Inde. Les violences politiques continuent au Bengale occidental : il faut des enquêtes et des poursuites judiciaires efficaces

Déclaration publique

ASA 20/020/2007

Amnesty International exprime son inquiétude devant la violence politique qui se déroule depuis ce 6 novembre à Nandigram, dans le district de Midnapore-est (Bengale occidental), et qui a coûté la vie à au moins neuf personnes, blessé au moins 15 autres et déplacé des centaines d’habitants.

Amnesty International est particulièrement préoccupée des informations faisant état de la complicité éventuelle de représentants de l’État dans des agressions visant des agriculteurs appartenant au Bhumi Uchched Pratirodh Committe (BUPC : Comité contre le déplacement) - une organisation formée à la fin 2006 pour protester contre un éventuel déplacement dû à la construction prévue d’un projet industriel dans cette zone.

Des organisations de défense des droits humains ont signalé que les violences ont éclaté ce 6 novembre au moment où des partisans armés du Parti communiste indien (marxiste)(CPI-M), au pouvoir, ont tiré à plusieurs reprises sur des agriculteurs locaux appartenant au BUPC. La police d’État n’aurait pris aucune mesure contre ces hommes armés, et ne se serait pas acquittée de son devoir de protection de la population locale. La fusillade a été suivie par une attaque de représailles menée par des partisans armés du BUPC. En outre, quatre des personnes tuées, qui seraient des partisans du CPI-M, ont été tuées en fabriquant des bombes, selon certaines informations.

L’année passée a été marquée par une escalade de violence entre le CPI-M, qui dirige la coalition de gauche au pouvoir au Bengale occidental, et les agriculteurs liés au BUPC ; 25 personnes au moins ont été tuées et plus d’une centaine blessées. Vingt femmes au moins auraient subi des agressions sexuelles lors de ces violences, et 2 000 personnes au moins auraient été déplacées de leur domicile. La majorité des personnes déplacées vivent dans des camps de fortune, incapables de revenir chez elles de crainte de subir des violences.

Ces violences ont éclaté en janvier 2007 après des protestations persistantes de groupes d’agriculteurs locaux qui craignaient que le projet industriel entraîne leur déplacement en masse. En mars 2007, 14 personnes, pour la plupart des résidents locaux, ont été tuées lorsque la police et des hommes armés (qui seraient associés au CPI-M) ont ouvert le feu sur des manifestants. Après cet épisode, le gouvernement d’État a déclaré qu’il déplacerait le projet, mais des explosions de violence politique ont continué.

Amnesty International reste préoccupée du fait suivant : après le décès de plusieurs personnes à Nandigram, en janvier et mars 2007, le gouvernement du Bengale occidental n’a pas ordonné d’enquête impartiale sur ces homicides. En outre, notre organisation observe avec inquiétude que le gouvernement de l’État a demandé avec succès à la Haute cour de Kolkatta de suspendre l’enquête, qu’elle avait ordonnée précédemment, et que devait mener le CBI (Bureau central d’enquêtes indien), sur les violences de mars.

Amnesty International est préoccupée de l’absence de progrès de l’enquête sur les violences de mars. Dix partisans du CPI-M, arrêtés par le CBI en lien avec la fusillade, ont par la suite été libérés sous caution, après la suspension de l’enquête. La police d’État a enquêté sur plusieurs personnes, mais ces enquêtes n’ont pas progressé davantage. La police d’État avance les difficultés d’accès à certaines zones barricadées et violentes de Nandigram pour justifier cette absence de progrès.

Amnesty International estime que les troubles persistants à Nandigram ont été aggravés par le manque d’enquêtes et de poursuites à l’encontre des personnes qui seraient responsables des violences ayant entraîné la mort d’au moins 25 personnes au cours de l’année précédente.

Amnesty International demande au gouvernement du Bengale occidental de :

 mettre en œuvre une enquête impartiale et indépendante sur les violences survenues l’année dernière à Nandigram, d’en publier promptement les conclusions et de traduire en justice les responsables présumés de ces violences dans une procédure respectant les normes internationales pour un procès équitable et sans recours à la peine de mort ;
 faire en sorte que tous les représentants de l’État, notamment les policiers, soupçonnés de violations des droits humains, y compris de recours excessif à la force, de torture ou d’autre traitement cruel, inhumain ou dégradant, soient traduits en justice dans le cadre d’une procédure qui respecte les normes internationales pour un procès équitable, et n’impose pas la peine de mort ;
 permettre un retour sûr de tous les groupes déplacés à Nandigram et à ses zones voisines.

Contexte

Le projet industriel de Nandigram, nécessitant au moins 4 000 hectares de terres pour établir une Zone économique spéciale (ZES), devait être développé conjointement comme plate-forme chimique par la Société de développement industriel, propriété de l’Etat, et le conglomérat d’entreprises indonésien Salem. Le gouvernement du Bengale occidental doit annoncer un nouvel emplacement pour ce projet.

Les protestations à Nandigram ont fait suite à des troubles à Singur (Bengale occidental) en décembre 2006, lorsque des partis d’opposition et un certain nombre d’agriculteurs ont organisé des manifestations, les agriculteurs étant menacés de déplacement par les tentatives du gouvernement de l’État d’acquérir des terres agricoles pour un projet d’usine automobile Tata Motors. Le gouvernement du Bengale occidental prévoit d’établir au moins six autres grands projets industriels, notamment des ZES, dans cet État, ce qui nécessite l’acquisition d’au moins 10 000 hectares de terres.

Dans une tentative d’accélérer la croissance économique nationale, l’Inde fait la promotion des ZES dans tout le pays. Les acquisitions liées à ces projets continuent de susciter des protestations de groupes locaux, craignant d’être déplacés et de voir menacés leurs moyens d’existence durables.

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