Amnesty International Indonésie a surveillé étroitement la situation à Djakarta et dans d’autres régions le 24 septembre et a recensé plusieurs cas de recours à une force injustifiée et excessive par la police, notamment contre des manifestants.
« Une nouvelle fois, nous sommes témoins de violences commises par la police contre des manifestants. Les scènes consternantes observées le 24 septembre nous rappellent la manière dont la police avait géré les manifestations qui avaient entraîné des émeutes à Djakarta les 21 et 22 mai dernier, et durant lesquelles des membres de la brigade de police mobile (connue sous le nom de Brimob) avaient eu recours à des méthodes violentes de gestion des foules. Les agissements des policiers, qui ont notamment frappé et donné des coups de pied à des suspects déjà maîtrisés, s’apparentent à un recours à une force excessive », a déclaré Usman Hamid, directeur exécutif d’Amnesty International Indonésie.
Amnesty International reconnaît que certains manifestants ont vandalisé et dégradé des biens privés ou gouvernementaux, brûlé des pneus dans les rues, insulté ou lancé des pierres sur la police. Cependant, la police doit réagir dans le respect du droit de manifester pacifiquement et doit avoir recours à la force seulement en dernier recours et dans une mesure strictement nécessaire, proportionnée et légale, pour répondre aux violences auxquelles elle est confrontée. La force excessive ne peut jamais être justifiée et personne ne doit, sous aucun prétexte, être soumis à des actes de torture et d’autres mauvais traitements.
Des milliers d’étudiants et de militants sont descendus dans la rue devant le siège du Parlement à Djakarta mardi 24 septembre, dans le cadre de rassemblements organisés par des étudiants dans tout le pays pour exiger que le Parlement empêche l’adoption de plusieurs lois considérées comme portant atteinte aux libertés civiles et aux droits humains en général, et annule la nouvelle modification de la loi relative à la Commission pour l’éradication de la corruption, considérée comme affaiblissant le mandat de ladite Commission.
La police doit réagir dans le respect du droit de manifester pacifiquement et doit avoir recours à la force seulement en dernier recours et dans une mesure strictement nécessaire, proportionnée et légale, pour répondre aux violences auxquelles elle est confrontée
Plusieurs membres du personnel d’Amnesty International Indonésie étaient présents pendant la manifestation de Djakarta, qui était globalement pacifique jusqu’à ce que des affrontements éclatent entre la police et les manifestants vers 16 h 30, lorsque certaines personnes ont commencé à secouer et escalader la grille du siège du Parlement pour entrer de force. La police a déployé des canons à eau et utilisé du gaz lacrymogène contre la foule. Nombre des manifestants se sont dispersés et la police les a poursuivis jusqu’à plusieurs lieux, notamment la gare de Palmerah, au centre de Djakarta.
Une équipe d’Amnesty International se trouvait à la gare lorsque des manifestants s’y sont précipités, suivis par la police. Dehors, la police a procédé à des tirs de gaz lacrymogène, semant la panique parmi des milliers d’usagers de la gare bondée et fermée, notamment une mère avec son bébé de huit mois et des personnes âgées. Des dizaines de personnes ont été conduites d’urgence à l’hôpital où elles ont reçu des soins médicaux.
Le gaz lacrymogène ne doit pas être utilisé dans des espaces confinés ou lorsque les sorties sont bloquées ou restreintes. Comme d’autres armes à létalité réduite comme les balles en caoutchouc et les projectiles à billes poivre, le gaz lacrymogène peut provoquer de graves blessures, voire parfois la mort. Lorsque des armes de ce type sont déployées, leur utilisation doit respecter strictement les principes de légalité, de stricte nécessité et de proportionnalité.
À Djakarta seulement, la police a arrêté au moins 94 personnes pendant et après le rassemblement. Au total, au moins 255 manifestants ont été arrêtés à Djakarta, Medan, Bandung, Makassar et Palembang. Au 26 septembre, on ignore si la police a libéré ou inculpé les personnes arrêtées.
Comme d’autres armes à létalité réduite comme les balles en caoutchouc et les projectiles à billes poivre, le gaz lacrymogène peut provoquer de graves blessures, voire parfois la mort
Amnesty International a examiné la couverture médiatique et les informations fournies par des organisations locales à propos des victimes, a vérifié les informations auprès de la police et des hôpitaux et a conclu qu’au moins 91 manifestants et trois journalistes avaient été blessés à Djakarta. Au total, au moins 242 personnes ont été blessées à Bogor, Bandung, Medan, Makassar et Djakarta depuis le 21 septembre. Un étudiant de l’université d’al Azhar a été retrouvé dans un état grave dans les rues pendant les émeutes. Il est maintenant en soins intensifs à l’hôpital de Pelni, à Djakarta.
L’une des personnes blessées pendant le rassemblement de Djakarta est un manifestant qui a été encerclé et frappé par huit policiers dans l’enceinte du Centre des congrès de Djakarta. Les faits ont été filmés et révélés par des médias locaux. La vidéo montre la victime criant « Arrêtez s’il vous plaît, arrêtez s’il vous plaît » alors que les policiers continuent à frapper.
« Le recours à de telles méthodes illégales est très inquiétant, même lorsque les manifestations deviennent tendues. Il est essentiel que les autorités veillent à ce qu’une enquête indépendante soit menée sur les informations selon lesquelles des policiers auraient eu recours à une force excessive et injustifiée contre des manifestants ou torturé des manifestants arrêtés », a déclaré Usman Hamid. « Une réforme est nécessaire au sein de la police afin que ses membres respectent les droits humains dans leur gestion de futures manifestations. »