IRAK : Un an après la guerre, la situation des droits humains reste critique

Index AI : MDE 14/005/2004

Jeudi 18 mars 2004

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Un an après le début des hostilités en Irak, la promesse d’une amélioration
des droits humains pour les citoyens irakiens est toujours loin d’être
réalisée, selon un nouveau rapport d’Amnesty International.

Douze mois après l’invasion de l’Irak par les troupes de la coalition menée
par les États-Unis, le peuple irakien continue de subir de graves atteintes
aux droits humains. L’année dernière a vu quantité de personnes non armées
mourir du fait d’un recours excessif, ou non nécessaire, à la force
meurtrière par les troupes de la coalition lors de manifestations publiques,
de contrôles à des points de passage ou d’opérations commando dans des
habitations. Des milliers de gens ont été interpellés et maintenus en
détention prolongée, souvent dans des conditions éprouvantes et sans que
leur détention ait été reconnue. Beaucoup ont été torturés ou maltraités,
certains sont décédés au cours de leur détention.

Le rapport d’Amnesty International (disponible en anglais sous le titre Iraq
 : one year on) fournit un certain nombre d’informations, rassemblées par
Amnesty International à l’occasion de plusieurs séjours en Irak au cours de
la période de l’immédiat après-guerre et dans l’année qui a suivi. Le
rapport fait état de la violence et de l’insécurité auxquelles sont
confrontés les Irakiens au quotidien.

« La violence est endémique, à la fois sous la forme d’attaques par des
bandes armées et d’exactions par les forces d’occupation ; Des millions de
personnes subissent les conséquences de la destruction et du pillage des
infrastructures, d’un chômage de masse et d’une grande incertitude face à
leur avenir. Les gens ne croient pas ou peu à d’éventuelles poursuites en
justice pour les auteurs présumés d’atteintes passées et présentes aux
droits humains.

« Après une année de guerre, d’anarchie, de spirale de la violence et de
difficultés économiques, les Irakiens font face à un avenir incertain. Pour
que l’année à venir soit meilleure que l’année passée, les forces
d’occupation, les dirigeants politiques et religieux irakiens et la
communauté internationale doivent s’engager vraiment à protéger et
promouvoir les droits humains en Irak », a déclaré Amnesty International.

Un an après le début des hostilités, des civils irakiens continuent d’être
tués chaque jour. On estime à plus de 10 000 le nombre de civils irakiens
tués depuis le 18 mars 2003, dont la mort au cours de la guerre ou durant la
période d’occupation qui a suivi serait un résultat direct de l’intervention
militaire en Irak. Il s’agit d’une estimation, les autorités ne souhaitant
pas ou n’étant pas en mesure de répertorier les morts. « Nous n’avons pas
les capacités nécessaires pour établir une liste de toutes les victimes
civiles », déclarait le général américain Mark Kimmitt à l’agence Reuters en
février.

De nombreux civils ont semble-t-il été tués après un usage excessif de la
force par les troupes américaines, ou ont été abattus dans des circonstances
controversées. Des soldats américains ont, par exemple, abattu de nombreux
manifestants irakiens à diverses reprises ; sept manifestants ont été tués à
Mossoul le 15 avril 2003, au moins 15 à Fallouja le 29 avril et deux ont été
abattus devant le palais républicain de Bagdad le 18 juin.

En novembre 2003, les militaires américains ont déclaré avoir payé un
million et demi de dollars américains à des civils irakiens, en règlement de
plaintes déposées par des victimes ou des proches de victimes pour préjudice
corporel, mort ou dégradation de biens. Certaines des 10 402 plaintes
enregistrées concerneraient des civils irakiens abattus ou gravement blessés
par balles par des soldats américains sans raison apparente. En dehors de
ces règlements en argent, toutefois, il semble que les familles des morts et
des blessés aient peu de recours. Aucun soldat américain n’a été poursuivi
en justice pour avoir tué illégalement des civils irakiens. Les tribunaux
irakiens, du fait d’une décision prise en juin 2003 par l’autorité de Bagdad
sous tutelle américaine, ne sont pas autorisés à traiter les affaires
mettant en cause des soldats américains ou des membres de toute autre troupe
étrangère ou des responsables étrangers en Irak. Dans les faits, les soldats
américains opèrent en totale impunité.

Amnesty International a, à de nombreuses reprises, demandé que tous les
homicides perpétrés en Irak sur des personnes civiles par les forces de la
coalition fassent l’objet d’enquêtes approfondies, indépendantes et
impartiales et que les auteurs présumés d’homicides illégaux soient traduits
en justice. À ce jour, aucune enquête indépendante ne semble avoir été
menée.

Les civils irakiens sont aussi confrontés au danger sous la forme
d’attaques, apparemment menées par des groupes armés qui, depuis le début de
l’occupation, font de plus en plus partie du paysage irakien. Les attaques
ont visé les militaires américains, le personnel de sécurité irakien, les
postes de police contrôlés par des Irakiens, des dirigeants et des bâtiments
religieux, le personnel des médias, des organisations non-gouvernementales
et des agences des Nations unies. Elles ont causé la mort de centaines de
civils. Si ces attentats faisaient partie d’une politique d’attaque
systématique et généralisée de la population civile en Irak par une
organisation quelconque, elles constitueraient des crimes contre l’humanité.

Amnesty International a appelé les groupes armés à mettre un terme à leur
politique d’attaque de civils et de membres des organisations humanitaires
internationales. Elle a également lancé un appel demandant que les auteurs
présumés de ces crimes soient traduits en justice et jugés conformément aux
normes internationales relatives aux droits humains.

Depuis le début de la guerre en Irak, Amnesty International a reçu de
nombreuses informations venant d’Irakiens emmenés en détention par les
forces de la coalition et dont les droits ont été violés. Certains ont été
détenus sans jamais avoir été inculpés pendant plusieurs mois. Un certain
nombre d’entre eux ont été torturés et soumis à de mauvais traitements.
Pratiquement aucun n’a pu prendre contact rapidement avec un avocat ou des
membres de sa famille ni obtenir que la légalité de sa détention soit
examinée par un tribunal.

L’Autorité provisoire de la coalition (APC) reconnaît détenir environ 8 500
personnes. Toutefois, selon une organisation irakienne de défense des droits
humains, il y aurait environ 15 000 détenus. La plupart sont considérés
comme « détenus pour raisons de sécurité », c’est-à-dire impliqués ou
soupçonnés d’implication dans des actions anti-coalition.

De nombreux détenus ont affirmé avoir été torturés et maltraités par les
troupes américaines et britanniques au cours de leur interrogatoire. Parmi
les méthodes employées, ils ont cité les coups, la privation prolongée de
sommeil, le maintien dans des positions douloureuses, parfois combiné à une
exposition à de la musique très forte, le maintien prolongé d’un sac sur la
tête et l’exposition à des lumières violentes. Pratiquement aucune de ces
allégations de torture et de mauvais traitements n’a fait l’objet d’une
enquête appropriée.

L’absence de loi et d’ordre continue d’être un souci majeur dans de
nombreuses régions d’Irak. Les délégués d’Amnesty International ont été les
premiers témoins de l’impact dévastateur de cette anarchie sur la vie des
Irakiens ordinaires, qu’il s’agisse des actes de pillage, des morts par
vengeance, des enlèvements et de la violence contre les femmes.

« Veiller à ce que la justice s’applique est fondamentale pour les
innombrables victimes de violations des droits humains perpétrées en Irak.
Les Irakiens ont souffert pendant des dizaines d’années de graves atteintes
aux droits humains perpétrées par leur gouvernement et d’exactions commises
au cours de plusieurs conflits, notamment au cours de la guerre qui vient de
s’achever et de l’immédiat après-guerre.

« Des changements fondamentaux sont nécessaires au niveau du système
juridique, de l’appareil judiciaire et de la justice pénale en Irak. Les
droits humains doivent être au centre de tous les efforts de reconstruction
de l’Irak. Faillir à protéger les droits humains dans le processus de
changement serait trahir le peuple irakien qui a tant souffert dans le passé
 », a déclaré Amnesty International.

/FIN

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