Communiqué de presse

Indonésie. Recours de la police à une force excessive contre des manifestants en Papouasie

Amnesty International appelle les forces de sécurité indonésiennes à cesser de recourir de manière excessive à la force et à des armes à feu pour maintenir l’ordre pendant les manifestations en Papouasie. L’organisation demande également aux autorités de respecter le droit des Papous à se réunir pacifiquement et à exprimer librement leurs opinions politiques.

Le 23 octobre 2012, environ 300 personnes se sont rassemblées devant l’Université de Papouasie à Manokwari, dans la province de Papouasie occidentale, pour manifester en faveur de l’indépendance à l’appel du Comité national de Papouasie occidentale (KNPB). La police du sous-district de Manokwari et des militaires les ont empêchées de continuer cette manifestation le long de la route. En réponse à des jets de pierre de la part de quelques manifestants, la police a ouvert le feu en tirant en l’air et en direction de la foule. Des manifestants ont déclaré avoir été frappés par la police.

Le recours immédiat aux armes à feu en réponse à un jet de pierres de la part d’une minorité de manifestants constitue un usage excessif de la force, en violation du droit international. En outre, si des manifestants ont été frappés par la police, cela s’apparente à une violation de l’interdiction absolue de la torture et des autres formes de mauvais traitements inscrite dans le droit international.

Au moins 11 manifestants auraient été blessés, dont quatre souffriraient de blessures par balle. Oktovianus Pogau, un journaliste qui couvrait l’événement, a déclaré avoir été agressé par la police. Alors qu’il essayait de récupérer sa carte de presse pour la montrer aux policiers, l’un d’eux l’a pris à la gorge tandis qu’un autre lui donnait des coups de poing au visage. Au moins cinq policiers auraient également été blessés.

L’Indonésie est partie à des traités internationaux majeurs, tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, aux termes desquels elle a expressément accepté l’obligation de respecter et de protéger les droits humains, y compris le droit à la vie et l’interdiction de la torture et des autres formes de mauvais traitements.

Ces obligations sont également énoncées dans les Principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois. Ces normes prévoient que la force ne doit être employée qu’exceptionnellement, seulement lorsque cela est strictement nécessaire et proportionnel aux circonstances de l’objectif légitime de maintien de l’ordre à atteindre. Les armes à feu ne peuvent être utilisées qu’en dernier recours, pour se défendre contre une menace imminente de mort ou de blessure grave et uniquement lorsque des mesures moins extrêmes sont insuffisantes.

Les responsables de l’application des lois doivent avoir à leur disposition toute une série de moyens permettant un usage différencié de la force, ainsi que des équipements défensifs adéquats tels que des boucliers, des casques ou des gilets pare-balles , qui réduisent la nécessité d’utiliser des armes de tout genre. Les Principes disposent également que les gouvernements doivent faire en sorte que l’usage arbitraire ou abusif de la force par les responsables de l’application des lois soit puni comme une infraction pénale.

Les principaux éléments de ces Principes figurent dans le règlement indonésien codifiant l’usage de la force par la police (n° 1/2009), qui indique que la force ne doit être utilisée qu’en dernier recours, proportionnellement à la menace et de façon à causer le moins de dommages ou de blessures possibles.

Amnesty International prie instamment les autorités indonésiennes de mener dans les plus brefs délais une enquête indépendante et impartiale sur ces événements et de procéder à une évaluation approfondie des tactiques policières et de l’utilisation de la force et des armes à feu dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre pendant les manifestations. Les personnes soupçonnées d’avoir eu recours de façon arbitraire ou abusive à la force ainsi que les responsables présumés d’autres violations des droits humains, en particulier ceux exerçant des fonctions de commandement, doivent être traduits en justice dans le cadre de procédures conformes aux normes internationales d’équité, et les victimes doivent recevoir des réparations.

Amnesty International est également préoccupée par le fait que les forces de sécurité indonésiennes continuent à priver les Papous de leur droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique. Le 19 octobre 2012, des unités de police, notamment la brigade de police mobile (Brimob), ont empêché des centaines de personnes de se rassembler pacifiquement sur la tombe du responsable indépendantiste Theys Eluay à Sentanu, dans la ville de Djayapura, afin de commémorer le troisième Congrès du peuple papou. Les organisateurs avaient prévenu les autorités de la tenue de ce rassemblement.

Les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique sont garantis par les articles 19 et 21 du PIDCP, et sont en outre protégés par la Constitution indonésienne.

Les autorités doivent veiller à ce que les journalistes puissent travailler librement, en toute indépendance et sous l’entière protection des autorités de l’État. Amnesty International est préoccupée par les intimidations et les agressions dont les journalistes et les défenseurs des droits humains continuent d’être victimes en Papouasie et déplore que les auteurs de ces agissements ne soient pas déférés à la justice.

La semaine dernière, les Papous ont organisé des événements publics pour commémorer le premier anniversaire du troisième Congrès du peuple papou, qui s’était tenu du 17 au 19 octobre 2011. L’année dernière, à la fin de ce congrès, des unités de la police et de l’armée avaient violemment dispersé le rassemblement. Au moins trois personnes avaient été retrouvées mortes après l’événement. D’après le constat dressé par la Commission nationale des droits humains (Komnas HAM), au moins 96 participants avaient essuyé des tirs de la police ou avaient reçu des coups de pied ou de poing. Huit policiers impliqués dans cette répression ont seulement reçu un avertissement écrit après des procédures disciplinaires internes. À ce jour, ces événements n’ont donné lieu à aucune enquête pénale.

Cinq militants politiques pacifiques ont par la suite été jugés et condamnés à des peines de trois ans d’emprisonnement pour « rébellion » en vertu de l’article 106 du Code pénal indonésien. Amnesty International les considère tous les cinq comme des prisonniers d’opinion et demande leur libération immédiate et inconditionnelle.

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit