Indonésie. L’enquête policière sur le meurtre d’un manifestant papou pacifique n’a pas progressé

Déclaration publique

ÉFAI-
10 août 2009

L’absence de résultat dans l’enquête sur la mort d’un manifestant papou, Opinus Tabuni, un an après les faits, montre que les responsables de l’application des lois n’ont toujours pas obligation de rendre compte de leurs actes en cas de recours à l’usage meurtrier d’armes à feu.

Opinus Tabuni, trente-cinq ans, se trouvait dans la foule célébrant la Journée internationale des populations autochtones, le 9 août, à Wamena, dans la province de Papouasie. La police indonésienne ainsi que d’autres forces de sécurité étaient présentes. À la fin de la manifestation, plusieurs personnes dans la foule ont brandi le drapeau des Nations unies, le drapeau indonésien, un drapeau SOS Papous en danger et le drapeau de « l’Étoile du matin » interdit par les autorités indonésiennes, qui le considèrent comme l’emblème du mouvement séparatiste papou.

Selon les informations fournies par les médias, la police a effectué des tirs de sommation à balles réelles et tenté de faire retirer le drapeau. Ce sont des personnes dans la foule qui ont retrouvé Opinus Tabuni mort, gisant sur le sol avec une blessure par balle nettement visible au niveau de la poitrine.

En septembre 2008, une équipe d’enquêteurs envoyée par la branche de Djakarta de la Commission nationale des droits humains (Komnas HAM) a découvert en lisant le rapport d’autopsie que la balle retrouvée dans le thorax d’Opinus Tabuni était une balle de l’armée. Depuis toutefois, la famille d’Opinus Tabuni n’a reçu aucune information concernant l’enquête et n’a toujours pas pu rencontrer le chef de la police régionale de la province de Papouasie pour savoir si des éléments nouveaux étaient apparus dans cette affaire.

Amnesty International appelle les autorités indonésiennes à faire en sorte qu’une enquête impartiale, indépendante et transparente soit menée dans les meilleurs délais pour déterminer comment un manifestant pacifique a pu ainsi être abattu. Les responsables de la mort d’Opinus Tabuni doivent être tenus de rendre des comptes et le gouvernement doit faire le nécessaire pour que des réparations suffisantes soient octroyées aux proches de la victime.

La police doit également veiller à ce que les responsables de l’application des lois en Papouasie usent de méthodes non violentes dans l’exercice de leurs fonctions et n’utilisent la force qu’en dernier recours et uniquement lorsque cela est strictement nécessaire. Ces principes, inscrits dans les normes internationales telles que les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois et le Code de conduite pour les responsables de l’application des lois, ont également été incorporés au récent Règlement n°8 du chef de la police, signé en juin 2009.

Amnesty International demande également au président et au parlement de mettre en place un mécanisme indépendant chargé d’examiner les plaintes contre la police, qui puisse superviser et gérer les enquêtes menées par la police. Ce mécanisme devrait être autorisé à mener ses propres enquêtes, notamment dans les affaires de recours à une force excessive ou meurtrière ayant provoqué des blessures ou la mort.

Complément d’information

La Papouasie, province la plus à l’est de l’Indonésie, a été témoin d’une violence croissante au cours de ces derniers mois. Trois personnes ont été tuées et plus d’une dizaine blessées dans une série d’affrontements près de la mine d’or et de cuivre de Freeport au cours de ces dernières semaines. En avril, cinq personnes ont été tuées lors d’échauffourées au moment des élections législatives.

En 2009, Amnesty International a continué de recueillir des témoignages faisant état d’un usage disproportionné et excessif de la force par des policiers lors de manifestations en Papouasie. Le 3 avril 2009, à Nabire, la police a ouvert le feu sur des manifestants qui appelaient au boycott des élections législatives à venir et réclamaient l’ouverture d’enquêtes sur les atteintes passées aux droits humains en Papouasie. Sept personnes au moins ont été blessées. Le 29 janvier 2009, également à Nabire, la police a violemment dispersé une manifestation appelant à la tenue d’élections locales. Les policiers ont frappé les manifestants à coups de pied, de cannes en rotin et de crosses de fusil. Des balles en caoutchouc ont également été tirées, faisant au moins cinq blessés. À la connaissance d’Amnesty International, il n’y a pas d’enquête en cours.

Amnesty International considère toutes les personnes interpellées uniquement pour avoir brandi de façon pacifique le drapeau de « l’Étoile du matin »comme des prisonniers d’opinion qui doivent être libérés immédiatement sans condition.

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