Communiqué de presse

Irak . « Je ne l’ai pas reconnu tellement il avait été torturé »

Ahmad Amr Abd al Qadir Muhammad était tellement défiguré par les tortures qu’il avait subies que sa propre mère a eu du mal à le reconnaître lorsqu’elle lui a rendu visite en prison.

Toutefois, comme l’a expliqué celle-ci, ce qui est arrivé à son fils derrière les barreaux n’est pas inhabituel en Irak.

« Pendant un an, j’ai cru qu’il était mort, puis on m’a dit qu’il était en prison. À ma première visite, je ne l’ai pas reconnu tellement il avait été torturé… la brûlure à l’épaule, la brûlure à la jambe, la blessure à la perceuse sur le bras », a-t-elle indiqué à Amnesty International.

Ahmad Amr Abd al Qadir Muhammad, Palestinien né en Irak, a été arrêté le 21 juillet 2006 dans le quartier de Zayouna, à Bagdad, au plus fort des violences motivées par l’intolérance religieuse qui ont déchiré le pays. Il a été détenu au secret pendant plus d’un an.

Accusé par les autorités d’appartenir à un groupe armé qui projetait de poser des explosifs, il a été condamné à mort le 17 mai 2011 à l’issue d’un procès entaché d’allégations de torture.

Lorsqu’il a vu sa mère pour la première fois au bout d’un an, dans un centre de détention du quartier d’Al Baladiyat, à Bagdad, il lui a simplement dit :

« On m’a torturé pour me forcer à “avouer”. »

Un examen réalisé à l’Institut médico-légal environ deux ans après son arrestation a mis en évidence sur plusieurs parties de son corps de « grandes cicatrices marron », qui tendent à confirmer ses allégations.

Récits contradictoires
Les forces de sécurité irakiennes assurent que, le jour de son arrestation, Ahmad Amr Abd al Qadir Muhammad avait fui les lieux d’un affrontement armé lors duquel un policier et un chauffeur de taxi avaient été tués.

Sa famille, en revanche, affirme qu’il avait pris un taxi afin d’aller récupérer dans un restaurant des plats commandés pour ses fiançailles. Lorsque le véhicule avait été arrêté par des agents en civil des forces de sécurité, Ahmad Amr Abd al Qadir Muhammad s’était enfui car il avait craint un enlèvement.

Dans des « aveux » sur lesquels il est revenu par la suite, Ahmad Amr Abd al Qadir Muhammad a reconnu être impliqué dans plusieurs attentats à l’explosif perpétrés à Bagdad. Selon ses avocats, aucun autre élément de preuve le liant à ces attentats n’a été présenté au tribunal pénal de Resafa, à Bagdad.

Ahmad Amr Abd al Qadir Muhammad a été condamné à mort le 17 mai 2011 en vertu des dispositions draconiennes de la Loi de 2005 relative à la lutte contre le terrorisme.

Selon les avocats chargés d’assurer sa défense, les témoins oculaires, parmi lesquels des policiers, ont apporté des témoignages contradictoires lors du procès.

La cour a pris note du fait qu’Ahmad Amr Abd al Qadir Muhammad était revenu sur le témoignage dans lequel il s’accusait , du fait que ses déclarations auraient été obtenues sous la torture. Malgré cela, ces allégations n’ont fait l’objet d’aucune enquête et la déclaration de culpabilité d’Ahmad Amr Abd al Qadir Muhammad est donc fondée sur des « aveux » viciés.

« Aveux »
En Irak, les accusés ou les prévenus se plaignent régulièrement du fait que leurs « aveux » leur sont extorqués, sous la torture ou au moyen d’autres mauvais traitements, lors d’interrogatoires qui se déroulent souvent alors qu’ils sont détenus au secret.

Ces témoignages, dans lesquels ils se mettent eux-mêmes en cause, sont généralement diffusés à la télévision irakienne, en violation du principe de présomption d’innocence.

Il arrive même que les enquêteurs irakiens extorquent des « aveux » relatifs à des événements qui n’ont en fait jamais eu lieu.

En mai 2005, par exemple, quatre Palestiniens ont été arrêtés et torturés par les forces de sécurité irakiennes. Ils ont été exhibés sur la chaîne de télévision Al Iraqiyya et montrés en train d’« avouer » leur responsabilité dans une série d’attentats à l’explosif perpétrés à Bagdad.

Deux mois plus tard, ils ont confié à leur avocat qu’on les avait torturés afin qu’ils « avouent » ces crimes : on les avait battus au moyen de câbles, on leur avait administré des décharges électriques et on les avait brûlés au visage avec des cigarettes.

Lorsque l’avocat a enquêté sur les attentats présumés, il a obtenu des documents montrant qu’ils n’avaient jamais eu lieu. Après avoir été libérés, les quatre hommes ont quitté l’Irak.

En attente d’exécution
En 2006, l’année où Ahmad Amr Abd al Qadir Muhammad a été arrêté, des milliers de personnes ont été agressées, tuées dans des attentats à la bombe ou enlevées alors qu’une vague de violences inter-religieuses submergeait tout l’Irak.

Les réfugiés palestiniens, notamment, étaient particulièrement visés par certaines milices, qui estimaient qu’ils avaient bénéficié d’un traitement de faveur sous le régime du parti Baas de Saddam Hussein.

Malgré toutes les interrogations soulevées par les « aveux » d’Ahmad Amr Abd al Qadir Muhammad, qui auraient été obtenus sous la torture, une cour d’appel a confirmé sa condamnation à la peine capitale. Cet homme se trouve actuellement dans le quartier des condamnés à mort de Camp Justice, à Bagdad.

Des centaines de personnes ont été condamnées à mort et exécutées en Irak depuis la réinstauration de la peine capitale dans ce pays, en 2004.

Amnesty International a eu connaissance d’au moins 129 exécutions en 2012, soit presque deux fois plus qu’en 2011. Cela place l’Irak en troisième position des pays qui procèdent au plus grand nombre d’exécutions dans le monde. Les autorités irakiennes ont ôté la vie à 40 personnes au moins au cours des quatre premiers mois de l’année 2013.

« J’ai peur 24 heures sur 24. L’exécution pourrait avoir lieu à tout moment. J’espère que Jalal Talabani [le président irakien] m’entendra, que Nuri al Maliki [le Premier ministre irakien] m’entendra, que les juges m’entendront, que le monde entier m’entendra », a déclaré la mère d’Ahmad Amr Abd al Qadir Muhammad.

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