À l’approche de la Journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture, l’organisation vient de publier une nouvelle synthèse qui explique comment et quand ces armes peuvent être employées dans le respect du droit international relatif aux droits humains, en rappelant les principes directeurs de légalité, de nécessité, de proportionnalité et d’obligation de rendre des comptes.
Selon les normes internationales, les matraques ne doivent jamais être utilisées pour punir, pour disperser des rassemblements pacifiques ou contre des personnes qui sont déjà maîtrisées. Cependant, comme Amnesty International l’a largement constaté [1], des organes de maintien de l’ordre à travers le monde continuent de faire un usage des matraques qui peut s’apparenter à de la torture ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Plus tôt ce mois-ci, un policier a étéfilmé en train de porter plusieurs coups de matraqueà des manifestants appréhendés dans la ville indienne de Saharanpur (État de l’Uttar Pradesh), sans cesser même lorsque ces personnes ont hurlé de peur et de douleur et que l’une d’elles a dit avoir le bras fracturé. Cette vidéo a mis en lumière les types de violations commises derrière les portes des centres de détention sur la planète, et montré comment des armes courantes telles que les matraques peuvent devenir des instruments de torture si elles ne sont pas utilisées comme il se doit.
« Les matraques ne sont pas des jouets – elles peuvent causer de graves blessures et même des décès si elles sont mal utilisées. Pourtant, régulièrement, nous voyons des policiers employer des matraques comme moyen de répression ou de punition, pour disperser des manifestations pacifiques ou faire délibérément mal ou peur à des personnes détenues, a déclaré Anja Bienert, experte pour le programme Police et droits humains d’Amnesty International Pays-Bas.
« Les organes de maintien de l’ordre doivent cesser d’utiliser les matraques en premier recours. En règle générale, les matraques ne doivent être utilisées que pour se défendre contre des attaques violentes et si aucun autre moyen moins dangereux n’est disponible. Les policiers doivent s’efforcer de désamorcer la situation en procédant à des avertissements verbaux bien clairs avant d’employer les matraques et, le cas échéant, utiliser celles-ci de façon à minimiser les dommages physiques. Frapper quelqu’un à la tête, au visage, au cou, à la gorge ou à l’aine, ou infliger des coups répétés, n’est presque jamais justifié. »
Un problème mondial
Les armes de frappe à main sont les équipements destinés au maintien de l’ordre les plus couramment et les plus mal utilisés dans le monde. En 2021, Amnesty a vérifié [2] 188 cas d’utilisation abusive de matraques et d’autres armes de frappe, dans 35 pays dont le Bélarus, le Chili, les États-Unis, la France, le Myanmar et le Nigeria.
Parmi les autres cas récents d’utilisation abusive des matraques qui ont été vérifiés figurent les suivants :
– les forces bélarussiennes qui ont frappé avec brutalité des personnes migrantes et demandeuses d’asile tentant de franchir la frontière avec la Pologne entre juillet et novembre 2021 ;
– des gardiens de prison marocains qui sont entrés dans la cellule du militant sahraoui Mohamed Lamine Haddi en mars 2022 avant de lui asséner des coups de matraque et de lui couper la barbe contre son gré ;
– les autorités israéliennes qui ont attaqué des fidèlesavec des balles en caoutchouc et des matraques à la mosquée Al Aqsa de Jérusalem en avril 2022, en ayant recours à une violence pouvant s’apparenter à de la torture ou d’autres mauvais traitements, faisant au moins 150 blessés palestiniens.
Des normes internationales claires
La synthèse d’Amnesty International s’accompagne de 20 règles pour utiliser les matraques dans le respect des droits humains. Celles-ci s’appuient sur les Principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, ainsi que sur les recommandations [3] de mise en œuvre de ce texte publiées par Amnesty International en 2015.
Les responsables de l’application des lois doivent notamment :
utiliser les matraques uniquement comme moyen de défense contre des attaques violentes ;
n’utiliser les matraques que lorsqu’aucun autre moyen moins dangereux n’est disponible ;
avant d’utiliser une matraque, intimer clairement l’ordre de cesser les violences et prévenir que la force sera utilisée en cas de refus d’obtempérer ;
viser les masses musculaires les plus volumineuses (biceps et cuisses) et éviter les zones où les blessures risqueraient d’être plus graves ;
être en mesure de justifier chaque coup et cesser d’utiliser la matraque dès que l’objectif est atteint.
Les responsables de l’application des lois ne doivent pas :
utiliser une matraque contre une personne pacifique ou opposant une résistance passive ;
utiliser une matraque contre une personne déjà maîtrisée ;
utiliser une matraque pour disperser un rassemblement pacifique ;
procéder à une « charge à la matraque », autrement dit poursuivre des personnes qui fuient en leur assénant des coups de matraque ;
cibler des zones « à risque élevé » (tête, cou, colonne vertébrale, gorge, aine, par exemple), sauf dans une situation où il existe une menace imminente de blessure grave ou de mort qui ne peut être contrée autrement.
Amnesty International demande en outre l’interdiction totale des matraques dont le seul but pratique est la torture ou d’autres mauvais traitements, comme les matraques à pointes, et appelle les États à élaborer des mesures pour contrôler le commerce des matraques et des autres équipements destinés au maintien de l’ordre lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’ils seront utilisés pour infliger des actes de torture ou d’autres mauvais traitements.
La nouvelle synthèse sera présentée lors d’une réunion en ligne [4] sur la prévention de la torture dans le contexte des rassemblements publics organisée le 23 juin par l’Association pour la prévention de la torture (APT) et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).