Irak. Amnesty International déplore l’exécution de Saddam Hussein

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

MDE 14/043/2006

Amnesty International déplore l’exécution de Saddam Hussein, ce samedi 30 décembre 2006, après confirmation de sa condamnation à mort par la Cour d’appel irakienne le 26 décembre.

Opposée à la peine de mort en toutes circonstances, l’organisation s’est déclarée préoccupée par le fait que la Cour d’appel du Haut tribunal n’avait pas remédié aux profondes irrégularités qui ont entaché le procès, par là-même inéquitable, de l’ancien dictateur devant le Tribunal pénal suprême irakien.

« Considérant qu’elle viole le droit à la vie et constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit, nous sommes opposés à la peine capitale en toutes circonstances, mais ce châtiment ultime est particulièrement monstrueux lorsqu’il est prononcé à l’issue d’un procès inique, a déclaré Malcolm Smart, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. D’autant que dans cette affaire, une fois le jugement initial rendu, l’exécution semblait acquise d’avance. La Cour d’appel s’est contentée de donner un vernis de légitimité à ce qui fut, en fait, un procès fondamentalement entaché d’irrégularités. »

Amnesty International s’était grandement félicitée de la décision de tenir Saddam Hussein pour responsable des crimes commis sous son régime, mais cela aurait dû se faire dans le cadre d’un procès équitable. « Ce procès aurait dû contribuer de manière significative à l’avènement de la justice et de la vérité, ainsi qu’à établir les responsabilités pour les violations massives des droits humains perpétrées sous le régime de Saddam Hussein, a ajouté Malcolm Smart. Mais il a été entaché de graves irrégularités. Beaucoup n’y verront que la " justice du vainqueur " et, malheureusement, il ne permettra nullement d’endiguer la vague persistante des assassinats politiques. »

Saddam Hussein a été condamné à mort le 5 novembre 2006 pour sa responsabilité dans l’homicide de 148 habitants du village d’Al Dujail, où il avait été victime d’une tentative d’assassinat en 1982. Le procès, qui s’est ouvert en octobre 2005, près de deux ans après la capture de Saddam Hussein par les forces des États-Unis, s’est terminé en juillet 2006. La Cour d’appel a confirmé ce verdict le 26 décembre 2006, le juge Arif Shaheen ayant précisé que la sentence devait être exécutée dans un délai de trente jours après ratification par le président irakien Jalal Talabani ou son représentant.

Le procès mené devant le Tribunal pénal suprême irakien n’a pas respecté les normes internationales d’équité. L’ingérence de la classe politique a mis à mal l’indépendance et l’impartialité du tribunal, poussant le premier juge le présidant à se retirer ; la nomination de son successeur a été bloquée et le tribunal n’a pas pris les mesures qui s’imposaient pour protéger les témoins et les avocats de la défense, dont trois ont été assassinés au cours du procès. Saddam Hussein n’a pas été autorisé à consulter un avocat pendant la première année suivant son arrestation, et les plaintes de ses avocats sur le déroulement du procès ne semblent pas avoir été prises en compte. Le procès en appel a manifestement été mené à la hâte, sans remédier aux irrégularités du procès en première instance.

« Tout accusé a le droit à un procès équitable, quelle que soit la gravité de l’accusation dont il fait l’objet. Ce principe très simple a été ignoré tout au long des décennies de dictature de Saddam Hussein. Son renversement offrait la possibilité de rétablir ce droit élémentaire, tout en établissant les responsabilités pour les crimes commis par le passé. Non seulement le tribunal n’a pas saisi cette occasion, a conclu Malcolm Smart, mais il a en plus opté pour la peine de mort. »

Lorsqu’il a été exécuté, Saddam Hussein était également jugé par le Haut tribunal pénal irakien, en même temps que six autres personnes, dans le cadre de l’affaire distincte de l’« opération Anfal », au cours de laquelle, en 1988, des milliers de membres de la minorité kurde d’Irak ont été victimes de massacres, d’actes de torture et d’autres violations flagrantes des droits humains. Ce procès devrait désormais se poursuivre contre les autres accusés. L’exécution de Saddam Hussein compromet gravement l’établissement de la vérité sur ce qui s’est passé sous son régime et prive une nouvelle fois les Irakiens de la possibilité de connaître et assumer les crimes du passé.

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit