Communiqué de presse

Inde. Les membres des forces de sécurité ne peuvent prétendre à l’immunité au titre de la Loi relative aux pouvoirs spéciaux des forces armées et doivent être jugés pour les violations commises

Les membres de l’armée indienne accusés de graves violations des droits humains doivent être jugés, au lieu de se cacher derrière la très controversée Loi de 1958 relative aux pouvoirs spéciaux des forces armées, a déclaré Amnesty International mardi 7 février.

Le 4 février, la Cour suprême d’Inde a indiqué que l’armée indienne ne pouvait pas invoquer la Loi relative aux pouvoirs spéciaux des forces armées pour éviter le procès de huit militaires inculpés de l’homicide de cinq villageois cachemiris en mars 2000 à Pathribal.

En vertu de ces pouvoirs spéciaux souvent critiqués, les membres des forces de sécurité ne peuvent pas être poursuivis pour des violations des droits humains sans l’accord du gouvernement central.

« Nous nous félicitons que la Cour suprême ait déclaré qu’il ne devrait pas être nécessaire d’obtenir un accord préalable pour poursuivre les membres des forces de sécurité accusés d’avoir commis de graves violations des droits humains telles que le viol et le meurtre, a souligné Sam Zarifi, directeur du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.

« Cependant, même si l’avis de la Cour laisse une chance que le procès des huit militaires ait lieu, Amnesty International renouvelle sa demande en faveur de l’abrogation de la Loi relative aux pouvoirs spéciaux des forces armées, qui est en vigueur dans diverses régions du nord-est de l’Inde depuis plus de cinq décennies et dans l’État de Jammu-et-Cachemire depuis 1990. »

Selon des informations récentes obtenues par des défenseurs des droits humains en Inde, sur les 50 cas où les autorités de l’État de Jammu-et-Cachemire ont sollicité l’accord du gouvernement afin de poursuivre des membres des forces de sécurité pour de graves violations des droits humains – notamment des actes de torture, des viols et des exécutions extrajudiciaires – le ministère de l’Intérieur de l’Union indienne a indiqué qu’il avait « recommandé » l’accord dans huit cas et le ministère de la Défense dans aucun.

« Depuis bien trop longtemps, les forces de sécurité indiennes utilisent la Loi relative aux pouvoirs spéciaux des forces armées pour couvrir de graves violations des droits humains. La déclaration de la Cour suprême devrait enfin permettre d’en savoir davantage sur certaines des plus atroces violations commises par l’armée ; elle laisse donc un espoir d’obtenir justice pour les victimes et constitue un pas en avant dans l’établissement de l’état de droit », a noté Sam Zarifi.

La Cour suprême a rendu cet avis dans une affaire opposant l’armée à la principale agence d’investigation du pays, le Bureau central d’enquêtes (CBI).

Les forces armées affirmaient que les cinq personnes tuées étaient des membres du groupe Lashkar-e Taiba (Armée des purs) impliqués dans le meurtre de 35 sikhs à Chhattisingpura, dans la vallée du Cachemire, avant la visite du président américain de l’époque, Bill Clinton, en Inde le même mois. L’enquête du CBI a révélé que ces cinq personnes étaient en fait des habitants des villages de Brariangan, Halan et Anantnag.

« La Loi relative aux pouvoirs spéciaux des forces armées comporte des dispositions qui protègent les militaires participant à des opérations armées dans les zones désignées de toute poursuite judiciaire, à moins que le gouvernement de l’Union ne l’autorise, a ajouté Sam Zarifi. Cela arrive rarement dans la pratique, si bien que cette loi permet l’impunité des auteurs de graves violations des droits humains. »

Complément d’information

À la suite d’une série de manifestations au Manipur et dans l’État de Jammu-et-Cachemire, le gouvernement de l’Union indienne a nommé en novembre 2004 un comité composé de cinq membres, présidé par un ancien juge de la Cour suprême, B. P. Jeevan Reddy, pour réexaminer la Loi de 1958 relative aux pouvoirs spéciaux des forces armées. Dans son rapport de juin 2005, ce comité a recommandé l’abrogation de cette loi, mais précisé qu’il souhaitait que ses règles de fond soient transférées dans une autre loi existante – la Loi de 1967 relative à la prévention des activités illégales. Cette démarche a donné lieu à des protestations des organisations de défense des droits humains. L’armée indienne et le ministère de la Défense sont fermement opposés à l’abrogation de la Loi relative aux pouvoirs spéciaux des forces armées.

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