Toute initiative des autorités indiennes en vue de renvoyer de force des réfugiés et demandeurs d’asile rohingyas au Myanmar, où ils risquent de graves atteintes aux droits humains, constituerait une violation flagrante du droit international, a déclaré Amnesty International Inde mercredi 5 avril.
Selon des informations publiées dans les médias le 4 avril, le ministère fédéral des Affaires étrangères prévoirait « d’identifier, d’arrêter et d’expulser » des milliers de réfugiés et demandeurs d’asile rohingyas dans plusieurs États de l’Inde.
« Le renvoi forcé de musulmans rohingyas au Myanmar – où cette minorité subit de terribles atteintes aux droits humains – serait non seulement une violation des engagements de l’Inde au regard du droit international, mais aussi une tache dans l’histoire de l’Inde, qui soutient traditionnellement les personnes fuyant les persécutions », a déclaré Raghu Menon, responsable des médias et du travail de plaidoyer à Amnesty International Inde.
Les musulmans rohingyas, qui figurent parmi les minorités les plus persécutées du monde, sont victimes de discrimination, de répression et de violence depuis des années au Myanmar.
En décembre 2016, Amnesty International a dénoncé une violente campagne menée contre les Rohingyas par les forces de sécurité au Myanmar, qui pourrait constituer un crime contre l’humanité. L’organisation a recueilli des éléments faisant état de nombreuses violations des droits humains dans l’État d’Arakan (nord du pays), notamment des homicides illégaux, des viols répétés et des incendies volontaires sur des centaines d’habitations et d’autres bâtiments utilisés par des Rohingyas.
Le renvoi forcé de réfugiés et demandeurs d’asile rohingyas au Myanmar bafouerait le principe de « non-refoulement », reconnu par le droit international coutumier et auquel l’Inde est tenue, qui interdit aux États de renvoyer de force une personne dans un pays où elle risque de subir de graves atteintes aux droits humains. L’Inde est partie à plusieurs traités internationaux qui proclament ce principe, comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant.
« Les autorités indiennes savent très bien quelles atteintes aux droits humains subissent les Rohingyas au Myanmar. Les expulser et les abandonner à leur sort serait inadmissible, a déclaré Raghu Menon.
« En tant que pays aspirant à un rôle plus important sur la scène internationale, l’Inde doit signer sans délai la Convention relative au statut des réfugiés et mettre en place un cadre national rigoureux pour protéger les droits des réfugiés. »
Complément d’information
Bien qu’elle accueille des milliers de réfugiés sur son sol, l’Inde n’est pas signataire de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ni de son Protocole de 1967, et elle ne possède pas de cadre juridique national pour la protection des réfugiés. Le traitement des réfugiés est surtout couvert par la Loi relative aux étrangers de 1946, qui ne fait pas de distinction entre demandeurs d’asile, réfugiés et autres ressortissants étrangers. Ce texte rend toute présence physique sans papiers dans le pays passible de poursuites pénales.
Le gouvernement indien a donné mandat au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) d’enregistrer et d’aider les réfugiés de pays non frontaliers et du Myanmar. Selon le HCR, environ 14 000 Rohingyas sont enregistrés en Inde, dont 3 000 demandeurs d’asile et 11 000 personnes à qui l’organisme a accordé le statut de réfugié. Cependant, les autorités indiennes ne les reconnaissent pas officiellement comme des réfugiés.
En février, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a publié un rapport exposant les atteintes aux droits humains subies par le peuple rohingya. En mars, la rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Myanmar a présenté ses dernières conclusions sur les violations des droits humains dans ce pays.
Les rapports publiés par la rapporteuse spéciale, le HCR, Amnesty International et d’autres organisations constatent que des femmes et des filles rohingyas ont été violées, que des centaines de Rohingyas ont été victimes de disparition forcée et qu’un nombre indéterminé de Rohingyas ont été tués par les forces de sécurité au Myanmar. Plusieurs dizaines de milliers de membres de cette minorité ont été déplacés – la plupart après que leurs habitations ont été réduites en cendres par les forces de sécurité.
En mars, lors d’une session du Conseil des droits de l’homme, l’Inde a apporté son soutien par consensus à la création d’une mission internationale d’établissement des faits afin d’enquêter sur les violations des droits humains dans l’État d’Arakan.