Communiqué de presse

Iran. Halte à l’exécution de quatre membres de la minorité arabe Quatre Ahwazis condamnés à la pendaison à la suite de procès inéquitables

Le pouvoir judiciaire iranien doit bloquer l’exécution de quatre membres de la minorité arabe ahwazie d’Iran, en raison de graves violations des procédures, ont déclaré Amnesty International, le Centre iranien de documentation sur les droits humains (IHCRDC) et Human Rights Watch. Il doit ordonner un nouveau procès conforme aux normes internationales d’équité et excluant la peine de mort. Des proches et des militants ahwazis ont expliqué que les détenus avaient contacté leurs familles le 16 juillet 2013 et dit qu’ils craignaient que leur exécution ne soit imminente.

Selon les informations recueillies, les autorités ont maintenu les accusés, ainsi que trois autres personnes ayant reçu des peines de prison injustes, en détention préventive au secret pendant plusieurs mois. Elles leur ont refusé tout contact avec un avocat et ont harcelé et détenu des membres de leur famille. Le procès était entaché d’irrégularités et les condamnations étaient fondées sur des « aveux » obtenus sous la torture, selon les accusés. Aucune enquête sur ces allégations n’aurait été ordonnée par le tribunal.

« Sans même parler des condamnations à mort, l’absence d’avocats aux étapes clés de la procédure et les allégations crédibles d’« aveux » extorqués sous la contrainte jettent de sérieux doutes sur la légitimité du procès de ces Ahwazis, a déclaré Tamara Alrifai, directrice du programme Moyen-Orient chez Human Rights Watch. Le fait que le gouvernement ait un bilan effroyable concernant les droits de la minorité arabe ahwazie en Iran renforce l’absolue nécessité d’un procès équitable. »

Le tribunal a condamné Ghazi Abbasi, Abdul Amir Reza Khanafereh, Abdul Amir Mojaddami et Jasim Moghaddam Payam à mort pour les « crimes » (vaguement définis) de moharebeh (« inimitié à l’égard de Dieu ») et de ifsad fil-arz (« corruption sur Terre »). Ces accusations sont liées à une fusillade qui aurait entraîné la mort d’un policier et d’un soldat. Le tribunal a condamné trois autres accusés – Shahab Abbasi, Sami Jadmavinejad et Hadi Albokhanfarnejad – à trois ans de prison dans la ville d’Ardebil, dans le nord-ouest du pays, pour une implication de degré moindre dans la fusillade. Selon des lettres qui auraient été écrites par les accusés, le tribunal de première instance a rendu son jugement une semaine après un procès d’environ deux heures.

En avril 2005, certaines informations ont fait état de l’intention du gouvernement iranien de disperser les Arabes ahwazis de la zone et d’essayer de leur faire perdre leur identité ahwazie. Depuis, les forces de sécurité et les services de renseignement ciblent les militants arabes.

Après l’élection présidentielle contestée de 2009, les autorités iraniennes ont exécuté des dizaines de personnes en raison de leurs prétendus liens avec des groupes armés ou « terroristes ». Un grand nombre de ces personnes étaient membres de minorités ethniques. À la suite de troubles dans le Khuzestan en avril 2011, les organisations de défense des droits humains ont reçu des informations non confirmées selon lesquelles neuf membres de la minorité arabe ont été exécutés. En juin 2012, quatre autres ont été exécutés et, selon d’autres sources, cinq nouvelles personnes ont été mises à mort en avril 2013.

La première chambre du tribunal révolutionnaire d’Ahvaz, la capitale du Khuzestan, avait prononcé les sentences le 15 août 2012. La 32e chambre de la Cour suprême iranienne a confirmé les sentences en février 2013. Les tribunaux révolutionnaires sont autorisés à juger les affaires classées par la justice comme relevant de la politique et de la sécurité nationale. Les procès ont lieu à huis clos, et les procureurs et juges de ces tribunaux sont dotés depuis longtemps de pouvoirs discrétionnaires extraordinaires leur permettant de limiter ou d’empêcher l’intervention des avocats de la défense, notamment pendant la phase d’enquête préliminaire.

Les organisations de défense des droits humains ont pu lire la décision du tribunal révolutionnaire, qui a condamné les sept hommes pour les « crimes » à la définition vague de moharebeh (« inimitié à l’égard de Dieu ») et de ifsad fil-arz (« corruption sur Terre »). Le tribunal a également estimé que les défendeurs avaient mis en place un groupe « séparatiste ethnique » qui « a utilisé des armes afin de susciter la peur, de semer la panique et de perturber la sécurité publique. »

Aucun des accusés n’avaient d’antécédent judiciaire. Les sept hommes sont tous résidents de Shadegan (également appelée Fallahiya en arabe), une ville située à une centaine de kilomètres au sud d’Ahvaz.

Plusieurs lettres indiquent que les forces de sécurité et les services de renseignement ont maintenu les sept hommes en détention au secret pendant des mois, les ont soumis ainsi que des membres de leurs familles à des mauvais traitements pour obtenir des « aveux » et les ont jugés simultanément en une seule séance qui a duré moins de deux heures. Toujours selon ces lettres, aucun des six avocats n’a eu la possibilité de présenter une défense adéquate.

Dans une de ces lettres, un accusé déclare que, malgré l’absence de preuves, les agents du renseignement ont demandé au tribunal révolutionnaire de reconnaître ces hommes coupables de moharebeh et de ifsad fil-arz, et de les condamner à mort. Les accusés ont également écrit qu’aucun d’entre eux n’avait été interrogé avant le procès sur le prétendu groupe armé Kitaeb Al Ahrar, auquel ils appartiennent selon les autorités, alors que la justice a invoqué cette appartenance présumée comme base de la condamnation à mort.

Dans une plaidoirie critiquant la décision du tribunal de première instance, l’un des avocats dénonce notamment le fait que le tribunal n’a pas examiné les allégations de torture émanant des accusés.

Les organisations de défense de droits humains n’ont pas pu vérifier de manière indépendante l’authenticité des lettres, ni de la plaidoirie de la défense. Un ancien détenu ayant parlé aux organisations sous couvert d’anonymat a déclaré que, pendant environ deux semaines en 2011, il s’était trouvé à la prison de Karun, dans la même salle que les quatre condamnés à mort. Il a expliqué qu’Abdul Amir Reza Khanafereh et Ghazi Abbasi lui ont dit que, pendant leur détention sous la responsabilité du ministère du Renseignement à Ahvaz, des agents leur avait bandé les yeux, les avaient attachés sur un lit, allongés sur le ventre, et les avaient frappés à coup de câble sur le dos et les pieds pour les forcer à avouer qu’ils avaient utilisé des armes à feu.

Cet homme a également déclaré qu’il avait observé des marques noires autour des jambes et des chevilles d’Abdul Amir Reza Khanafereh et de Ghazi Abbasi. Ces derniers ont affirmé que ces marques avaient été provoquées par un dispositif d’électrocution utilisé au centre de détention du ministère du Renseignement. Le témoin a dit qu’il avait vu des marques similaires sur les jambes d’autres militants arabes au cours de sa détention à la prison de Karun. Il a ajouté qu’Abdul Amir Reza Khanafereh et Ghazi Abbasi lui ont dit qu’ils n’avaient pas le droit aux visites et avaient été détenus au secret par les fonctionnaires du ministère du Renseignement pendant des mois.

Le jugement, qui reposait essentiellement sur les prétendus « aveux » des accusés et des preuves indirectes, indiquait que les membres du groupe avaient participé, entre autres, à plusieurs fusillades visant des policiers et leurs biens, et que ces tirs avaient provoqué la mort d’au moins deux agents des forces de l’ordre.

La Cour suprême a confirmé la décision du tribunal de première instance et indiqué que les victimes étaient Behrouz Taghavi, un policier tué par balle devant une banque le 26 février 2009, et Habib Jadhani, un soldat appelé, abattu au printemps 2008. Le tribunal de première instance et la Cour suprême ont noté que certains des accusés s’étaient rétractés lors du procès en affirmant que leurs « aveux » avaient été obtenus sous la torture physique et psychologique. Les deux instances ont refusé de reconnaître la validité de ces rétractations. Aucune enquête sur ces allégations de torture ne semble par ailleurs avoir été ordonnée.

En vertu des articles 183 et 190-91 du Code pénal iranien, toute personne coupable d’avoir utilisé des « armes pour semer la terreur, ou susciter la peur ou violer la sécurité et les libertés publiques » peut être déclarée coupable de moharebeh ou de ifsad fil-arz. Les châtiments correspondant à ces « crimes » comprennent la pendaison.

« Il est odieux d’envisager de mettre à mort ces quatre Ahwazis après un procès où les garanties fondamentales comme les droits de la défense ont été méprisées de façon flagrante et des allégations de torture et de mauvais traitements ont été ignorées, a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. Les accusés doivent au moins bénéficier d’un nouveau procès et avoir la possibilité de se défendre correctement devant le tribunal. Si tel n’était pas le cas, ces hommes pourraient être exécutés pour un crime qu’ils n’ont pas commis. »

L’article 38 de la Constitution iranienne interdit toutes les formes de torture « visant à obtenir des aveux ». Le Code pénal prévoit aussi des sanctions contre les représentants de l’État qui torturent les citoyens dans ce but. Cependant, malgré ces garanties légales et constitutionnelles concernant les déclarations extorquées sous la contrainte, des « aveux » forcés sont parfois diffusés à la télévision avant même la fin du procès et sont souvent retenus à titre de preuve par les tribunaux iraniens. Ces pratiques constituent une violation de l’article 14 (présomption d’innocence) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Iran est partie, ainsi que d’autres normes en matière d’équité des procès.

Le PIDCP garantit le droit de toute personne accusée d’une infraction à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et à communiquer avec le conseil de son choix. Le Comité des droits de l’homme de Nations unies a souligné : « Dans le cas de procès qui aboutissent à une condamnation à mort, le respect scrupuleux des garanties d’un procès équitable est particulièrement important. »

Depuis le 14 juin, date des dernières élections présidentielle et locales, des sources officieuses et officielles ont fait état d’au moins 71 exécutions . En 2012, l’Iran a encore été l’un des pays ayant pratiqué le plus d’exécutions. Plus de 500 détenus ont été pendus, soit dans des prisons, soit en public.

« Quatre hommes risquent la potence parce qu’un juge a ignoré leurs déclarations indiquant que leurs aveux avaient été obtenus sous la contrainte, a déclaré Gissou Nia, directrice exécutive du Centre iranien de documentation sur les droits humains (IHCRDC). Ces hommes méritent au minimum un procès équitable et une enquête impartiale sur les mauvais traitements qu’ils disent avoir subis. »

Si vous souhaitez prendre connaissance des documents publiés par Human Rights Watch sur l’Iran, rendez-vous à l’adresse suivante :
http://www.hrw.org/en/middle-eastn-africa/iran.

Pour plus d’informations d’Amnesty International sur l’Iran, rendez-vous à l’adresse suivante :
http://www.amnesty.be/iran.

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