INDONÉSIE : La plus haute instance des Nations unies pour les droits humains oublie les victimes en Indonésie et au Timor oriental

Index AI : ASA 21/017/02

Après l’adoption, par la Commission des droits de l’homme des Nations unies, d’une déclaration relative au Timor oriental vendredi dernier à Genève, Amnesty International s’est dite déçue par la Commission qui a cédé, une fois de plus, à la pression exercée sur elle par le gouvernement indonésien afin qu’elle n’aborde ni la grave situation des droits humains en Indonésie, ni le maigre bilan des autorités en ce qui concerne leur obligation d’amener les auteurs présumés d’atteintes aux droits humains à rendre des comptes.

Bien que les forces de sécurité indonésiennes continuent de commettre de graves violations des droits humains, plus particulièrement dans les provinces de l’Aceh et de la Papouasie, la déclaration n’aborde pas ce sujet. Elle ne fait que décrire la situation actuelle des droits humains au Timor oriental et évoquer la responsabilité de l’Indonésie dans les crimes qui y ont été commis en 1999 par les forces de sécurité indonésiennes et les milices pro-indonésiennes.

« La Commission a reçu une grande quantité de preuves confirmant que de graves violations des droits humains ont été perpétrées, y compris des exécutions illégales et des actes de torture, mais elle n’en a pas moins décidé d’ignorer, une nouvelle fois, la situation en Indonésie, a déclaré Amnesty International. Il est regrettable que la plus haute instance des Nations unies pour les droits humains refuse de prendre position contre un gouvernement qui autorise ses forces de sécurité à commettre des actes d’une telle brutalité. »

D’autre part, la Commission n’a pas saisi l’occasion d’exercer une forte pression sur les autorités indonésiennes afin qu’elles engagent des actions en justice crédibles et efficaces contre les responsables présumés des crimes graves – comme les crimes contre l’humanité – qui ont été commis par les forces de sécurité indonésiennes et les milices pro-indonésiennes dans l’ensemble du Timor oriental en 1999. Au mois de mars à Djakarta, la capitale indonésienne, trois procès se sont ouverts, mais il semblerait que ces actions judiciaires soient entachées d’irrégularités et qu’elles ne présentent pas les garanties nécessaires au respect des normes internationales d’équité. Il semblerait également que l’Indonésie souhaite limiter à cinq le nombre d’affaires portées devant les tribunaux, refusant ainsi de rendre justice aux milliers de victimes du Timor oriental.
« Étant donné les graves préoccupations soulevées par Amnesty International et d’autres observateurs quant à la qualité des procès, il est surprenant que la Commission se montre si positive sur cette question, a indiqué l’organisation de défense des droits humains. Les références aux actions judiciaires, formulées en des termes faibles, ne permettront pas d’exercer une quelconque pression sur les autorités indonésiennes afin qu’elles prennent les mesures nécessaires pour garantir que justice soit faite et que tous les auteurs présumés, y compris ceux ayant ordonné des violences, soient déférés à un tribunal. »

Amnesty International est extrêmement préoccupée par le fait que la déclaration de la Commission n’exprime aucune inquiétude quant aux risques pesant sur le bon fonctionnement de la justice et sur les droits des accusés. En effet, aucune mesure fondamentale, comme un programme efficace de protection des victimes et des témoins, n’a encore été mise en place pour garantir l’équité des procès. La déclaration ne fait par ailleurs aucune mention des vastes limites temporelles et territoriales dont fait l’objet la compétence du tribunal spécial des droits humains pour le Timor oriental. Ainsi, nombre de criminels présumés échapperont à la justice et la vérité sur les événements de 1999 ne sera jamais totalement mise au jour.

La déclaration ne condamne pas non plus le fait que l’Indonésie n’a pas coopéré avec l’Administration transitoire des Nations unies au Timor oriental (ATNUTO) dans ses propres enquêtes et poursuites judiciaires concernant les crimes graves commis en 1999. L’Indonésie n’a par exemple pas livré à la justice les personnes inculpées de crimes contre l’humanité par le Groupe d’enquête de l’ATNUTO sur les crimes graves.

De la même façon, la Commission ne fait guère mention de la situation difficile dans laquelle se trouvent des dizaines de milliers de Timorais de l’Est réfugiés en Indonésie qui, pour des raisons de sécurité notamment, ne sont toujours pas en mesure de décider librement et en toute connaissance de cause de retourner au Timor oriental ou de rester en Indonésie. Ces réfugiés sont dans ce pays depuis qu’ils ont fui ou ont été expulsés en septembre 1999 par les forces de sécurité indonésiennes et les milices.

« La Commission devrait faire bien comprendre aux gouvernements tels que celui de l’Indonésie qu’elle souhaite voir les droits humains être défendus et protégés en tous lieux et en toutes circonstances. Au lieu de cela, elle ferme les yeux sur les violations perpétrées en ce moment même, particulièrement en Aceh et en Papouasie, et sur le fait que la justice au Timor oriental et les processus de rapatriement des réfugiés sont loin d’atteindre un niveau acceptable. »
Le seul élément positif de la déclaration de la Commission est l’appel lancé à la haut-commissaire aux droits de l’homme pour qu’elle soumette dans le courant de l’année un rapport intermédiaire à l’Assemblée générale des Nations unies. Amnesty International espère que l’Assemblée générale va examiner sans plus attendre la grave situation
des droits humains en Indonésie, où les victimes ont été cruellement abandonnées par la Commission.

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