INDONÉSIE : Un verdict de culpabilité qui ne suffit pas à établir la justice et la vérité

Index AI : ASA 21/040/2003
ÉFAI

Mardi 5 août 2003

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

En dépit du verdict de culpabilité prononcé dans le dernier des procès de
Djakarta en rapport avec les massacres et autres actes de violence perpétrés
au Timor-Leste au cours de l’année 1999, le processus engagé n’a pas permis
de rendre la justice ni d’établir la vérité ; il faut maintenant que la
communauté internationale agisse, a déclaré Amnesty International ce mardi
août 2003 après la condamnation ce jour du dernier suspect, le général Adam
Damiri.

Le général Damiri était l’une des dix-huit personnes à passer en jugement
devant le tribunal spécial chargé d’examiner les affaires de crimes contre
l’humanité perpétrés au Timor-Leste (anciennement Timor oriental) en 1999.
Sur les dix-huit accusés, parmi lesquels figuraient de hauts responsables
des forces armées et des services de police indonésiens, douze ont été
acquittés. Les six qui ont été déclarés coupables ont été condamnés à des
peines allant de trois à dix ans d’emprisonnement. Le général Adam Damiri,
le plus haut gradé à passer en jugement, a été condamné à trois années
d’emprisonnement. Comme les cinq autres condamnés, il devrait rester en
liberté en attendant le résultat de son pourvoi en appel.

« Le verdict prononcé ce jour est surprenant, mais n’oblitère en rien le
fait que des efforts délibérés ont été faits pour entraver le cours de la
justice et empêcher que de hauts responsables soient amenés à devoir
répondre de leurs actes », a souligné Amnesty International.

L’organisation a, de façon répétée, attiré l’attention sur les défauts de
procédure lors des différents procès ; elle a enjoint les autorités
indonésiennes à prendre des mesures pour renforcer le processus. Parmi les
principaux points faibles, on peut citer le ministère public, qui a présenté
des actes d’accusation fragiles et contradictoires. Il n’a pas non plus
soumis d’affaires crédibles à la Cour et a fourni une version des
évènements qui se sont produits au Timor-Leste en 1999 présentant peu de
lien avec la réalité. Au cours du procès du général Adam Damiri, le
procureur a même plaidé la relaxe en l’absence de preuves, ce qui rend le
verdict de culpabilité d’autant plus surprenant.

Le général Adam Damiri n’a pas pu assister à plusieurs audiences, les
obligations liées à ses fonctions le retenant dans la province indonésienne
de Nanggroe Aceh Darussalam où l’état d’urgence a été proclamé récemment.
Amnesty International demande instamment qu’il soit immédiatement suspendu
de tout service actif maintenant qu’il a été déclaré coupable de n’avoir pas
su empêcher les actes de violence qui se sont produits au Timor-Leste en
1999.

Les autres sujets de préoccupation pour Amnesty International au cours de ce
procès concernaient le cadre légal inadéquat et la juridiction limitée du
tribunal spécial, le manque de méticulosité et d’impartialité des enquêtes,
l’absence de protection effective des victimes et des témoins et
l’inexpérience des juges.

D’autres personnes et organismes ont exprimé des inquiétudes similaires, en
particulier le secrétaire général des Nations unies, le haut-commissaire aux
droits de l’homme des Nations unies, l’Union européenne ainsi que différents
gouvernements.

« L’incapacité de l’Indonésie à tenir compte des avertissements et à
répondre de façon adéquate aux exigences d’amélioration du processus
signifie que les Nations unies doivent maintenant décider d’agir pour faire
appliquer leurs exigences de justice », a déclaré Amnesty International.

Amnesty International demande, en tout premier lieu, que les Nations unies
opèrent une révision indépendante des procès, de façon à déterminer ce qui a
été accompli à ce jour et à décider des actions à prendre pour surmonter les
obstacles politiques, institutionnels et légaux existant, ceci afin de
permettre à la justice de suivre un cours global et crédible qui fasse
apparaître la vérité. Cette révision devra porter sur les procès en
Indonésie ainsi que sur les efforts faits au Timor-Leste concernant les
enquêtes et poursuites se rapportant aux crimes graves.

Le Groupe d’enquête sur les crimes graves établi par les Nations unies a
considérablement avancé au cours de ces derniers mois et a maintenant émis
des actes d’accusation à l’encontre de 301 personnes qui devront être jugées
par des Collèges spéciaux établis au Timor-Leste. Parmi les personnes
accusées de crimes contre l’humanité figure le général Adam Damiri. Il reste
cependant des obstacles avant de pouvoir terminer les enquêtes et entamer
des poursuites ; le manque de coopération de l’Indonésie en est un. Ce pays
refuse de transférer des suspects au Timor-Leste pour qu’ils y soient jugés
 221 inculpés se trouvent actuellement en liberté en Indonésie.

« Le manque de coopération de l’Indonésie, dans le cadre du processus en
cours au Timor-Leste, n’est qu’une indication supplémentaire de son absence
d’engagement en faveur d’une justice crédible. Ayant démontré qu’elles ne
pouvaient ni ne voulaient répondre de façon adéquate, les autorités doivent
maintenant laisser la place à la communauté internationale afin que justice
soit faite et que cela se sache », a conclu Amnesty International.

Complément d’information

On estime qu’environ 1300 personnes ont été tuées au Timor-Leste dans les
mois qui ont précédé le référendum sur l’indépendance organisé par les
Nations unies le 30 août 1999 et dans l’immédiat après-référendum. Plus de
250000 personnes ont été déplacées de force ou ont fui vers le Timor
occidental et l’Indonésie, où on estime à environ 28000 le nombre de
personnes vivant dans des camps de réfugiés à ce jour. Un nombre indéterminé
de personnes ont été victimes d’atteintes aux droits humains, actes de
torture et viols.

Ces crimes n’étaient pas le résultat d’actes spontanés mais d’efforts
parfaitement coordonnés de la part de membres des forces armées, de la
police et des autorités civiles indonésiennes pour influencer les urnes et
perturber la mise en application des résultats du référendum. Au centre de
tous ces efforts, on trouve la création de milices et un soutien, en argent
et en armes, apporté à ces milices.

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