d’exécutions extrajudiciaires survenues dans l’État depuis 1979.

Les autorités du Manipur doivent coopérer pleinement avec les enquêtes de la commission, afin que les travaux de cette dernière soient exhaustifs et équitables, conformément aux instructions de la Cour suprême. La commission devra par ailleurs achever ses enquêtes dans un délai raisonnable afin que les responsables des homicides soient finalement traduits en justice et que l’état de droit soit rétabli.

Amnesty International salue la décision de la Cour suprême comme un premier pas positif pour la lutte contre l’impunité prévalant dans l’État du Manipur, théâtre d’une insurrection armée au cours des dernières décennies. L’enquête indépendante représente une lueur d’espoir pour les familles des centaines de personnes qui auraient été victimes d’exécutions extrajudiciaires dans le Manipur depuis la fin des années 1970. Certaines parties du Manipur restent officiellement déclarées « zones de troubles ». Ce sont des zones où les forces armées sont dotées de pouvoirs spéciaux (cf. la Loi relative aux pouvoirs spéciaux des forces armées) leur permettant d’utiliser la force, y compris la force létale. Dans ces zones, les soldats bénéficient de l’immunité contre les poursuites et les procès civils à moins que le gouvernement central n’autorise de telles procédures, ce qui est très rare. [1]

Par le passé, les militants des droits humains du Manipur ont demandé à la Cour suprême de nommer une équipe d’enquête spéciale pour tenter de mettre fin à la culture d’impunité qui prévaut dans le Manipur, et rendre justice aux familles des victimes. Dans un entretien avec Amnesty International, Neena Ningonbam, l’épouse de l’une des victimes et membre de l’Association des familles de victimes d’exécutions extrajudiciaires au Manipur (EEVFAM), s’est félicitée de la décision de la Cour suprême et a espéré que cette décision permettrait de rendre justice aux victimes des six premières affaires, et de combattre l’impunité au Manipur.

Décrivant «  le droit à la vie et à la liberté personnelle de chaque personne » comme « le plus précieux de tous les droits », la Cour suprême a également demandé à la commission d’envisager la question plus large du rôle de la police du Manipur et des forces de sécurité dans cet État, de fournir des rapports sur leur fonctionnement et, si elle estimait que leur action avait « transgressé les limites légales », d’émettre des recommandations afin de corriger la situation, « sans pour autant compromettre la lutte contre l’insurrection ».

Un expert, HS Bedi, juge de la Cour suprême à la retraite, enquête déjà sur 17 exécutions extrajudiciaires survenues pendant la période 2002-2006 dans le Gujarat, conformément à une décision de la Cour suprême du 25 janvier 2012.

L’impunité dans les affaires d’exécutions extrajudiciaires est un sujet de préoccupation dans le Manipur et d’autres parties de l’Inde. Après avoir visité l’Inde en 2012, le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Christof Heyns, a déclaré que «  l’impunité pour les exécutions extrajudiciaires est un problème central, qui donne carte blanche aux responsables, et laisse les victimes sans recours, ou leur donne envie de se venger.  [2] » La Commission nationale des droits humains a également déclaré que les « exécutions extrajudiciaires sont devenues une composante de la politique de l’État  [3] ».

Parmi les recommandations formulées par le Rapporteur spécial, l’Inde doit créer une commission d’enquête crédible (sur les exécutions extrajudiciaires) « qui inspire confiance au peuple et qui joue également un rôle de transition en matière de justice [4] ».

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