IRAK : Les droits humains doivent servir de base à la reconstruction

Index AI : MDE 14/136/2003

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Amman - À la veille d’une importante conférence organisée par le Forum économique mondial, au cours de laquelle seront débattus l’avenir et la reconstruction de l’Irak, Amnesty International a exprimé son inquiétude, ce vendredi 20 juin 2003, à propos de la situation actuelle des droits humains en Irak, déclarant : « le respect des droits humains doit servir de base à l’établissement de la sécurité, de la paix et de la liberté en Irak. »

Selon des délégués de retour d’Irak, les puissances occupantes que sont les États-Unis et le Royaume-Uni ne remplissent pas leurs obligations et n’assurent ni la sécurité ni le bien-être de la population irakienne. L’organisation est également préoccupée par le maintien en détention, sous la responsabilité des puissances occupantes, de plus de deux mille Irakiens à l’aéroport et dans divers centres de détention ; ceux-ci n’ont été autorisés à prendre contact ni avec leurs proches ni avec un avocat et sont dans l’impossibilité obtenir un réexamen judiciaire.

« La célèbre prison Abou Ghraib, lieu de torture et d’exécutions de masse sous Saddam Hussein, est redevenue une prison coupée du monde extérieur. Le 13 juin un mouvement de protestation contre les détentions à durée indéterminée sans jugement s’y est déroulé. Des soldats des puissances occupantes ont tué une personne et en ont blessé sept autres, » selon le témoignage d’Abdel Salam Sidahmed, directeur adjoint du programme Moyen-Orient d’Amnesty International, après sa visite en Irak.

Dans un rapport rendu public récemment sur les droits humains et la reconstruction économique en cours en Irak, Amnesty International explique que : « le but de la reconstruction devrait être de veiller à la protection effective des droits humains et à ce qu’ils deviennent une réalité pour tous les Irakiens. La reconstruction ne réussira que si les droits humains sont au centre du processus. » Le rapport dresse une liste de préoccupations à l’intention des puissances occupantes et des entreprises privées qui se pressent pour venir investir en Irak.

La résolution 1483, adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies le 22 mai 2003, a levé les sanctions imposées depuis longtemps à l’Irak et fourni un cadre international au processus de reconstruction. Toutefois, le « Fond de développement » mentionné dans la résolution, ainsi que l’endroit où seront déposées les sommes tirées du revenu pétrolier sont clairement sous l’autorité des puissances occupantes ; même l’organisme « indépendant » mandaté pour superviser les dépenses de ce Fond n’a pas de comptes à rendre directement au niveau international.

« Sans obligation de rendre des comptes au niveau international, il n’existe aucune assurance que ces organismes orienteront les efforts de reconstruction vers la protection des droits humains, a déclaré Amnesty International, ni qu’ils s’assureront au minimum que les projets de développement ne portent atteinte aux droits humains. »

On a beaucoup parlé de la protection des droits humains du peuple irakien au sein des forces de la coalition avant la guerre. « Si ces propos étaient sincères, les États-Unis et le Royaume-Uni devraient maintenant faire savoir clairement que tout projet ayant pour but la protection des droits humains recevra une attention prioritaire dans le processus de reconstruction. », a déclaré Amnesty International. Ils devraient également s’engager à fournir des informations expliquant en quoi les déboursements effectués au titre du Fond ont contribué à la protection des droits humains dans leurs rapports au Conseil de sécurité.

La conférence est sensée être tournée vers l’avenir : « Il est par conséquent préoccupant que la question des droits humains ne soit même pas mentionnée sur l’ordre du jour détaillé de huit pages, a déclaré David Petrasek, directeur du Programme de Définition des politiques et d’évaluation d’Amnesty International. Nous assistons à la rencontre afin d’insister sur le fait qu’il ne saurait y avoir reconstruction sans une base solide fondée sur les règles du droit, l’égalité et le respect des droits humains de tous les Irakiens. La réussite de la reconstruction de l’Irak exige également que justice soit rendue aux centaines de milliers de victimes des violations passées des droits humains en Irak.

« La reconstruction n’est pas qu’une affaire économique au sens le plus étroit du terme, » a ajouté Amnesty International. En situation d’occupation, le processus de reconstruction aura nécessairement un impact important sur les questions politiques et sociales et sur les droits humains en général. « Justice doit être rendue pour les atteintes passées aux droits humains, mais il faut également qu’il y ait une assurance de justice sociale pour l’avenir. »

Le rapport souligne les préoccupations de l’organisation à propos du manque de transparence dans l’attribution des contrats et au niveau du processus de reconstruction ; elle explique que le manque de transparence prive les Irakiens de leur droit de participer aux prises de décisions sur des questions importantes telles que la reconstruction du système de justice et d’autres projets en lien avec le maintien de l’ordre, la santé et l’éducation.

La situation actuelle en Irak montre que les puissances occupantes ne répondent pas aux attentes des Irakiens concernant leur sécurité personnelle et générale. Des centaines de milliers de familles luttent pour faire face aux nécessités de la vie quotidienne sans salaire ni pension. Dans cette situation, les gens se sentent de plus en plus frustrés et ne savent pas vers qui se tourner pour exprimer leur inquiétude ou leur mécontentement.

« Il est presque impossible d’obtenir les noms des responsables en charge des différentes administrations parce qu’ils changent constamment. De plus, il semble n’y avoir aucun système de communication régulière entre le Bureau de l’Autorité provisoire de la coalition et la population irakienne, a déclaré Amnesty International.

« Les puissances occupantes doivent s’engager de façon explicite à faire participer des Irakiens aux prises de décisions concernant la reconstruction. Les Irakiens eux-mêmes, dans l’idéal au travers d’institutions représentatives, devraient prendre des décisions concernant la reconstruction, les investissements étrangers et la vente de biens de l’État », a déclaré l’organisation. Les femmes devraient également avoir toute leur place dans la reconstruction, c’est l’une des conditions de la réussite de la reconstruction pacifique de l’Irak.

Au rang des préoccupations de l’organisation citées dans le rapport figure en particulier la crainte que certaines pratiques des entreprises privées n’affaiblissent le soutien aux règles du droit en encourageant la corruption. Amnesty International demande à toutes les entreprises de se baser sur les principes définis par les Nations unies relatifs aux droits humains spécialement destinés aux entreprises et d’éviter le déplacement arbitraire de personnes auquel de grands projets d’infrastructure peuvent conduire. Le rapport demande aussi aux entreprises d’observer les normes de sécurité internationalement reconnues, en particulier en ce qui concerne l’emploi et les instructions données aux personnels de sécurité et d’éviter toute discrimination dans le recrutement d’Irakiens.

« Faillir à intégrer pleinement dans le processus de changement des réformes visant à protéger les droits humains constituerait une trahison du peuple irakien », a conclu Amnesty International.

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