Communiqué de presse

Indonésie. Les autorités doivent adopter des dispositions législatives interdisant toutes les formes de mutilations génitales féminines

Au moment où des personnes se rassemblent en Indonésie et dans le monde entier à l’occasion de la Journée internationale de la femme le 8 mars, Amnesty International appelle les autorités indonésiennes à abroger un règlement gouvernemental de 2010 autorisant l’excision (« sunat perempuan »). Celles-ci doivent également aider à éliminer cette pratique néfaste en adoptant une législation spécifique prévoyant des sanctions appropriées qui interdise toutes les formes de mutilations génitales féminines (MGF).

Dans le courant du mois de mars, Amnesty International présentera une pétition signée par le réseau Jeunes Asie-Pacifique et des militants dans plus de 30 pays et territoires, dont l’Indonésie, exhortant le gouvernement indonésien à abroger le règlement de 2010 relatif à l’excision et à adopter des dispositions spécifiques pour interdire cette pratique. Cette pétition fait écho aux appels lancés par plus de 130 organisations nationales, régionales et internationales en 2011 pour mettre fin à la pratique des mutilations génitales féminines en Indonésie.

En novembre 2010, le ministère indonésien de la Santé a adopté un règlement (n° 1636/MENKES/PER/XI/2010) qui légitime les mutilations génitales féminines et autorise certains professionnels de santé, tels que les médecins, les sages-femmes et les infirmières, à les pratiquer.

Dans un rapport du groupe de travail de pré-session publié en novembre 2011, le Comité des Nations unies pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes a décrit le règlement ministériel de 2010 relatif à l’excision comme un « revers dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes ». Il a demandé au gouvernement indonésien d’expliquer les mesures prises pour annuler ce règlement et pour éliminer la pratique des mutilations génitales féminines refaisant son apparition en Indonésie. Dans sa réponse, le gouvernement indonésien a affirmé que le règlement ne devait en aucune façon être interprété comme encourageant ou favorisant la pratique des mutilations génitales féminines et que le ministre de la Santé réexaminerait sa mise en application afin de garantir sa conformité à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. L’Indonésie doit présenter un rapport au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes lors de sa 52e session, en juillet 2012.

Amnesty International craint que le règlement de 2010 ne tolère et n’encourage les mutilations génitales féminines, une pratique qui inflige des douleurs et des souffrances aux femmes et aux filles qui la subissent, et qu’il n’enfreigne ainsi l’interdiction absolue de la torture et des autres mauvais traitements. Sur le plan physique, les mutilations génitales féminines peuvent notamment entraîner des douleurs, un choc, des hémorragies, des lésions des organes entourant le clitoris et les lèvres, et des infections. Parmi les conséquences à long terme peuvent figurer des infections chroniques des voies urinaires, des calculs dans la vessie et l’urètre, des lésions rénales, des infections de l’appareil reproducteur résultant d’une obstruction du flux menstruel, des infections pelviennes, une infertilité, un excès de tissus cicatriciels, des chéloïdes (cicatrices gonflées et irrégulières qui s’élargissent progressivement) et des kystes dermoïdes. Selon une étude menée en 2009 dans toute l’Indonésie sur les mutilations génitales féminines, publiée par l’Institut d’études de la population et des genres de l’université Yarsi de Djakarta, les principales complications subies par les femmes et les filles sont les hémorragies, le traumatisme psychologique et les infections.

La pratique des mutilations génitales féminines met en évidence des stéréotypes discriminatoires quant à l’idée que les organes génitaux féminins sont « sales » ou dégradés, que les femmes n’ont pas le droit de faire leurs propres choix concernant la sexualité de la même façon que les hommes, et que les femmes et les filles ne peuvent être pleinement dignes dans leur pratique religieuse que si leur corps est modifié – et donc qu’il y a quelque chose de fondamentalement mauvais dans le corps féminin. Les mentalités qui dénigrent les femmes en raison de leur sexualité réelle ou supposée sont souvent utilisées pour justifier la violence à l’égard des femmes.

En juin 2011, le responsable de la santé maternelle au sein du ministère de la Santé a nié que le règlement légitimait les mutilations génitales féminines ou toute autre forme de violence, en insistant sur le fait que ce texte avait été adopté pour veiller à ce que les excisions soient réalisées en toute sécurité par des professionnels de santé formés. Cependant, l’Indonésie est tenue de garantir l’éradication de toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles. Des organisations médicales et de défense des droits humains présentes dans le pays ont exprimé la crainte que le règlement n’ait l’effet inverse et n’augmente cette pratique.

Le règlement va à l’encontre des mesures prises par le gouvernement pour améliorer l’égalité des genres et combattre la discrimination à l’égard des femmes sous toutes ses formes et viole un certain nombre de lois indonésiennes, notamment la loi n° 7/1984 relative à la ratification de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la loi n° 5/1998 relative à la ratification de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le décret présidentiel n° 36/1990 portant sur la ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant, la loi n° 23/2002 relative à la protection de l’enfance, la loi n° 23/2004 relative à l’élimination de la violence domestique et la loi n° 23/2009 relative à la santé. Il est également contraire à la circulaire gouvernementale de 2006 n° HK.00.07.1.3. 1047a, signée par le directeur général de la santé publique, qui avertissait expressément des conséquences négatives des mutilations génitales féminines sur la santé des femmes.

Dans ses observations finales de 2007, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a recommandé que l’Indonésie mette au point un plan d’action pour éliminer la pratique des mutilations génitales féminines, notamment en menant des campagnes de sensibilisation pour changer les conceptions culturelles qui y sont liées, et qu’elle apprenne à la population que cette pratique est une violation des droits humains des femmes et des filles qui n’a aucun fondement religieux.

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