Irak : Les forces de sécurité profitent de coupures d’Internet pour attaquer les manifestants

Amnesty International a appris que des manifestants pacifiques dans le sud de l’Irak et à Bagdad craignent que les autorités ne désactivent délibérément l’accès à Internet avant que les forces de sécurité ne les attaquent et n’ouvrent le feu sur eux.

Des sources fiables ont déclaré à l’organisation qu’elles pensent que l’accès à Internet est bloqué afin de les empêcher de partager des vidéos et photos du recours excessif et injustifié à la force des forces de sécurité, et notamment de l’utilisation de balles réelles dans des villes des gouvernorats du sud du pays, en particulier Bassora.

« Nous suivons de près l’évolution inquiétante de la situation à travers le sud de l’Irak et sommes préoccupé-e-s par les informations selon lesquelles les forces de sécurité frappent des manifestants pacifiques, les soumettent à des détentions arbitraires et font même feu sur eux  », a déclaré Lynn Maalouf, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.

«  Couper délibérément l’accès à Internet constitue une restriction alarmante du droit à la liberté d’expression, et indique qu’il y a de fortes chances que les autorités aient quelque chose à cacher. Nous craignons que cette censure n’ait spécifiquement pour but de donner carte blanche aux forces de sécurité pour sévir contre des militants non violents sans que cela ne soit officiel ni que les responsables ne soient tenus de rendre des comptes. »

Une source basée à Bagdad a déclaré à Amnesty International : «  Lorsqu’il n’y a pas Internet, des gens sont frappés et tués parce que nous ne pouvons pas en parler. Les Irakiens connaissent désormais l’importance des médias sociaux. Nous en avons besoin pour élever la voix. »

Un homme de 21 ans originaire d’al Zubeir, à l’ouest de la ville de Bassora, a déclaré à Amnesty International qu’il avait participé à une manifestation dimanche 15 juillet afin de protester contre le manque chronique d’opportunités d’emploi dans la région. Il a déclaré qu’un membre du groupe d’intervention de la police irakienne s’est opposé aux manifestants et s’est mis à tirer sur eux avant de les poursuivre et de les rouer de coups.

Il a expliqué : «  Ils voulaient frapper tout le monde et n’ont épargné personne. Une personne a été blessée par balle à la jambe, et j’en ai vu une autre qui saignait de l’œil. Alors que nous battions en retraite, l’un des membres du groupe d’intervention m’a attrapé et m’a frappé. Lorsque je suis arrivé à me dégager, il a lancé sa matraque dans ma direction et m’a cassé le bras. Ils coupent Internet pour pouvoir nous frapper.  »

Un autre défenseur des droits humains à Bagdad a déclaré : « Cela va plus loin que l’eau et l’électricité maintenant - ils sont en train de nous briser. Ils nous insultent. Qu’y a-t-il de pire qu’être attrapé, frappé et meurtri, et jeté dans la rue ? Nous n’avons pas prôné la violence. Nous sommes pacifiques.  »

Au cours de la semaine écoulée, des témoins habitant dans le gouvernorat de Bassora ont signalé à Amnesty International que les forces de sécurité utilisent du gaz lacrymogène et des balles réelles contre des manifestants non violents. Selon le ministère irakien de la Santé, au moins huit personnes ont perdu la vie dans le cadre de manifestations à ce jour. Des témoins ont également signalé avoir vu les autorités frapper des manifestants pacifiques à coups de matraque, de câble et de tuyau en plastique afin de les disperser.

D’après des informations obtenues par Amnesty International, deux manifestants ont été arrêtés à Bagdad lundi 16 juillet vers 20 heures alors qu’ils quittaient les manifestations ayant eu lieu au centre-ville. Ils ont été emmenés par des hommes armés en civil qui leur ont dit : « Nous sommes des représentants de l’État ».
Les manifestants ont été traînés à l’intérieur d’une voiture, avant qu’on ne leur bande les yeux et ne les emmène dans un lieu inconnu. Plus tard, ils ont été frappés, ont reçu des décharges de pistolet incapacitant et ont subi des interrogatoires au sujet des personnes ayant organisé les manifestations, et de leur propre appartenance présumée à des groupes extrémistes. Alors qu’ils n’étaient pas en mesure de voir, ils ont ensuite été forcés à signer des documents sans qu’on ne leur en explique la teneur, puis relâchés.

«  Les autorités irakiennes doivent immédiatement mettre fin à l’utilisation de la torture et d’autres formes de mauvais traitements, notamment les coups, les manœuvres de harcèlement et les actes d’intimidation imputables aux forces de sécurité, et mener des enquêtes indépendantes et impartiales dans les meilleurs délais afin de traduire tous les responsables présumés en justice. Les autorités ont le devoir de veiller à ce que chaque personne dans le pays puisse exercer son droit à la liberté d’expression et son droit de manifester pacifiquement sans ingérence », a déclaré Lynn Maalouf.

Complément d’information

Des manifestations ont éclaté en Irak dimanche 8 juillet en raison du taux élevé de chômage et de l’insuffisance des services publics à travers le sud du pays. Le ministère irakien de la Défense a affirmé que quelque 274 membres des forces de sécurité ont été blessés dans le cadre de ces actions de protestation jusqu’à présent.

La connexion à Internet a été coupée tard dans la soirée de jeudi 12 juillet. Si l’accès a en grande partie été rétabli lundi 16 juillet, le signal est cependant resté faible à travers le pays et plusieurs réseaux sociaux sont toujours bloqués.

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