INDONÉSIE : En Papouasie, les droits humains sont l’affaire de chacun

Index AI : ASA 21/123/02

Dans un nouveau rapport publié aujourd’hui (26 septembre 2002), Amnesty International met en garde contre le fait que les sociétés faisant des affaires en Papouasie ne peuvent pas fermer les yeux sur les droits humains. L’organisation invite le gouvernement indonésien et les sociétés implantées dans cette province à assumer leurs responsabilités afin de protéger et de faire respecter les droits fondamentaux.

Des événements récents tels que l’assassinat de trois formateurs employés par la compagnie d’exploitation de la mine de cuivre et d’or de Freeport, ainsi que les accusations d’atteintes aux droits humains formulées par le passé contre le personnel indonésien chargé d’assurer la surveillance des opérations minières mettent en évidence la difficulté de la situation : il s’agit de garantir la sécurité des sociétés commerciales, tout en protégeant les droits humains de ceux qui vivent alentour.

Le rapport d’Amnesty International rend compte de violations des libertés fondamentales commises au cours d’une opération de police dans le district de Wasior, en Papouasie, d’avril à octobre 2001. Cette opération, la plus vaste depuis 1996, avait été lancée en représailles du meurtre de neuf personnes, dont cinq policiers. Elles avaient trouvé la mort lors de deux attaques menées par des groupes armés non identifiés sur des compagnies forestières, en mars et en juin 2001.

Tout comme dans l’affaire de Freeport, les autorités indonésiennes ont accusé le groupe armé d’opposition Organisasi Papua Merdeka (OPM, Organisation de la Papouasie libre) d’être responsable de ces attaques. Toutefois, l’implication de ce mouvement demeure incertaine.

L’opération de Wasior a été conduite par des troupes de la Brigade Mobil (Brimob, brigade de police mobile) – unité de police paramilitaire au bilan tristement célèbre en matière de droits humains. Ses membres assurent la sécurité de compagnies minières ou forestières et de sociétés commerciales, en Papouasie et dans d’autres provinces indonésiennes.

Au cours de cette opération, pas moins de sept personnes ont perdu la vie et une autre est morte en détention des suites de tortures. Vingt-sept accusés ont été condamnés à des peines d’emprisonnement à la suite de procès iniques. Les organisations locales de droits humains estiment que plus d’une centaine de personnes ont été détenues, torturées ou soumises à d’autres formes de mauvais traitements, que des centaines ont été déplacées à l’intérieur du pays et que des dizaines de maisons ont été détruites.

« Plutôt que d’identifier et de traduire en justice les individus responsables des attaques visant les compagnies d’exploitation forestière, l’opération semble s’être transformée en une campagne de vengeance vis-à-vis de leur communauté immédiate – voire un peu plus globale », a déclaré Amnesty International.

L’organisation appelle le gouvernement indonésien à ouvrir une enquête indépendante sur les informations faisant état de violations des droits humains dans le district de Wasior et à veiller à ce que les responsables soient traduits en justice, notamment ceux qui assumaient des fonctions de commandement.

Le manque de détermination du gouvernement, qui ne prend pas de mesures crédibles et efficaces afin d’enquêter sur des affaires comme celle de Wasior, ne fait que renforcer le sentiment d’impunité et aggraver les problèmes de sécurité. En outre, cela nuit au développement économique, social et politique de la province.

« Il incombe aux sociétés nationales et internationales implantées en Papouasie de s’assurer que les forces de sécurité qu’elles emploient n’ont pas d’antécédents en termes d’atteintes aux droits humains et soient formées aux normes en la matière, a recommandé Amnesty International. Elles devraient non seulement veiller à ce que leurs activités ne nuisent pas aux droits fondamentaux de la population locale, mais aussi suivre activement le déroulement des enquêtes et faire pression pour que justice soit rendue. »

Informations générales
Première province indonésienne par la taille, la Papouasie compte parmi les plus riches en ressources naturelles. L’exploitation de ces ressources constitue depuis longtemps une source de tensions entre les Papous et le gouvernement central. L’exploitation minière et forestière, l’une des causes principales de la destruction environnementale de cette province, empiète sur les droits des indigènes, leurs moyens d’existence, leurs traditions et leurs coutumes. Les conséquences au niveau social, économique et culturel s’avèrent dramatiques – déplacements de population et perte des moyens de subsistance notamment. Les forces de sécurité affectées à la protection des industries se sont rendues responsables de violations des droits humains, ce qui a amplifié les tensions existantes et alimenté les exigences d’indépendance vis-à-vis de l’Indonésie.

Le mouvement en faveur de l’indépendance est né à la fin des années 60. L’Organisasi Papua Merdeka (OPM, Organisation de la Papouasie libre) fédère de nombreux groupes. Sa branche armée, la Tentara Pembebasan Nasional (TPN, Armée de libération nationale), se compose principalement de petits groupes de combattants armés d’arcs, de flèches et d’autres armes simples. Au fil des ans, ils ont mené des attaques sporadiques contre des objectifs principalement militaires et policiers ; parfois pris pour cibles, les civils ont toutefois été victimes d’atteintes aux droits humains, notamment en étant exécutés illégalement ou pris en otages. Les opérations anti-insurrectionnelles conduites par les forces de sécurité indonésiennes contre le mouvement indépendantiste ont abouti à des violations flagrantes des droits fondamentaux, notamment à des exécutions extrajudiciaires, des « disparitions », des actes de torture et des détentions arbitraires.

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