INDONESIE. Pour protéger les défenseurs des droits humains, il est crucial que l’homicide de Munir ne demeure pas impuni

Index AI : ASA 21/020/2010

ÉFAI - 6 septembre 2010

À l’occasion du 6e anniversaire de la mort de l’éminent défenseur indonésien des droits humains Munir Said Thalib, Amnesty International invite le chef de la police nationale à ouvrir une nouvelle enquête indépendante sur son assassinat afin que tous les responsables présumés soient traduits en justice. Le gouvernement doit également rendre public le rapport de la mission d’établissement des faits de 2005 sur cet homicide, mesure essentielle pour que la vérité se fasse jour.

Munir a été retrouvé mort sur un vol de la compagnie Garuda entre Djakarta et les Pays-Bas le 7 septembre 2004. L’autopsie réalisée par les autorités néerlandaises a révélé qu’il avait été empoisonné à l’arsenic, le poison ayant été ajouté à ses aliments. Bien que deux personnes soient désormais inculpées de cet homicide, des voix se font entendre pour réclamer l’inculpation des responsables au plus haut niveau.

Munir a embrassé la cause de dizaines de militants victimes de disparitions forcées au cours des derniers mois du gouvernement Suharto en 1998. Il a également joué un rôle très important dans la divulgation d’éléments attestant de la responsabilité de l’armée dans les atteintes aux droits humains commises dans la province de l’Aceh (Nanggroe Aceh Darussalam) et au Timor-Leste.

Le 31 décembre 2008, Muchdi Purwoprandjono, ancien directeur adjoint de l’Agence nationale du renseignement (BIN), a été acquitté. Il était accusé d’avoir sollicité et organisé l’assassinat de Munir. Trois témoins à charge clés étaient revenus sur leurs déclarations, ce qui laissait craindre que le procès n’ait pas respecté les normes internationales d’équité. En février 2010, une équipe spéciale de la Commission nationale des droits humains Komnas HAM a mis le doigt sur des irrégularités dans l’enquête de police, les poursuites et le procès de Muchdi Purwoprandjono et a recommandé de mener une nouvelle enquête policière.

L’absence d’obligation de rendre des comptes dans l’affaire concernant Munir contribue à entretenir un climat de peur parmi les défenseurs des droits humains, dont certains ont récemment été la cible d’attaques.

Le 30 juillet 2010, le corps du journaliste Ardiansyah Matra était découvert, nu et menotté, dans une rivière à Merauke, en Papouasie. Les investigations de la police ont révélé qu’il avait été frappé à plusieurs reprises avant de tomber à l’eau et de se noyer. Selon les militants locaux, sa mort est liée à son travail sur la corruption et les opérations illicites d’exploitation forestière en Papouasie, ainsi qu’aux récentes élections locales à Merauke.

Le 8 juillet 2010, deux personnes non identifiées ont roué de coups Tama Satya Langkun, chercheur de l’organisation Indonesia Corruption Watch (ICW) à Djakarta. Tama Satya Langkun, qui enquêtait sur des comptes bancaires douteux impliquant plusieurs policiers de haut rang, a été gravement blessé lors de cette agression cruelle. Personne n’a été interpellé ni traduit en justice pour ces faits.

Le droit à la vie est un droit fondamental de la personne humaine, que l’Indonésie est tenue de respecter et de protéger en toutes circonstances, au titre de la Constitution indonésienne et des traités internationaux relatifs aux droits humains auxquels elle est partie. Veiller à ce que les personnes soupçonnées d’avoir bafoué ce droit soient déférées à la justice fait partie intégrante des obligations de l’Indonésie en termes de droits humains. Les défenseurs des droits humains sont libres de mener à bien et sans crainte leurs activités pacifiques. Le fait de traduire en justice les auteurs présumés de l’homicide de Munir fera clairement savoir que les mesures d’intimidation et les attaques ciblant les défenseurs des droits humains ne sauraient être tolérées.

En réaction au tollé suscité par l’assassinat de Munir, le président Susilo Bambang Yudhoyono a ordonné qu’une enquête soit menée parallèlement à celle de la police par une mission d’établissement des faits. Cette mission a remis son rapport au président en juin 2005. Toutefois, il n’a pas été rendu public, comme le préconisait le décret présidentiel qui avait mis sur pied la mission d’enquête.

En janvier 2008, un ancien pilote de la compagnie aérienne Garuda, Pollycarpus Priyanto, a été déclaré coupable du meurtre avec préméditation de Munir et condamné à une peine de 20 ans d’emprisonnement, réduite de sept mois en août 2010. Un ancien dirigeant de Garuda, Indra Setiawan, a été condamné à un an de prison pour complicité de meurtre en février 2008, pour avoir falsifié les documents ayant permis à Pollycarpus Priyanto de voyager à bord du même avion que Munir Said Thalib.

Après avoir été acquitté, Muchdi Purwoprandjono a intenté une action en diffamation (passible officiellement d’une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement) contre l’éminent défenseur des droits humains Usman Hamid, de la Commission des disparus et des victimes de la violence (KONTRAS), organisation fondée par Munir. D’après les médias, Usman Hamid a vivement critiqué l’acquittement de Muchdi Purwoprandjono à la sortie du tribunal, affirmant qu’il était un assassin. Les investigations de la police sur l’affaire concernant Usman Hamid sont en instance.

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