Il y a presque deux mois, le 31 mai, les autorités iraniennes ont également amputé Sayed Barat Hosseini de ses doigts, sans anesthésie. Il est depuis détenu à l’isolement dans la prison d’Evin et privé de l’assistance psychologique et des soins de santé dont il a besoin en raison des infections et du traumatisme qu’il a subis à cause de l’amputation.
« Ces amputations illustrent d’horrible façon le mépris qu’affichent les autorités iraniennes pour la dignité humaine et les droits humains. L’amputation est un acte de torture autorisé par le pouvoir judiciaire, et donc un crime de droit international ; toutes les personnes qui ont ordonné ou appliqué ce châtiment corporel doivent en conséquence être poursuivies en justice dans le cadre d’un procès équitable, a déclaré Diana Eltahawy, directrice adjointe pour la région Afrique du Nord et Moyen-Orient à Amnesty International.
« Au moins huit autres prisonniers en Iran risquent d’être amputés de leurs doigts. Compte tenu du fort climat d’impunité en Iran, de plus en plus de personnes vont être soumises à ce châtiment cruel, à moins que la communauté internationale ne réagisse. Nous demandons à tous les États membres de l’ONU de condamner fermement cette pratique et de faire tout ce qui est en son pouvoir pour amener les autorités iraniennes à abolir immédiatement les châtiments corporels. Nous appelons en outre tous les États à exercer la compétence universelle pour mener des enquêtes et poursuivre en justice au pénal les responsables iraniens soupçonnés d’être pénalement responsables de crimes de droit international. »
Pouya Torabi et Sayed Barat Hosseini ont été condamnés dans deux affaires distinctes à être amputés, il y a environ trois ans ; les tribunaux pénaux de Semnan et de Kermanshah, respectivement, les avaient déclarés coupables de vol. Selon une source bien informée interrogée par Amnesty International, les deux peines d’amputation ont été appliquées dans un dispensaire situé dans la prison d’Evin, en présence de nombreux représentants des autorités, notamment le procureur de Téhéran, le procureur adjoint (dadyar) de la prison d’Evin, le juge chargé de contrôler l’application des peines à la prison d’Evin, le directeur de la prison d’Evin et le médecin-chef du dispensaire de la prison.
Cette même source a dit à Amnesty International qu’avant de procéder à l’amputation, les autorités ont dit à Sayed Barat Hosseini qu’il avait la possibilité de payer pour faire « réfrigérer » ses doigts amputés qui pouvaient ensuite être recousus chirurgicalement. Sayed Barat Hosseini n’avait pas les moyens de payer cela.
Après l’amputation de ses doigts, Sayed Barat Hosseini a immédiatement perdu connaissance à cause de l’hémorragie et de la douleur intense, et il a été transporté dans un hôpital en dehors de la prison. Il a été renvoyé en prison trois jours plus tard, avant qu’il ait pu se rétablir, et ses blessures se sont infectées. Pendant plusieurs semaines, il a été privé de soins, puis mi-juillet il a de nouveau été transporté à l’hôpital, mais il a été renvoyé en prison le jour même. Il est depuis détenu à l’isolement dans la prison d’Evin, sans possibilité de contact avec le monde extérieur, afin que des informations ne puissent pas filtrer au sujet de son châtiment et de la dégradation de son état de santé.
Sayed Barat Hosseini et Pouya Torabi, qui étaient détenus dans des prisons en province, ont été transférés à la prison d’Evin pour l’application des peines d’amputation. En avril, une guillotine spéciale a été installée dans la prison d’Evin afin de centraliser l’application de toutes les peines d’amputation prononcées à travers le pays.
Les victimes des amputations judiciaires en Iran sont dans leur immense majorité issues de milieux défavorisés et elles ne peuvent pas choisir leurs avocats. Il est extrêmement difficile pour les victimes et leurs familles de prévenir les organisations de défense des droits humains et les médias lorsque l’application d’une peine d’amputation est imminente, en raison des menaces de représailles de la part des autorités iraniennes, qui imposent le silence et le secret en ce qui concerne le prononcé et l’application des peines d’amputation.
Amnesty International renouvelle l’appel adressé aux autorités iraniennes pour qu’elles abolissent immédiatement, dans la loi et dans la pratique, toutes les formes de châtiment corporel. Elles doivent suspendre toutes les amputations qui sont programmées, et veiller à ce que Pouya Torabi, Sayed Barat Hosseini et toutes les autres victimes d’amputations judiciaires aient accès à des recours utiles et reçoivent réparation pour les préjudices subis, notamment sous forme de restitution, d’indemnisation et de réadaptation.
Complément d’information
En juin 2022, Amnesty International a tiré la sonnette d’alarme et signalé que les autorités iraniennes s’apprêtaient à amputer de leurs doigts huit autres hommes, dont Hadi Rostami, Mehdi Sharfian et Mehdi Shahivand.
Selon le Centre Abdorrahman Boroumand, depuis janvier 2000, les autorités ont amputé de leurs doigts au moins 131 hommes.
Les châtiments cruels et inhumains sont des actes de torture, interdits par l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel l’Iran est partie. Cependant, le Code pénal islamique iranien prévoit l’imposition à titre de sanction pénale de divers châtiments corporels constituant des actes de torture, notamment l’amputation, la flagellation, l’aveuglement, la crucifixion et la lapidation.
La législation iranienne indique que pour certains types de vols, les condamnés seront « amputés de quatre doigts de leur main droite afin qu’il ne subsiste que le pouce et la paume de la main ».
Elle prévoit qu’un médecin doit être présent lors de l’application des châtiments corporels, ce qui viole directement les lignes directrices en matière d’éthique et les normes internationales qui interdisent expressément la participation du personnel médical à des actes de torture.
Les autorités iraniennes défendent l’amputation en affirmant qu’il s’agit du meilleur moyen de dissuader les voleurs, et elles regrettent de ne pas pouvoir la pratiquer en public en raison de la condamnation de tels actes par la communauté internationale.