Communiqué de presse

Iran. Des prisonniers politiques appartenant à la minorité arabe ahwazie ne doivent pas être exécutés.

Il faut que la justice iranienne annule les condamnations à mort de cinq membres de la minorité arabe ahwazie d’Iran et annule leur exécution, ont déclaré Amnesty International et Human Rights Watch jeudi 24 janvier. Les peines, prononcées par un tribunal révolutionnaire, ont été confirmées par la Cour suprême le 9 janvier 2013.

Mohammad Ali Amouri, Sayed Jaber Alboshoka et son frère Sayed Mokhtar Alboshoka, Hashem Shabani Amouri et Hadi Rashidi (ou Rashedi) sont cinq militants du Khuzestan, une province située dans le sud-ouest de l’Iran et dont la population est majoritairement arabe. Un tribunal révolutionnaire a condamné ces cinq hommes à mort en juillet 2012, à l’issue d’un procès injuste, sur la base d’accusations liées au terrorisme. Le 18 janvier 2013, les autorités ont informé les familles rassemblées devant la prison de Karoun, à Ahvaz, une ville du sud-ouest du pays, que les cinq hommes avaient été transférés ailleurs. On ignore où ils se trouvent.

« Le transfert supposé de ces hommes vers un endroit inconnu est extrêmement inquiétant », a expliqué Ann Harrison, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. « En Iran, les condamnés à mort sont généralement placés à l’isolement avant d’être exécutés et nous craignons que les autorités ne procèdent sous peu à leur exécution. »

Les forces de sécurité ont arrêté les cinq hommes début 2011, avant la sixième commémoration des manifestations de grande ampleur de la communauté arabe ahwazie qui ont eu lieu en avril 2005. Mohammad Ali Amouri a été arrêté 20 jours après avoir été renvoyé de force en Iran par les autorités irakiennes. Il avait fui son pays en décembre 2007. Après son arrestation, il n’a pas été autorisé à recevoir de visite de sa famille pendant un mois. Des organisations de défense des droits humains ont reçu des informations indiquant que cet homme avait été soumis à des actes de torture physique et psychologique durant cette période.

Hadi Rashidi a été hospitalisé après son arrestation, peut-être à la suite d’actes de torture ou d’autres mauvais traitements. Selon certaines sources, il serait en mauvaise santé.

Des membres de la famille de Sayed Jaber et Sayed Mokhtar Alboshoka vivant hors d’Iran affirment que le premier a eu la mâchoire et des dents cassées en détention et que le second souffre de dépression et de pertes de mémoire consécutives à des actes de torture ou d’autres mauvais traitements.

En mai 2012, la chaîne d’information Al Arabiya a indiqué que des agents du ministère du Renseignement avaient forcé Hashem Shabani Amouri à «  avouer » un crime qu’il n’avait pas commis en versant sur lui de l’eau bouillante.

Un tribunal révolutionnaire a condamné ces hommes en juillet 2012 sur la base de chefs d’accusation liés à la sécurité nationale, formulés de manière vague et ne correspondant pas à des infractions dûment reconnues par le droit international. Ces hommes étaient notamment accusés de « rassemblement et collusion en vue de porter atteinte à la sécurité de l’État », « diffusion de propagande conte le régime », « inimitié à l’égard de Dieu » (moharebeh) et « corruption sur Terre » (ifsad fil-arz). Les deux derniers chefs d’accusation sont passibles de la peine de mort. D’après les articles 186 et 190-91 du Code pénal iranien, toute personne déclarée coupable d’avoir pris les armes contre l’État ou d’appartenir à une organisation prévoyant de s’en prendre au gouvernement peut être considérée comme étant coupable d’« inimitié à l’égard de Dieu » et encourt la peine capitale. On ignore pour quels actes précisément ces hommes ont été jugés.

Les cinq hommes sont des membres fondateurs d’Al Hiwar (« Dialogue », en arabe), un institut scientifique et culturel créé lorsque l’ancien président iranien, Mohammad Khatami, était au pouvoir, entre 1997 et 2005. Al Hiwar a organisé des séminaires, des cours de dessin et de formation, ainsi que des lectures de poèmes dans la ville de Ramshir (ou Khalafiye, en arabe). Al Hiwar a été interdit en mai 2005 par les autorités et nombre de ses membres ont été arrêtés depuis.

Des groupes iraniens de défense des droits des Arabes ahwazis continuent d’affirmer que les autorités ont extorqué des « aveux » aux cinq hommes en les soumettant à la torture et à des mauvais traitements et en leur refusant le droit de consulter un avocat ou de contacter leur famille pendant les neuf premiers mois de leur détention dans les bâtiments locaux du ministère du Renseignement. Selon certaines sources, les cinq hommes ont par la suite rejeté les accusations portées à leur encontre devant le tribunal.

L’article 38 de la Constitution iranienne interdit toutes les formes de torture « visant à obtenir des aveux ». Le Code pénal prévoit aussi des sanctions contre les représentants de l’État qui torturent les citoyens dans ce but. Cependant, malgré ces garanties légales et constitutionnelles concernant les déclarations extorquées sous la contrainte, des « aveux » forcés sont parfois diffusés à la télévision avant même la fin du procès et sont souvent retenus à titre de preuve par les tribunaux iraniens. Ces pratiques constituent une violation des obligations de l’Iran aux termes de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le pays est partie.

Depuis l’élection présidentielle contestée de 2009, les autorités iraniennes ont exécuté des dizaines de personnes pour moharebeh en raison de leurs prétendus liens avec des groupes armés ou terroristes. Un grand nombre de ces personnes étaient membres de minorités ethniques. Depuis mai 2011, les autorités ont exécuté au moins 12 Arabes ahwazis (11 hommes et un adolescent de 16 ans) en raison de leurs liens présumés avec des groupes impliqués dans des attentats contre les forces de sécurité.

Des militants des droits humains affirment qu’au moins six autres membres de cette communauté ont été torturés à mort alors qu’ils étaient sous la garde des forces de sécurité ou des services de renseignement. Ils avaient été arrêtés à la suite de manifestations antigouvernementales qui ont eu lieu dans toute la province en 2011 et 2012, au moment de l’anniversaire des troubles de 2005. D’après des militants kurdes, plus de 20 membres de la minorité kurde d’Iran sont sous le coup d’une condamnation à mort pour des infractions politiques. Parmi eux se trouvent Zaniar et Loghman Moradi, qui risquent d’être exécutés à tout moment.

En 2012, l’Iran a encore été l’un des pays ayant pratiqué le plus d’exécutions. Plus de 500 détenus ont été pendus, soit dans des prisons, soit en public. Amnesty International et Human Rights Watch s’opposent à la peine capitale en toutes circonstances en raison de la nature irréversible, cruelle et inhumaine de ce châtiment.

« Les autorités iraniennes doivent mettre un terme aux souffrances des familles de ces cinq hommes en les informant immédiatement du lieu où se trouvent leurs proches et en autorisant ces derniers à les voir et à consulter leurs avocats », a déclaré Eric Goldstein, directeur adjoint de Human Rights Watch pour le Moyen-Orient. « Ces hommes ne devraient en aucun cas être exécutés. »

Complément d’information

Sayed Jaber Alboshoka, est informaticien, il effectuait son service militaire en tant que simple soldat dans l’armée ; Sayed Mokhtar Alboshoka, travaillait pour une compagnie d’exploitation de carrières de pierre ; Hadi Rashidi, 26 ans, est titulaire d’un diplôme de Master en chimie appliquée et était professeur de chimie ; Hashem Shabani Amouri, 39 ans, était professeur de littérature arabe et étudiant en sciences politiques, il tentait d’obtenir un diplôme de Master à l’université ; Mohammad Ali Amouri, 34 ans, était ingénieur des pêches et instituteur.

Le gouvernement iranien affirme que ces cinq hommes font partie d’un groupe armé terroriste arabe responsable de coups de feu tirés contre plusieurs employés de gouvernement. En décembre 2011, une chaîne de télévision gouvernementale a diffusé les « aveux » de plusieurs d’entre eux, notamment Hadi Rashidi et Hashem Shabani Amouri, dans lesquels ils affirmaient être responsables d’attaques armées contre des responsables du gouvernement.

Des groupes de défense des droits humains ont déjà exprimé leurs préoccupations quant à l’état de santé de Hadi Rashidi, Hashem Shabani Amouri et d’autres militants arabes ahwazis détenus par les forces de sécurité et les services de renseignement. Ces groupes s’inquiètent d’autant plus du sort de ces hommes à la lumière des informations indiquant que quatre hommes appartenant à cette minorité auraient été exécutés en juin 2012 pour leur rôle supposé dans l’homicide d’un policier. Le 9 juin 2012, des responsables de la prison de Karoun, à Ahvaz, ont transféré Taha, Abbas et Abdul-Rahman Heidarian, tous frères, ainsi qu’un quatrième homme vers un lieu inconnu. Une semaine plus tard environ, les autorités ont informé les familles de ces hommes qu’ils avaient été exécutés.

L’émission de décembre 2011 montrant les « aveux » de Hadi Rashidi et de Hashem Shabani Amouri a aussi diffusé ceux de Taha Heidarian, qui « avouait » être impliqué dans l’homicide d’un représentant des forces de l’ordre en avril 2011, alors qu’avaient lieu des manifestations de grande ampleur au Khuzestan.

Plusieurs jours après l’apparition d’informations relatives à ces exécutions, des groupes iraniens de défense des droits fondamentaux des Arabes ahwazis ont fait circuler une vidéo prétendant montrer les quatre hommes, après leur arrestation par les forces de sécurité, en train de lire un appel adressé à Ahmed Shaheed, rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, le suppliant de leur sauver la vie. Il n’a pas été possible de vérifier l’authenticité de cette vidéo.

Les mécanismes de défense des droits humains de l’ONU ont condamné les exécutions des quatre hommes.

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit