Communiqué de presse

Irak. Il faut enquêter sur l’enlèvement et l’assassinat à Bagdad d’un dirigeant sunnite et des hommes qui l’escortaient

Les autorités irakiennes doivent veiller à ce que l’assassinat le 13 février 2015 à Bagdad d’un chef tribal sunnite et des hommes qui l’escortaient fasse sans délai l’objet d’une enquête approfondie, impartiale et indépendante. Ils ont pour la plupart été retrouvés morts quelques heures après avoir été enlevés.

D’après des informations relayées par les médias locaux et internationaux, Qassem Sweidan al Janabi, figure importante et modérée de la communauté sunnite, et les hommes qui l’escortaient ont été enlevés après être tombés dans une embuscade à un poste de contrôle du quartier de Dura, situé dans le sud de Bagdad, dans la soirée du 13 février 2015. Les corps d’al Janabi, de son fils Mohammed et de la majorité de leurs gardes du corps ont été retrouvés quelques heures plus tard dans le nord de la capitale irakienne. Certains avaient semble-t-il les mains attachées dans le dos et avaient été abattus d’une balle dans la tête. Le neveu d’al Janabi, le député irakien Zaid al Janabi, figurait lui aussi parmi les personnes enlevées, mais il a été relâché un peu plus tard par ses ravisseurs.

Qassem Sweidan al Janabi jouait un rôle essentiel dans les efforts visant à combattre l’intolérance religieuse dans les zones mixtes situées au sud de Bagdad. Il demandait notamment le retour d’une partie des 70 000 habitants sunnites déplacés de Jurf al Sakher, ville située au sud-ouest de la capitale et reprise en octobre 2014 par les forces gouvernementales et des milices chiites soutenues par le régime après être tombée aux mains du groupe armé qui se donne le nom d’État islamique (EI).

Le vice-Premier ministre, Saleh al Mutlaq, musulman sunnite, a dénoncé l’incapacité du gouvernement à contrôler les milices chiites accusées ces derniers mois de violations de plus en plus nombreuses. Il a fait remarquer que les ravisseurs avaient « probablement dû passer 50 postes de contrôle » pour quitter Dura et rejoindre le nord de Bagdad. Le député Mohammed al Karbouli a également attiré l’attention du New York Times sur le « mutisme du régime face à la prédominance des milices dans la capitale irakienne ». D’autres personnalités politiques et quelques médias locaux ont attribué la responsabilité de cette situation au groupe armé EI. Le député Adnan al Janabi et les conseillers du député kidnappé Zaid al Janabi ont déclaré dans les médias que les ravisseurs avaient dans un premier temps conduit al Janabi et ses hommes à Sadr City, quartier chiite de Bagdad où les milices chiites semblent plus puissantes que les forces gouvernementales.

Depuis que l’EI s’est emparé de Mossoul en juin 2014, Amnesty International a recueilli des informations sur des attaques généralisées menées contre des civils par des milices chiites soutenues par le pouvoir dans les régions sous contrôle gouvernemental (voir Absolute Impunity. Militia Rule in Iraq, 14 octobre 2014). Elles se seraient notamment livrées à des détentions arbitraires, des enlèvements et des homicides illégaux, prenant essentiellement des civils sunnites comme cibles, à Bagdad et ailleurs dans le pays. Ces actes sont tous des crimes de guerre au regard du droit international. Pourtant, les responsables n’ont à ce jour pas été jugés et les victimes n’ont pas obtenu réparation. Les milices chiites, souvent armées par le gouvernement, mènent leurs activités en collaboration plus ou moins étroite avec les forces de sécurité irakiennes. Cela signifie que la responsabilité du gouvernement dans ces actes, et dans d’autres crimes de droit international présumés qui font actuellement l’objet d’une enquête, est engagée. Au nombre des violations qui auraient été commises figurent l’exécution en janvier de 72 habitants du village de Barwana (province de Diyala), et l’homicide illégal présumé début février de deux membres de tribus sunnites dans l’un des principaux bureaux des forces de sécurité gouvernementales à Ramadi.

Une proposition de loi controversée qui permettrait d’intégrer les milices issues d’une « mobilisation populaire » dans un nouveau corps, la Garde nationale, est en cours d’adoption en Irak. Amnesty International craint toutefois que ce texte, s’il est mis en œuvre, ne soit pas suffisamment efficace et que les vérifications auxquelles seront soumis les membres de ce corps manquent de rigueur. Les informations qui ont fait état récemment de violations perpétrées par des milices chiites mettent en évidence le caractère urgent de l’appel précédemment lancé par l’organisation au gouvernement pour qu’il mette en place un processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion de ces milices qui soit conforme au droit international et aux normes internationales relatives aux droits humains.

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