INDONESIE. Une mission d’établissement des faits est nécessaire pour enquêter sur des violences policières dans la province de Sulewesi-Centre

Index AI : ASA 21/019/2010

ÉFAI - 2 septembre 2010

Le gouvernement indonésien doit mettre en place une mission indépendante d’établissement des faits chargée de mener dans les meilleurs délais une enquête effective et impartiale sur les violents affrontements qui ont opposé, à partir du 30 août 2010, les policiers à des centaines de manifestants dans le district de Buol, dans la province de Sulewesi-Centre, a déclaré Amnesty International le 2 septembre. La mission d’établissement des faits devra pouvoir soumettre ses conclusions directement au procureur général ou à l’organe disciplinaire interne de la police.

Amnesty International salue la décision prise par la direction générale de la police de Djakarta le 1er septembre d’envoyer une équipe d’enquêteurs internes dans la province de Sulewesi-Centre mais appelle le gouvernement à mener une enquête indépendante.

Une enquête séparée devrait également être menée pour établir les circonstances de la mort de Kasmir Timumun et enquêter sur les allégations de torture et autres mauvais traitements qu’il aurait subis en détention.

En réaction à la mort de Kasmir Timumun, les manifestants ont saccagé le poste de police de Biau, molesté des policiers et brûlé des motos garées devant le poste de police. Les policiers ont riposté en ouvrant le feu sur les manifestants, tuant sept personnes et en blessant une vingtaine d’autres. Plusieurs policiers ont également été blessés lors des affrontements.

De sources locales, le 30 août 2010, Kasmir Timumun, jeune homme de 19 ans, qui se trouvait en garde à vue au poste de police de Biau pour excès de vitesse et pour avoir blessé un policier semble-t-il, a été retrouvé pendu dans sa cellule. Selon la police il s’agit d’un suicide, mais la famille affirme que le corps portait des traces de torture et de mauvais traitements et présentait notamment des hématomes sur le corps et au niveau du cou. La famille n’a toujours pas pu avoir accès au rapport médical d’autopsie.

Amnesty International est consciente des difficultés que rencontre la police en matière de contrôle des foules, surtout lorsqu’elle est confrontée à des violences. Toutefois, le pouvoir de recourir à la force, dont disposent les policiers, est limité par le droit et les engagements internationaux en matière de droits humains, dont le principe de base est le droit à la vie. Le droit à la vie est inscrit à l’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel l’Indonésie est État partie et figure également dans la Constitution indonésienne.

Les Principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu stipulent que les responsables de l’application des lois auront recours autant que possible à des moyens non violents avant de faire usage de la force ou d’armes à feu et ne recourront intentionnellement à l’usage meurtrier d’armes à feu que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines.

En outre, le Règlement 2009 de la police indonésienne relatif à l’utilisation de la force met en avant la nécessité de respecter les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité en cas de recours à la force et fournit un cadre pour la responsabilisation individuelle des policiers en cas de recours à la force.

Si les enquêtes établissent que les policiers ont fait un usage excessif et inutile d’armes à feu, les personnes responsables, y compris celles occupant un poste de responsabilité dans la chaîne de commandement, devront être poursuivies en justice dans le cadre d’une procédure conforme aux normes internationales d’équité des procès et des réparations devront être accordées aux victimes.

Amnesty International appelle également les autorités policières indonésiennes à former les policiers aux méthodes de contrôle non-violent des foules et à les équiper en conséquence, en veillant à ce qu’ils disposent de moyens non-meurtriers pour disperser des manifestants lorsque cela s’avère nécessaire.

Complément d’information

En juin 2009, Amnesty International a publié un important rapport Unfinished Business : Police Accountability in Indonesia. Ce rapport souligne les faiblesses actuelles des mécanismes internes et externes de responsabilisation de la police, ce qui contribue à l’impunité dont bénéficient les policiers indonésiens.

Ces évènements soulignent une nouvelle fois la nécessité de mettre en place un mécanisme de contrôle externe à la police qui fonctionne indépendamment du gouvernement, de toute influence politique et de la police elle-même. Son mandat devrait lui donner le pouvoir de recevoir des plaintes, mener des enquêtes effectives, soumettre des affaires au procureur général ou à l’organisme disciplinaire interne de la police. Les structures existantes, comme la Commission nationale de la police ou la Commission nationale des droits humains sont très largement insuffisantes pour traiter avec efficacité des plaintes déposées pour des atteintes aux droits humains commises par la police, rendre justice et accorder réparation aux victimes.

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