Indonésie. Les conclusions de la Commission nationale des droits humains donnent de l’espoir aux victimes du conflit en Aceh

15 août 2013

Les revendications en faveur de la vérité, de la justice et de réparations émises par les victimes du conflit dévastateur qu’a connu la province de l’Aceh (Nanggroe Aceh Darussalam) gagnent du terrain malgré les importantes difficultés qui subsistent, a déclaré Amnesty International à l’occasion de la publication d’une synthèse commémorant le huitième anniversaire de la fin du conflit.

Cette synthèse, intitulée No Peace without Justice, montre que de nombreuses victimes et familles de victimes en Aceh n’ont toujours pas obtenu la vérité sur ce conflit, et présente plusieurs cas de violations des droits humains perpétrées par les forces de sécurité.

Quelques évolutions positives ont parallèlement été observées sur le terrain de la lutte contre les répercussions du conflit, comme avec la nouvelle enquête ouverte par la Commission nationale des droits humains sur les atteintes aux droits fondamentaux attribuées aux forces de sécurité en Aceh, qui pourrait s’avérer déterminante.

« Huit ans après la fin du conflit en Aceh, les effets de la violence continuent à se faire sentir au quotidien pour des milliers de personnes de la région. Si les victimes et leurs proches se félicitent de l’amélioration de la situation en matière de sécurité, ils ne comprennent pas pourquoi leurs demandes visant à obtenir vérité, justice et réparations restent lettre morte », a expliqué Isabelle Arradon, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique.

« Le président Yudhoyono, sous l’égide duquel l’accord de paix mettant fin au conflit a été conclu en 2005, doit faire la preuve de son engagement en faveur d’une paix durable en Aceh, en répondant aux demandes des victimes avant la fin de son mandat, l’an prochain. Présenter des excuses officielles et publiques à toutes les victimes des violations passées des droits humains serait un grand pas en avant. »

Ce conflit, qui a opposé le Mouvement pour l’Aceh libre et le gouvernement indonésien, a commencé en 1976, et a atteint son paroxysme pendant des opérations militaires ayant duré de 1989 à 2005.

La population sur place a payé un lourd tribut à ces affrontements, qui ont fait entre 10 000 et 30 000 morts, dont beaucoup de civils. Les deux camps se sont rendus coupables de violations des droits humains, dont beaucoup constituent des crimes de droit international et peut-être même des crimes de guerre. Les atteintes aux droits humains perpétrées par les forces de sécurité indonésiennes pourraient être assimilables à des crimes contre l’humanité.

Amnesty International a demandé aux deux camps de s’engager publiquement à ce que ces crimes ne restent pas impunis.

Les victimes des violations commises pendant le conflit réclament la vérité sur ce qui s’est passé, sans grand succès. Des milliers de personnes ignorent toujours ce qui est advenu de proches « disparus », tandis que seule une poignée de cas de violations commises durant le conflit ont fait l’objet d’enquêtes ; aucune enquête n’a toutefois été ouverte depuis 2005.

Si le gouvernement et la Commission nationale des droits humains ont mené des investigations sur le conflit, leurs résultats n’ont jamais été rendus publics.

Selon les conclusions de la Commission, publiées le 1er août 2013, « des violations flagrantes des droits humains » ont été commises par l’armée durant le conflit. Elle a examiné cinq cas clés, notamment la tristement célèbre affaire de Simpang KKA, datant de 1999, lors de laquelle l’armée a abattu 21 manifestants, mais aussi la torture et les mauvais traitements infligés à des détenus au poste militaire de Rumoh Geudong, à Pidie, en 1997-1998. Les deux cas sont décrits dans la synthèse.

La Commission a l’intention d’aller plus loin dans ses investigations, en espérant que cela mène à une enquête et des poursuites devant un tribunal des droits humains.

« Les évolutions récentes au sein de la Commission nationale des droits humains sont positives et montrent que la question reste d’actualité et nécessite que l’on s’y intéresse. De nombreuses victimes sont convaincues que le processus de paix sera non seulement soutenu, mais également renforcé par la vérité, la justice et des réparations », a poursuivi Isabelle Arradon.

« Nous engageons la Commission nationale des droits humains à faire en sorte que ces nouvelles conclusions, qui donnent véritablement l’espoir que les responsables de violations soient amenés à rendre des comptes, ne soient pas enterrées de la même manière que certains rapports ont pu l’être par le passé. »

Bien que l’accord de paix qui a mis fin au conflit en Aceh exige l’établissement d’un tribunal des droits humains et d’une commission Vérité et Réconciliation pour l’Aceh – ni l’un ni l’autre de ces organes n’existent à ce jour.

Le Parlement régional de l’Aceh examine actuellement un projet de règlement relatif à l’établissement d’une commission Vérité et Réconciliation pour le conflit en Aceh.

« Il est encourageant de constater que le Parlement de l’Aceh prend l’établissement d’une commission Vérité au sérieux, en particulier face à l’absence quasi totale de volonté politique observée au niveau national à ce propos », a ajouté Isabelle Arradon.

« Le Parlement de l’Aceh doit désormais s’assurer que ce règlement soit examiné, promulgué puis mis en œuvre le plus tôt possible, et que le fonctionnement de la commission vérité soit conforme au droit international et normes associées. L’adoption d’un texte de ce type serait un grand pas en avant vers la justice pour les victimes du conflit en Aceh. »

La Commission nationale des droits humains aurait par ailleurs mis en évidence le fait que le gouvernement n’a toujours pas accordé de véritables réparations complètes aux victimes et familles de victimes.

Cela confirme les conclusions d’Amnesty International, présentées dans le rapport intitulé Time to Face the Past : Justice for human rights abuses in Indonesia’s Aceh province, publié cette année. L’organisation avait constaté lors de ses recherches que les mesures limitées adoptées concernant l’indemnisation des victimes n’allaient pas suffisamment loin.

« Il manque à l’Aceh un programme de réparation complet spécifiquement dédié aux victimes et familles de victimes de violations des droits humains. De nombreuses femmes victimes de violences sexuelles n’ont pu bénéficier d’aucune assistance financière ni médicale, et doivent être soutenues en priorité », a conclu Isabelle Arradon.

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