IRAK "La coalition a davantage préparé la protection des puits de pétrole que celle des hôpitaux" Irene Khan - Secrétaire générale d’Amnesty International

Index AI : MDE 14/091/2003

Selon des informations qui ont commencé à nous parvenir, un certain nombre de civils auraient été tués ou blessés lors d’une manifestation organisée contre Mechaan Al-Jabbouri, nouveau gouverneur de la ville de Mossoul, au nord de l’Irak ; Irene Khan, secrétaire générale d’Amnesty International, a fait part de sa profonde inquiétude face à l’anarchie régnant dans le pas et a lancé un appel pour que soit menée une enquête impartiale, indépendante et exhaustive sur ce qui s’est passé à Mossoul.

« Avant l’éclatement du conflit, nous avions à plusieurs reprises tenté d’attirer l’attention sur le fait qu’avec la chute du régime, l’ordre public se disloquerait et que l’insécurité représenterait un risque pour les personnes et les biens.

Il semble que les forces de la coalition aient davantage préparé la protection des puits de pétrole que celle des hôpitaux et des usines de traitement des eaux.

En matière d’ordre public, l’approche première de la coalition n’aura pas inspiré confiance au peuple irakien. »

Les droits humains fondamentaux doivent être au centre de tous les efforts pour restaurer l’ordre public en Irak. Les forces britanniques et américaines sont des puissances occupantes, avec des responsabilités claires et bien définies. Le droit international humanitaire définit très clairement les obligations liées à l’occupation - il ne peut y avoir de dérogation à ces obligations.

Les troupes de combat ne sont habituellement pas formées, ni équipées, pour assurer le maintien de l’ordre, ce n’est pas non plus leur rôle. Toutefois, les puissances occupantes ont le devoir de prévoir un effondrement de l’ordre public dans les zones sous contrôle militaire, situation on ne peut plus fréquente en cas de conflits armés et prédite à maintes reprises dans le cas de l’Irak.

« Il semble que l’on ait consacré beaucoup de temps et d’énergie à planifier la protection des puits de pétrole irakiens. Le même degré de planification ne semble pas avoir été appliqué à la sécurisation des installations publiques et autres institutions indispensables à la survie et au bien-être de la population. La réponse apportée au désordre ambiant choque par son inadéquation. »

Amnesty International lance un appel aux États-Unis et au Royaume-Uni pour que ces deux pays déploient des forces en nombre suffisant, entraînées et équipées pour faire face à la situation et rétablir l’ordre public en attendant que des forces de police irakiennes puissent reprendre le contrôle. Une procédure d’approbation efficace et équitable doit être mise en place très rapidement afin que des membres des forces de police irakiennes qui auraient commis des atteintes aux droits humains dans le passé ne se retrouvent pas à leurs anciens postes. Dans leur exercice de maintien de l’ordre et de surveillance des forces de maintien de l’ordre public, les États-Unis et le Royaume-Uni doivent veiller à ce que les droits à la liberté d’expression et de réunion ne soient pas restreints de façon arbitraire.

Par définition, cependant, l’autorité de puissances occupantes est transitoire et limitée à la protection et à l’assistance de populations occupées dans une situation d’urgence provoquée par la guerre. Les États-Unis et le Royaume-uni ne peuvent pas, par exemple, changer le système juridique irakien ; ils ne peuvent pas non plus entamer les réformes radicales dont aurait besoin le système pénal irakien pour que les droits humains fondamentaux soient respectés. Seul un nouveau gouvernement irakien, ou une administration provisoire mise en place par le Conseil de sécurité des Nations unies aurait autorité pour le faire, au regard du droit international.

Pour le moment, on ne sait pas clairement quelles dispositions seront prises pour établir une autorité gouvernementale permanente ou de transition en Irak. Le rôle de l’ONU fait l’objet de désaccords. Selon Amnesty International, veiller au respect des droits humains doit être la principale préoccupation. À cet égard, les Nations unies ont un rôle fondamental à jouer et cela à deux niveaux, à côté de la fourniture de l’aide humanitaire.

Premièrement, les Nations unies doivent déployer des observateurs chargés de veiller au respect des droits humains dans tout le pays dès que les conditions de sécurité le permettront.

Deuxièmement, les Nations unies doivent mettre en place une commission d’experts afin d’élaborer, en étroite collaboration avec la société civile irakienne, des mesures visant à permettre que justice soit rendue dans les affaires passées et présentes d’atteintes aux droits humains et à élaborer des propositions en vue de réformer le système pénal irakien.

Une autre préoccupation d’Amnesty International est que toutes les personnes soupçonnées de crimes de droit international humanitaire et d’atteintes graves aux droits humains fondamentaux soient traduites en justice.

« Il ne doit pas y avoir d’amnistie ni de grâces qui pourraient empêcher la vérité d’apparaître au grand jour et de déterminer qui sont les coupables. Aucun règlement politique ne devrait admettre d’amnisties avant condamnation pour les personnes soupçonnées d’atteintes aux droits humains fondamentaux », a conclu Irene Khan.

Complément d’information

Mechaan Al-Jabbouri, ancien aide de Oudaï Saddam Hussein, est accusé d’atteintes aux droits humains fondamentaux et de corruption.

Le rapport d’Amnesty International sur l’Irak et la responsabilité des puissances occupantes peut être consulté (en anglais) sur le site :

http://web.amnesty.org/library/index/engmde140892003

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