IRAK : Les forces américaines et britanniques doivent protéger les réfugiés

Index AI : MDE 14/107/2003

Amnesty International exhorte les forces de la coalition
américano-britannique à prendre en main de toute urgence la situation des
réfugiés, des demandeurs d’asile et des ressortissants de pays tiers en
Irak. Les États-Unis et le Royaume-Uni doivent assurer leur protection
contre toute attaque ou arrestation arbitraire, et contre tout renvoi vers
des pays où leurs droits humains risquent d’être bafoués.

« Il est capital que les forces de la coalition accordent la plus haute
priorité à la protection des réfugiés et des ressortissants de pays tiers, a
déclaré Amnesty International aujourd’hui, vendredi 2 mai.

« Au titre du droit international humanitaire, il incombe aux États-Unis et
au Royaume-Uni, en tant que puissances occupantes, de prévenir toute
atteinte aux droits humains de la population civile, tout en portant une
attention particulière à la situation des groupes vulnérables, tels que les
réfugiés et les ressortissants étrangers.

« La protection des réfugiés doit être de nature civile et humanitaire. Les
personnes réfugiées dans des camps doivent être préservées de toute forme
d’agression. En outre, les puissances occupantes sont tenues de veiller à ce
qu’elles reçoivent, avec toute la célérité voulue, une aide humanitaire et
une protection satisfaisantes.

« Parce qu’elles ont un rôle essentiel à jouer dans la recherche de
solutions durables répondant à la situation tragique de ces gens, les
agences des Nations unies telles que le Haut-Commissariat des Nations unies
pour les réfugiés (HCR) doivent pouvoir rencontrer librement les populations
vulnérables en Irak. Des garanties publiques et un réel engagement sur le
terrain s’imposent pour veiller à assurer la sécurité de ces civils
irakiens. »

Ces dernières semaines, on a assisté à une augmentation du nombre de
personnes en quête de protection dans les États voisins. Actuellement, les
autorités jordaniennes obligent un millier de civils, dont des centaines de
femmes et d’enfants, à attendre dans la « zone neutre », sise entre l’Irak
et le point de passage de la frontière d’al Karama. Un nombre important de
demandeurs d’asile est bloqué dans cette « zone neutre » depuis au moins une
semaine. Certains organiseraient des manifestations à la frontière afin
d’attirer l’attention sur leur situation insoutenable.

Parmi ce millier de personnes, il y aurait environ 800 réfugiés iraniens,
qui ont quitté le camp d’al Tash, géré par le HCR et situé à quelque 120
kilomètres à l’ouest de Bagdad, dans le gouvernorat irakien d’Anbar. Les
réfugiés eux-mêmes auraient évoqué comme motifs de leur départ la peur des
pillages et des attaques, ainsi qu’une situation humanitaire catastrophique.
Le HCR a en effet rapatrié tout son personnel international intervenant en
Irak avant que la guerre n’éclate.

Par ailleurs, un nombre inconnu de Syriens et de ressortissants d’autres
pays ayant fui leurs foyers au lendemain de la chute du régime de Saddam
Hussein s’amassent à la frontière syrienne. Beaucoup redouteraient de subir
des persécutions en raison de leur collaboration présumée avec le
gouvernement précédent. Certains d’entre eux bénéficiaient de la protection
de l’Irak depuis des dizaines d’années et se voient maintenant refuser
l’entrée en Syrie.

« Ces gens se retrouvent face à un dilemme. Ils ont pris la fuite à cause de
la situation très instable qui règne presque partout en Irak ; mais rentrer
chez eux peut vouloir dire retourner vers la persécution. Au moins sept
ressortissants syriens ont déjà été arrêtés depuis leur retour », a affirmé
Amnesty International.

Jamal Mahmud al Wafai a été appréhendé au poste frontière, près de Hosaiba,
le 18 avril. Il s’était exilé en Irak au début des années 80. Six autres
syriens exilés, membres des Frères musulmans, ont également été interpellés
à la frontière irako-syrienne : Fayzah Ali Shihab, Maha Ahmad Qarah Qash,
Mayyadah Muhammad Ghassan Benqasli, Fathiyyah Rajab Damur, Muhammad Adnan
Ahmad Madlaj et Muhammad Ahmad Qashush. On ignore si ces six hommes ont été
arrêtés à un poste frontière ou après avoir été autorisés à entrer sur le
territoire syrien.

Amnesty International craint que ces candidats au retour placés en détention
ne soient victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements : ils
s’étaient opposés au gouvernement syrien en devenant membres de
l’organisation interdite des Frères musulmans, dont la branche armée a été
impliquée dans de violentes confrontations avec les forces de sécurité
syriennes à la fin des années 70 et dans les années 80. Les figures de
l’opposition syrienne qui rentrent au pays de leur plein gré ou après avoir
été expulsées de force par d’autres gouvernements s’exposent
particulièrement aux arrestations, à la torture et aux mauvais traitements.
En 2002, un ancien membre des Frères musulmans a volontairement mis un terme
à son exil et est rentré en Syrie ; il est mort en détention.

« Il est probable que nombre d’étrangers qui vivaient en Irak n’ont pas
officiellement reçu le statut de réfugiés dans ce pays ; mais il ne fait
aucun doute que beaucoup seraient menacés de graves atteintes à leurs droits
humains s’ils étaient expulsés vers leur pays d’origine ou n’avaient d’autre
choix que d’y retourner », a conclu Amnesty International.

Complément d’information

Avant le conflit, l’Irak accueillait plus de 128 000 réfugiés, dont quelque
23 000 Iraniens. Environ 19 000 étaient installés dans des régions
irakiennes contrôlées par le gouvernement. Quelque 4 000 Kurdes iraniens
vivaient dans le nord de l’Irak, dans des zones contrôlées par deux partis
politiques kurdes ; toutefois, selon certaines sources, un millier aurait
fui vers la Turquie depuis début 2001.

D’autre part, l’Irak accueillait une importante communauté de réfugiés
palestiniens, estimée par certains à plus de 90 000 personnes. L’Irak
comptait également de plus petites communautés de réfugiés en provenance
notamment du Soudan, de l’Érythrée et de la Somalie, et donnait asile à des
dizaines de milliers d’Égyptiens.

Parmi les civils bloqués dans la « zone neutre » entre l’Irak et la
Jordanie, une soixantaine s’est vue accorder le statut de réfugiés ou un
autre statut de résident dans des pays tiers, en Europe et en Amérique du
Nord. La majorité d’entre eux seraient membres de l’Organisation iranienne
des moudjahidin du peuple (OIMP).

Amnesty International demande aux autorités jordaniennes d’autoriser
l’entrée sur leur territoire de tous ceux qui attendent à la frontière, afin
que leur droit à une protection internationale soit garanti et que leur
transfert vers leur pays de résidence soit effectué en toute sécurité.

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