Communiqué de presse

Indonésie. Il faut libérer Johan Teterissa et tous les autres prisonniers d’opinion

Cinq ans après l’arrestation de Johan Teterissa en raison de sa participation à une action pacifique, Amnesty International appelle encore une fois les autorités indonésiennes à le libérer immédiatement et sans condition, de même que tous les autres prisonniers d’opinion incarcérés en Indonésie.

Johan Teterissa a été arrêté le 29 juin 2007. Avec 22 militants, il a manifesté pacifiquement devant le président Susilo Bambang Yudhoyono, qui assistait à une cérémonie officielle dans la ville d’Amboine, capitale de la province des Moluques. Durant la cérémonie, Johan Teterissa a entraîné sur le terrain les militants, pour la plupart des enseignants et des paysans, et ils ont effectué une danse guerrière traditionnelle devant le président. À la fin de la danse, ils ont déployé le « Benang Raja », un drapeau régional interdit.

Des policiers et des membres de la garde présidentielle ont escorté Johan Teterissa et 21 militants hors du terrain. Une fois hors de la vue du président, ils les ont roués de coups de poing et leur ont asséné des coups de crosses de fusil. Pendant les jours qui ont suivi, les militants ont été torturés par la police, notamment par des agents de l’unité antiterroriste du Détachement 88 (Densus-88), pendant leur interrogatoire et leur détention. Ils ont été frappés, contraints de ramper sur du bitume chaud et fouettés avec des câbles électriques, et on leur a enfoncé des boules de billard dans la bouche. Cinq ans plus tard, aucune enquête indépendante n’a été menée sur les allégations de torture et aucun policier n’a été inquiété.

Les autorités indonésiennes doivent diligenter une enquête efficace et indépendante sur les allégations d’atteintes aux droits humains, notamment de torture, qu’auraient infligées les forces de sécurité à Johan Teterissa et aux autres militants. Elles doivent ensuite juger équitablement les responsables présumés de ces agissements.

Par ailleurs, Amnesty International craint que Johan Teterissa n’ait pas accès à de l’eau potable en quantité suffisante dans la prison de Madeang, dans la province de Java oriental, où il est incarcéré. Selon des informations crédibles, les autorités carcérales restreignent aussi la quantité d’eau que certains prisonniers – dont Johan Teterissa – peuvent utiliser pour faire leur toilette. Or, les conditions de détention doivent être conformes aux normes garanties par la loi indonésienne et par l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus.

Johan Teterissa et les autres militants ont finalement été inculpés de « rébellion » (makar) au titre des articles 106 et 110 du Code pénal indonésien – fréquemment invoqués en Indonésie pour mettre derrière les barreaux des militants politiques pacifiques. Johan Teterissa a été condamné en première instance à la détention à perpétuité ; toutefois, sa peine a été réduite à 15 ans en appel. Les 21 militants ont été condamnés à des peines allant de sept à 20 ans d’emprisonnement. Un 23e danseur, interpellé en juin 2008, a été condamné à quatre ans de prison en mars 2009.

Amnesty International invite les autorités indonésiennes à abroger ou modifier les articles 106 et 110 du Code pénal, afin qu’ils ne servent plus à criminaliser la liberté d’expression.

En novembre 2008, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a qualifié la détention de Johan Teterissa d’arbitraire, au motif qu’il a été emprisonné pour avoir exercé ses droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique (Avis n° 41/2008, Indonésie). Or, ces droits sont inscrits dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Indonésie est partie, et dans la Constitution indonésienne. Le Groupe de travail a ajouté dans son argumentaire que Johan Teterissa avait été jugé dans le cadre d’un procès inique, en violation de l’article 14 du PIDCP : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi. »

Amnesty International ne prend aucunement position sur le statut politique des provinces d’Indonésie, pas plus que sur les appels à l’indépendance. Elle estime toutefois que le droit à la liberté d’expression comprend le droit de plaider pacifiquement en faveur de référendums, de l’indépendance ou de toute autre solution politique, dans la mesure où elle n’implique pas d’incitation à la discrimination, à l’hostilité ni à la violence.

Les droits à la liberté d’expression, d’opinion, d’association et de réunion pacifique sont reconnus par le PIDCP et la Constitution indonésienne. Si le gouvernement indonésien a le droit et le devoir de maintenir l’ordre, il doit veiller à ce que toute restriction pesant sur les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique ne sorte pas du cadre autorisé par le droit international en matière de droits humains.

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