En réaction à ces affrontements, Usman Hamid, directeur exécutif d’Amnesty International Indonésie, a déclaré :
« Il s’agit de l’une des journée les plus sanglantes de ces 20 dernières années en Papouasie, qui a coûté la vie à au moins 24 personnes en 24 heures. Les autorités indonésiennes doivent mener dans les meilleurs délais une enquête impartiale, indépendante et efficace sur ces événements. Les enquêteurs doivent rendre leurs conclusions publiques. Les auteurs d’atteintes aux droits humains impliquant des infractions pénales doivent être jugés dans le cadre de procès équitables et le gouvernement doit veiller à ce que les familles des victimes reçoivent des réparations adéquates.
« Les forces de police qui se retrouvent face à des manifestants doivent être formées et équipées pour répondre avec des actions non meurtrières, sauf si cela est inévitable parce qu’elles sont elles-mêmes en grand danger. Elles ne doivent utiliser des armes à feu qu’en dernier recours lorsque d’autres mesures échouent. Tout usage de la force entraînant la mort doit faire l’objet d’une enquête indépendante et approfondie. Les forces de sécurité doivent aussi autoriser les familles des blessés à rendre visite à leurs proches soignés dans les hôpitaux locaux en Papouasie.
« S’il est crucial et urgent de rétablir la sécurité et l’ordre public à Djayapura et Wamena, le maintien de l’ordre – y compris les investigations et les poursuites pénales au lendemain des émeutes – doit se faire dans le respect des normes internationales relatives aux droits humains applicables. Nous avons noté dans des rapports précédents que la torture, les traitements ou châtiments cruels, inhumains ou dégradants, et enfin les homicides illégaux imputables aux forces de sécurité en Papouasie se sont souvent déroulés sous prétexte de faire respecter la loi et l’ordre. Dans des situations comme celle-ci, particulièrement en Papouasie, la transparence est essentielle pour prévenir tout abus de pouvoir potentiel.
« Le besoin de transparence est sapé par la décision du gouvernement de restreindre l’accès à Internet dans la région en réaction aux affrontements à Wamena. Cette décision ne fera qu’entraver les investigations et le recueil d’informations par les médias et d’autres acteurs indépendants sur ce qui s’est réellement passé dans la ville, alors que les informations sur les événements et le nombre de victimes divergent. Ce n’est pas le moment de censurer. Ces tensions ne doivent pas servir d’excuse pour empêcher les citoyens de partager des informations et d’exprimer pacifiquement leurs opinions. »
Complément d’information
Dans la matinée du 23 septembre, des étudiants papous indigènes de différentes régions d’Indonésie qui venaient de rentrer à Djayapura ont organisé un sit-in devant le campus Abepura de l’Université de Cendrawasih, invitant les étudiants de l’université à se joindre à leur mouvement pour faire grève. Les affrontements ont éclaté entre les étudiants et la police, qui les a empêchés de poursuivre le sit-in. Les étudiants sont repartis à leur point de rassemblement à Expo Waena, à Djayapura, à 11 heures du matin. Ils ont lancé des pierres sur les forces de sécurité, qui ont riposté en ouvrant le feu. Les tirs ont entraîné la mort de trois étudiants et en ont blessé 20 autres. En outre, un soldat a été poignardé à mort par les manifestants durant les événements. Un membre de la famille de l’un des blessés n’a pas été autorisé à se rendre à l’hôpital Bhayangkara de la police, à Djayapura. La police a arrêté 733 étudiants à Djayapura pendant et après les affrontements.
Le même jour, à Wamena, une ville située à 260 kilomètres de Djayapura, des centaines de lycéens sont descendus dans la rue pour protester contre le fait qu’un enseignant aurait proféré des insultes racistes dans un établissement local. La police a affirmé que les informations faisant état de ces propos offensants étaient une « infox », mais un membre du clergé d’une église chrétienne locale a confirmé que ces propos avaient été tenus le samedi 21 septembre. L’enseignant aurait réprimandé un élève papou autochtone qui n’arrivait pas à lire correctement le passage d’un livre, disant qu’il lisait comme « un singe ». Lundi 23 septembre, les manifestants en colère ont incendié un bureau du gouvernement et d’autres bâtiments, et perturbé un aéroport local.
L’armée a confirmé le bilan de 16 morts et 65 blessés lors des affrontements à Wamena, tandis que l’Assemblée du peuple papou (MRP), un organisme représentatif du peuple indigène papou qui fait partie du pouvoir législatif de la Papouasie et de la province de Papouasie occidentale, a déclaré qu’au moins 17 personnes ont été tuées. Selon l’armée, la majorité des victimes, à savoir 14, sont des Papous non autochtones qui ont été pris au piège dans les bâtiments en flammes.
Un membre du clergé d’une église chrétienne de la ville a déclaré à Amnesty International Indonésie que ce nombre pourrait être plus élevé. D’après les derniers chiffres de l’église datant du lundi soir, environ 20 personnes ont été tuées, certaines dans les violents affrontements qui ont opposé Papous autochtones et non autochtones lors des émeutes. Mardi 24 septembre, le général Tito Karnavian, chef de la police nationale, s’est adressé aux médias, affirmant que le bilan s’élevait à 26 morts à Wamena.