Communiqué de presse

Indonésie. Le tribunal militaire va renforcer l’impunité

Le procès à venir de 12 membres du KOPASSUS (commandement des forces spéciales) accusés d’exécution extrajudiciaire sur quatre détenus, un crime au regard du droit international, met en évidence que les autorités indonésiennes n’entreprennent toujours pas de véritable réforme du système de justice militaire.

Le procès doit avoir lieu jeudi 20 juin devant un tribunal militaire, comme le prévoit la loi indonésienne. Toutefois, ces tribunaux ne sont ni impartiaux ni indépendants, et ils sont rarement transparents. Ils offrent donc peu d’espoir concernant la possibilité d’une réelle obligation de rendre des comptes dans cette affaire.

Des groupes de défense des droits humains ont déjà soulevé des préoccupations au sujet du faible nombre d’éléments de preuve rassemblés par les enquêteurs militaires dans le cadre de leur enquête, alors que, selon l’Agence de protection des victimes et des témoins (Lembaga Perlindungan Saksi dan Korban, LPSK), au moins 10 témoins seraient trop traumatisés pour témoigner en personne devant le tribunal et ont demandé la mise en place d’un dispositif de téléconférence.

Amnesty International appelle les autorités indonésiennes à modifier la législation existante – en particulier la Loi sur les tribunaux militaires (loi n° 31/1997) – pour que les crimes impliquant des violations des droits humains et autres agissements contraires au droit international commis par le personnel militaire, y compris les exécutions extrajudiciaires et la torture, soient clairement définis dans la loi et puissent être jugés par des tribunaux indépendants civils plutôt que par des tribunaux militaires.

À 00 h 30, le matin du 23 mars 2013, quatre détenus de la prison de Cebongan (Yogyakarta) ont été tués par un groupe d’hommes armés et masqués, qui ont été identifiés ultérieurement comme des membres du KOPASSUS, une branche de l’armée indonésienne.

Les quatre détenus – Johanes Juan Manbait, Gamaliel Yeremianto Rohi Riwu, Adrianus Candra Galaja et Hendrik Ange Sahetapy, alias Deki – avaient été arrêtés car on les soupçonnait d’avoir tué un membre du KOPASSUS au cours d’une bagarre dans un café de Yogyakarta, le 19 mars 2013. Les quatre hommes ont d’abord été détenus au siège de la police de Yogyakarta, puis transférés à la prison de Cebongan la veille de l’attaque.

Selon des sources crédibles, un homme qui déclarait appartenir à la préfecture de police de Yogyakarta est arrivé à la prison de Cebongan et a demandé à voir les quatre détenus. Il avait avec lui une lettre émanant prétendument du chef de la police de Yogyakarta. Lorsque les gardiens ont ouvert la porte, des hommes armés et masqués ont fait irruption dans la prison. Selon les sources, ils avaient des AK-47 et un pistolet.

Les hommes ont alors exigé que les gardiens de prison les conduisent à la cellule où les quatre personnes étaient enfermées. Ils auraient frappé les gardiens pour obtenir l’accès aux cellules et savoir où la salle de vidéosurveillance de la prison était située. Ils ont ensuite abattu les détenus dans leur cellule et sont repartis en emportant les séquences de vidéosurveillance. Selon les ONG locales qui ont enquêté sur l’affaire, l’attaque semblait être soigneusement planifiée et coordonnée.

Alors que le commandant militaire local a d’abord nié toute implication de soldats dans ces homicides, une enquête militaire interne a plus tard désigné comme suspects 12 membres du KOPASSUS.

Amnesty International est profondément préoccupée par le fait que les responsables gouvernementaux et militaires ont publiquement nié que ces meurtres constituaient des violations des droits humains. Le ministre indonésien de la Défense, Purnomo Yusgiantoro, aurait déclaré que l’attaque de la prison ne constituait pas une violation des droits humains car elle était de nature spontanée et ne relevait pas d’une schéma systématique. Le commandant en chef du KOPASSUS, Agus Sutomo, a affirmé que ces agissements n’étaient pas une violation des droits humains, mais une « insubordination ».

Les exécutions extrajudiciaires violent le droit humain fondamental à la vie, que l’Indonésie est tenu de respecter et de protéger en vertu de traités internationaux tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et de sa propre constitution. Les exécutions extrajudiciaires sont également des crimes au regard du droit international et les auteurs de ces actes sont passibles de poursuites au niveau mondial.

Le KOPASSUS s’est rendu responsable d’une série de graves violations des droits humains, notamment des tortures, des disparitions forcées et divers homicides au cours des conflits passés en Aceh et au Timor-Leste (anciennement Timor oriental), et au cours des derniers mois du régime du président Suharto, de 1997 à 1998. Cependant, la grande majorité des membres du KOPASSUS et leurs supérieurs n’ont jamais été traduits devant un tribunal indépendant ni jugés pour ces crimes.

Amnesty International appelle les autorités indonésiennes à faire en sorte que les membres des forces de sécurité, y compris ceux en situation de commandement, soient tenus de rendre des comptes. De telles mesures devraient notamment garantir que les unités spéciales comme le KOPASSUS ne soient pas au-dessus des lois, et qu’il existe des mécanismes de reddition de comptes internes et externes adéquats pour traiter les infractions pénales équivalant à des violations des droits humains.

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