Communiqué de presse

Indonésie. Trois ans plus tard, des chiites du district de Sampang expulsés de force attendent toujours de rentrer chez eux

Le 26 août 2015 marque les trois années écoulées depuis que des membres de la communauté chiite du district de Sampang (Java oriental), en Indonésie, ont été attaqués et chassés de chez eux par une foule anti-chiite. Au moins 168 personnes, parmi lesquels 51 mineurs, ont été agressées par environ 500 personnes armées d’instruments tranchants et de pierres. Une personne a été tuée et d’autres blessées, tandis que plusieurs maisons ont été détruites.

Après l’attaque, les villageois ont été hébergés dans un centre sportif pourvu d’équipements de base dans le district de Sampang pendant près de 10 mois. Plusieurs d’entre eux avaient déjà été menacés et harcelés par des représentants du gouvernement local. On leur a par ailleurs dit qu’ils devaient se convertir à l’islam sunnite s’ils voulaient retrouver leurs logements. Ces familles ont été de nouveau expulsées de force par les autorités locales, avec le soutien de l’antenne locale du ministère de la Religion et la police, et réinstallées de force à Sidoarjo, dans la province de Java oriental, à au moins quatre heures en voiture de leur domicile. Les autorités locales les ont depuis lors empêchées de retourner dans leur village.

Le gouvernement indonésien actuel a promis, comme l’avait fait le précédent, de permettre aux villageois chiites déplacés de rentrer chez eux. Pourtant, à l’heure actuelle, aucune action concrète n’a vu le jour.

En juillet et août 2013, le président alors en fonction, Susilo Bambang Yudhoyono, a rencontré des membres de la communauté chiite. Il leur a promis qu’ils reviendraient dans leur village et que les maisons démolies seraient reconstruites. De même, lorsque le ministre des Affaires religieuses, Lukman Hakim, qui occupait déjà ce poste au sein du gouvernement précédent, a rencontré à la fois des membres de la communauté chiite expulsée à Sidoarjo et des responsables de la communauté sunnite à Sampang en août 2014, il s’est montré très optimiste sur la question du retour des chiites chez eux. Pendant la campagne présidentielle, le président Joko Widodo a par ailleurs pris plusieurs engagements, notamment celui de protéger les communautés marginalisées et les principes de pluralisme et de diversité. Cependant, ces promesses de campagne ne se sont pas concretisées. L’avenir reste incertain pour cette communauté chiite.

Les autorités indonésiennes doivent prendre des mesures afin de garantir que ces personnes puissent rentrer chez elles de leur plein gré, en toute sécurité et dans la dignité, et de les assister et les indemniser afin de leur permettre de reconstruire les logements endommagés ou détruits. Elles doivent enquêter sur toutes les allégations selon lesquelles des représentants du gouvernement ont été directement ou indirectement impliqués dans des initiatives visant à forcer des chiites et d’autres minorités à renoncer à leur foi, et proposer à la population affectée des recours utiles pour les atteintes à ses droits humains fondamentaux, et notamment une indemnisation pour les torts subis et les dégâts causés aux logements, dont certains ont été détruits, ainsi que des mesures de réadaptation et de restitution, et des garanties de non-répétition.

Dans un cas similaire, des membres d’une communauté ahmadiyya de Lombok, dans la province des petites îles de la Sonde occidentales, se trouvent depuis plus de neuf ans dans un centre d’accueil provisoire après avoir été déplacés de force par une violente attaque en février 2006.

Le droit à la liberté de religion ou de croyance est garanti par l’article 18(1) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel l’Indonésie est partie. Par ailleurs, en tant qu’État partie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, l’Indonésie est tenue, au titre de l’article 11, de respecter, protéger et assurer la réalisation du droit à un logement convenable pour toute sa population, notamment en permettant aux victimes d’expulsions forcées d’accéder à un recours effectif pour les violations qu’elles ont subies.

Nous exhortons en outre les autorités indonésiennes à veiller à ce que toutes les minorités religieuses soient protégées et autorisées à pratiquer leur culte sans craindre d’être menacées ou agressées. L’expulsion de ces villageois chiites illustre le problème plus vaste de l’intolérance et des exactions visant les minorités religieuses en Indonésie.

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