Indonésie. Le droit à un procès équitable doit être garanti en droit et en pratique


Déclaration publique

ASA 21/014/2006

Amnesty International se félicite de l’engagement que le gouvernement indonésien a pris de revoir le Code de procédure pénale (Kitab Undang-Undang Hukum Acara Pidana, KUHAP) de l’Indonésie en cherchant à renforcer la protection des droits fondamentaux et la primauté du droit. Le code fixe les moyens d’action juridique et les droits des individus tout au long de l’enquête et du procès. Ses dispositions devraient garantir le droit à un procès équitable et le droit à la protection contre la torture et la détention arbitraire. Le projet de version révisée du KUHAP améliore de manière significative le code existant en ce qui concerne la protection des droits des suspects, des prévenus et des accusés. Cependant, certaines garanties ayant trait au droit à un procès équitable ne figurent pas dans le projet de révision du code, ce qui laisse les individus à la merci de violations des droits humains à différents stades de l’enquête et du procès.

Dans un rapport rendu public ce jeudi 7 septembre 2006 sous le titre Comments on the draft revised Criminal Procedure Code (index AI : ASA 21/005/2006), Amnesty International attire l’attention sur des dispositions du projet qui restent en deçà de la législation et des normes internationales. Le document comporte des recommandations à l’équipe chargée de la rédaction du code et aux autres personnes concernées, au sujet des modifications à apporter à ces dispositions pour remédier à leurs lacunes aux termes du droit international et garantir, en particulier, le droit à un procès équitable.

Amnesty International est préoccupée par le fait que la version modifiée du code de procédure pénale ne comporte pas de dispositions visant à empêcher qu’une personne soit injustement punie, arbitrairement détenue ou soumise à de la torture ou des mauvais traitements. Par exemple, il faudrait que la nouvelle version du code soit amendée afin de rendre obligatoire la présentation de toute personne arrêtée ou détenue à un juge ou un autre agent de la fonction publique autorisé à déterminer la légalité d’une arrestation ou d’un maintien en détention. Une telle disposition protégerait les personnes contre les détentions illégales et réduirait le risque de torture ou de « disparition ».

Il manque également dans le projet de version révisée du KUHAP des dispositions qui requièrent spécifiquement des autorités qu’elles informent un suspect, un prévenu ou un accusé de ses droits, au moment opportun et dans des termes simples. Il s’agit en particulier du droit de consulter un avocat et d’avoir un avocat présent à tous les stades de l’enquête ; du droit aux services d’un interprète ; du droit d’entrer en contact avec les membres de sa famille ; du droit à une assistance médicale et du droit de garder le silence. Pour être en mesure d’exercer ses droits, un suspect, un prévenu ou un accusé doit savoir que de tels droits existent. Le projet ne comporte pas de dispositions garantissant que le droit de toute personne arrêtée ou accusée d’une infraction pénale de consulter un avocat en détention, pendant le procès ou en appel, sera respecté. De plus, le projet de nouveau code ne reconnaît pas et ne garantit pas explicitement le droit de toute personne soupçonnée ou accusée d’une infraction pénale d’être présumée innocente jusqu’à ce qu’elle soit reconnue coupable aux termes de la loi et à l’issue d’un procès équitable.

En plus des points déjà mentionnés, indispensables pour que le droit à un procès équitable soit respecté, le projet de nouvelle mouture du code de procédure pénale ne contient pas suffisamment de dispositions pour empêcher le recours à la torture et aux mauvais traitements en toutes circonstances. Premièrement, le nouveau texte ne traite pas de l’utilisation qui peut être faite devant les tribunaux des informations obtenues sous la torture ou les mauvais traitements. À l’inverse des normes internationales, il n’y a pas de disposition dans le code qui exclut clairement l’utilisation d’éléments de preuve ou de témoignages obtenus par la torture. Il est laissé à la discrétion du juge d’admettre ou non les éléments soupçonnés d’avoir été obtenus de cette façon et, en cas d’admission, le poids à leur donner. Le juge n’est pas habilité à ordonner l’ouverture d’une enquête par une autorité impartiale sur les allégations d’éléments ou de témoignages obtenus sous la torture. Deuxièmement, le nouveau bureau du Commissaire judiciaire, créé pour, entre autres choses, examiner préalablement au procès la légalité d’une arrestation, d’une détention et d’une enquête, n’est pas explicitement habilité à enquêter sur les conditions de détention ni sur la manière dont sont traités les suspects détenus.

Un cas récent illustre cette absence de protection en Indonésie et témoigne de la nécessité de procéder aux modifications suggérées ci-dessus en ce qui concerne en particulier la notification des droits, l’accès à un avocat, la présomption d’innocence et l’inadmissibilité par les tribunaux ou toute autre instance d’éléments résultant d’actes de torture ou de mauvais traitements.

En août 2006, seize hommes ont été condamnés à des peines allant de cinq à quinze ans d’emprisonnement en relation avec les événements violents ayant causé la mort de trois policiers et d’un membre de l’armée de l’air à Abepura, en Papouasie, les 15 et 16 mars 2006. Selon certaines informations, les 16 hommes auraient été soumis à des manœuvres d’intimidation et à des mauvais traitements par des personnes voulant les contraindre à reconnaître devant le tribunal leur culpabilité dans les crimes dont ils étaient accusés. Un détenu a rapporté qu’un responsable policier avait menacé de le tuer s’il ne révélait pas certaines informations. Les accusés ont également affirmé que deux heures avant l’ouverture de leur procès des policiers les avaient roués de coups de pied et les avaient frappés à la tête et sur le corps à coups de crosse de fusil et de matraques en caoutchouc pour les obliger à reconnaître qu’ils avaient commis les crimes dont ils étaient inculpés. Les accusés ayant refusé de reconnaître les infractions dont ils étaient accusés ont subi le même traitement de retour du tribunal au centre de détention de la police. Certains des détenus ont indiqué que jusqu’à l’ouverture du procès en mai 2006, ils n’avaient eu aucun contact avec l’avocat qui leur avait été assigné et qu’ils ignoraient par conséquent quels étaient leurs droits et le déroulement de la procédure. Des informations indiquent en outre que, pendant le procès, les juges pourraient avoir porté atteinte au principe de présomption d’innocence et au droit des accusés d’entendre les témoins à charge.

Cette affaire fait clairement apparaître les atteintes au droit à être jugé équitablement et à ne pas être torturé ni maltraité en Indonésie. Le projet de version révisée du Code de procédure pénale doit être modifié pour prendre en compte les normes internationales relatives aux droits humains et protéger véritablement les suspects, les prévenus et les accusés tout au long de l’enquête et du procès. Il faut en outre que ces dispositions soient appliquées et respectées.

Amnesty International a recensé de nombreux cas où les garanties prévues par le Code de procédure pénal existant n’avaient pas été prises en compte ni respectées. Par exemple, des suspects ont été arrêtés sans qu’un mandat d’arrêt ne soit présenté ; leurs familles n’ont pas été informées de leur arrestation ou de leur détention ; des suspects n’ont pas été autorisés à entrer en contact avec un avocat – on leur a dit qu’ils n’en avaient pas besoin – ou bien ils ont été menacés lorsqu’ils ont demandé d’en consulter un ; d’autres ont été contraints de signer des aveux sous la menace de recours à la force, ou soumis à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements. Tous ces actes sont contraires aux dispositions du code existant et pourtant ils sont commis, souvent sans que les autorités ne réagissent.

Amnesty International exhorte le gouvernement indonésien, ainsi que l’équipe chargée de la rédaction du nouveau Code de procédure pénale et les autres personnes concernées par ce texte, à prendre en compte les recommandations de l’organisation au moment de passer en revue le code existant. Elle leur demande de veiller à ce que les normes relatives à l’équité des procès soient pleinement mises en œuvre à tous les stades de l’enquête et du procès. Le droit comme la pratique doivent respecter les normes internationales d’équité afin que les suspects, les victimes et les témoins soient pleinement protégés.

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