Entre janvier et août 2018, au moins 77 personnes ont été abattues dans tout le pays, dont 31 dans des villes du Grand Djakarta et de la province de Sumatra-Sud qui accueillent les Jeux asiatiques. Nombre de ces homicides ont été commis dans le cadre d’opérations de police visant explicitement à préparer les villes à l’accueil de l’événement sportif qui se tiendra du 18 août au 2 septembre.
« Au cours des mois précédant les Jeux asiatiques, les autorités se sont engagées à améliorer la situation en matière de sécurité pour tous. Au lieu de cela, la police a abattu des dizaines de personnes dans le pays, et n’a quasiment jamais été amenée à rendre des comptes pour ces homicides », a déclaré Usman Hamid, directeur d’Amnesty International Indonésie.
« Ces chiffres choquants témoignent clairement d’une pratique de recours injustifié et excessif à la force par la police et du climat constant d’impunité qui caractérise les institutions chargées de la sécurité publique. L’accueil d’un événement sportif international ne doit pas se faire au détriment des droits humains. Les homicides doivent cesser et les morts doivent faire l’objet d’enquêtes efficaces sans délai. »
Les homicides ont atteint un sommet entre le 3 et le 12 juillet, lorsque la police a abattu 11 personnes dans le Grand Djakarta et 3 personnes dans la province de Sumatra-Sud dans le cadre d’une opération de « sécurité publique », en préparation de l’accueil des Jeux asiatiques. À Djakarta, en plus des personnes tuées, 41 autres ont été touchées par balle aux jambes et plus de 700 des 5 000 personnes arrêtées ont été inculpées d’une infraction pénale.
Peu après l’opération connue sous le nom de Cipta Kondisi (Opération de sécurité publique), des hauts responsables de la police ont annoncé publiquement que leur personnel allait prendre des « mesures fermes » et tirerait à vue sur quiconque résisterait à l’arrestation ou attaquerait des policiers.
Le 30 juillet, en dépit des critiques, le chef de la police nationale a réaffirmé la politique établie et a déclaré : « s’ils s’opposent aux policiers lors de leur arrestation, n’hésitez pas, abattez-les. »
Pour justifier les homicides de Djakarta, la police s’est servie des inquiétudes croissantes de la population quant à l’augmentation du nombre de crimes violents commis dans la ville par des personnes qualifiées de begals. Ce terme qualifie des personnes portant des armes blanches ou à feu et se déplaçant à moto pour voler et attaquer d’autres personnes. Le nombre global de personnes tuées dans les rues d’Indonésie et accusées d’avoir commis des délits mineurs en 2018 a augmenté de 64 % par rapport à la même période de l’année précédente.
« La police applique clairement une politique visant à “tirer d’abord, et poser des questions ensuite”. La Commission nationale des droits humains et la Commission nationale de la police doivent lancer sans délai une enquête approfondie, impartiale et indépendante sur les homicides et traduire en justice toutes les personnes soupçonnées d’avoir commis des actes criminels, y compris celles exerçant des fonctions de commandement », a déclaré Usman Hamid.
« La police applique clairement une politique visant à “tirer d’abord, et poser des questions ensuite”.
Amnesty International appelle également les autorités indonésiennes, tout comme les instances sportives nationales et internationales, à prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher que des atteintes aux droits humains ne soient commises dans le cadre de l’accueil des Jeux asiatiques, et pour veiller à ce que l’organisation de cet événement n’entraine pas une aggravation des violations de ces droits.
Au titre du droit international relatif aux droits humains, l’Indonésie a l’obligation de respecter et protéger le droit à la vie de chacun à tout instant et le devoir de mener des enquêtes approfondies, impartiales et indépendantes sur les atteintes présumées au droit à la vie.
Le droit international relatif aux droits humains et les normes en la matière prévoient que les responsables de l’application des lois ne peuvent recourir à la force que lorsque cela est strictement nécessaire et proportionné et seulement dans la mesure exigée par un objectif légitime de maintien de l’ordre. La force meurtrière, notamment le recours à des armes à feu, ne doit être employée qu’en dernier recours et si cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines ou empêcher des blessures graves.