INDE. Une enquête doit être diligentée sur les exécutions extrajudiciaires et des poursuites engagées contre les auteurs présumés de tels actes

Index AI : ASA 20/015/2010 (Public)
ÉFAI-8 juin 2010

Parallèlement à l’enquête en cours sur les homicides commis récemment à Machil, le gouvernement indien doit ordonner l’ouverture d’enquêtes effectives et approfondies, menées par des organismes indépendants et impartiaux, sur toutes les allégations passées et présentes d’exécutions extrajudiciaires dans l’État de Jammu-et-Cachemire, comme premier pas vers une levée de l’impunité dont bénéficient les auteurs de tels actes, a déclaré Amnesty International le 8 juin.

La police de l’État de Jammu-et-Cachemire a récemment communiqué les noms d’un officier de l’armée indienne et de quatre Cachemiris dont un soldat réserviste, soupçonnés de l’enlèvement et du meurtre de trois jeunes de la région. Les homicides ont eu lieu dans un endroit isolé de Machil, dans le district de Kupwara, le long de la « ligne de contrôle » avec le Pakistan, les 29 et 30 avril 2010.

Les jeunes auraient été attirés dans la zone de la « ligne de contrôle » par la perspective de travailler comme porteurs pour les troupes postées dans la région, mais au lieu de cela ils ont été abattus par l’armée. Selon les informations communiquées à la police locale, les trois hommes étaient des insurgés armés qui tentaient de s’infiltrer depuis le Pakistan. Les meurtres auraient été commis pour toucher une récompense en argent.

Après des manifestations de grande ampleur, les corps des trois jeunes gens – Shehzad Ahmad, Riyaz Ahmad et Mohammad Shafi – ont été exhumés la semaine dernière. Une enquête judiciaire a été ordonnée par le gouvernement de l’État et l’armée a diligenté une enquête interne. L’officier du 4ème bataillon du régiment de Rajput soupçonné d’homicide a été suspendu, l’armée a également relevé de ses fonctions le commandant du bataillon. Aucun des deux hommes n’a à ce jour été remis à la police à des fins d’enquête et de poursuites.

Le Premier ministre indien, Manmohan Singh, achève une visite de deux jours à Srinagar, la capitale de l’État. Si sa promesse de « tolérance zéro » pour toute atteinte aux droits humains doit prendre tout son sens, le gouvernement central et le gouvernement de l’État doivent veiller à ce que toutes les personnes soupçonnées d’être impliquées dans les homicides de Machil, y compris les soldats et officiers quel que soit leur rang, soient traduites en justice lors d’une procédure répondant aux normes internationales d’équité des procès. Le gouvernement doit également veiller à ce que, chaque fois qu’il y a soupçon d’exécution sommaire, extrajudiciaire ou arbitraire, une enquête approfondie et effective soit menée dans les meilleurs délais par des organismes indépendants et impartiaux, conformément aux obligations qui sont celles de l’Inde en vertu du droit international relatif aux droits humains.

Amnesty International demande instamment aux gouvernements indien et de l’État de Jammu-et-Cachemire :
  d’émettre des ordonnances interdisant sans équivoque toute exécution extrajudiciaire, sommaire ou arbitraire et précisant clairement que de tels actes ne sauraient être tolérés et de veiller à ce que ces ordonnances soient promulguées au sein des forces de sécurité ;
  d’annuler toutes les dispositions législatives et, notamment, d’abroger la loi (de l’État de Jammu-et-Cachemire) relative aux pouvoirs spéciaux des forces armées qui accorde l’immunité aux membres des forces de sécurité et empêche que des poursuites ne soient engagées contre les personnes soupçonnées d’atteintes aux droits humains, de veiller à ce que les personnes soupçonnées d’avoir une part de responsabilité dans ces crimes soient poursuivies dans le cadre d’une procédure conforme aux normes internationales d’équité des procès ;
  de veiller à ce que les proches de personnes reconnues victimes d’exécutions extrajudiciaires reçoivent des réparations pleines et entières, conformément à ce que prévoient les normes internationales ;
  de faciliter les demandes de visite en Inde, notamment dans l’État de Jammu-et-Cachemire, depuis longtemps déposées par le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et le groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires ; des dates doivent leur être fixées pour qu’ils puissent mener à bien leurs missions dans un avenir proche.

Complément d’information

L’État de Jammu-et-Cachemire est depuis vingt ans le théâtre d’une insurrection armée. Depuis le début des années 1990, Amnesty International a publié une série de rapports et de déclarations sur la situation des droits humains dans l’État de Jammu-et-Cachemire, faisant état notamment de détentions arbitraires, disparitions forcées et exécutions extrajudiciaires. L’organisation s’est également toujours opposée aux exactions perpétrées par les groupes d’opposition armés, les appelant régulièrement à respecter les normes du droit international humanitaire qui interdit la prise d’otages, les actes de torture, assassinats et autres traitements inhumains de personnes ne prenant pas une part active aux hostilités.

Au début du mois de mai 2010, une délégation d’Amnesty International a rencontré les familles de victimes d’exécutions extrajudiciaires ainsi que des organisations de la société civile à Srinagar qui leur ont signalé de nombreux homicides d’habitants, particulièrement le long de la « ligne de contrôle » et des centaines de disparitions dans l’État. Des organisations locales ont également répertorié près de 3 000 tombes anonymes.

Si Amnesty International salue les enquêtes précédemment ouvertes par le gouvernement dans plusieurs affaires hautement médiatisées, l’organisation souligne cependant que rares ont été les suites données à ces enquêtes, l’armée et le gouvernement indien freinant toute tentative faite en vue d’engager des poursuites à l’encontre de membres des forces armées soupçonnés d’atteintes graves aux droits humains.

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