Iran. L’annulation de la condamnation à mort prononcée contre une mineure délinquante met en évidence la nécessité d’une réforme judiciaire


Déclaration publique

MDE 13/002/2007

La condamnation à mort qui pesait sur Mahabad Fatehi, connue sous le nom de Nazanin, dix-neuf ans, a été annulée par le jugement rendu lors de son nouveau procès. Cette affaire souligne à quel point il est urgent de réformer le système judiciaire en Iran afin que la peine capitale ne soit plus prononcée contre des personnes accusées de crimes commis alors qu’elles n’avaient pas dix-huit ans.

Le 14 janvier 2006, les juges d’un tribunal pénal de Téhéran ont innocenté Nazanin Fatehi de l’accusation de meurtre prémédité, quelques jours après l’audience qui s’est tenue le 10 janvier. Ils lui ont ordonné de payer la Diya (prix du sang) à la famille de l’homme qu’elle a tué en état de légitime défense en mars 2005. Elle avait été condamnée à mort pour cet homicide en janvier 2006. En raison des protestations internationales, notamment relayées par Nazanin Afshin-Jam, reine de beauté canadienne d’origine iranienne, sa condamnation avait été annulée par la Cour suprême en mai 2006 et son affaire renvoyée pour être rejugée.

Dans une autre affaire, le musicien Sina Paymand, condamné à mort pour le meurtre d’un autre adolescent alors qu’il était âgé de seize ans, aurait bénéficié d’un sursis ordonné par le responsable du pouvoir judiciaire. En septembre 2006, quelques jours après son 18e anniversaire, Sina Paymand devait être exécuté ; alors qu’il se trouvait sur la potence, il a joué de la ney (flûte moyen-orientale), sa dernière volonté. Les proches de la victime ont été si émus par sa musique qu’ils lui ont accordé un sursis de dernière minute. Son exécution a été repoussée de deux mois afin que les deux parties puissent trouver un accord. Mais la famille de la victime a exigé 150 millions de toumans (plus de 123 000 euro) comme paiement de la Diya, somme que la famille de Sina Paymand n’est pas en mesure de verser. Sina Paymand risque donc toujours d’être exécuté. En outre, son avocat a demandé un réexamen de son cas en novembre 2006, après avoir présenté de nouveaux éléments prouvant que le tribunal n’avait pas suffisamment pris en compte les éléments de preuve selon lesquels ce garçon souffrait de troubles mentaux.

Au moins 23 autres mineurs délinquants se trouveraient dans le quartier des condamnés à mort en Iran. Voici leurs noms et leurs âges (le cas échéant) à l’époque des faits dont ils sont accusés :

1- Beniamin Rasouli, 17
2- Hossein Toranj, 17
3- Hossein Haghi, 17
4- Morteza Feizi, 16
5- Saeed Jazee, 17
6- Ali Mahin Torabi, 16
7- Milad Bakhtiari, 16
8- Farshad Saeedi, 17
9- Mostafa, 16
10- Mahmoud, 17
11- Saber
12- Hamid, 17
13- Sajjad, 17
14- Farzad, 15
15- Hossein Gharabaghloo, 16
16- Asghar, 16
17- Iman, 17
18- Nemat, 15
19- Mohammad Mousavi,
20- Delara Darabi, 17
21- Hamzeh S, 17
22- Shahram Pourmansouri, 17
23- Hedayat Niroumand, 15

En tant qu’État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et à la Convention relative aux droits de l’enfant, l’Iran s’est engagé à ne pas exécuter des délinquants pour des infractions commises alors qu’ils n’avaient pas dix-huit ans. Pourtant, depuis 1990, Amnesty International a recensé 21 exécutions de mineurs délinquants dans ce pays. En 2006, l’Iran et le Pakistan étaient les seuls pays du globe à poursuivre cette pratique (bien que le Pakistan ait promulgué en 2000 l’Ordonnance relative à la justice pour mineurs, qui a aboli la peine capitale dans la majeure partie du pays pour les personnes âgées de moins de dix-huit ans au moment des faits reprochés). D’après la Kurdistan Human Rights Organization (Organisation de défense des droits humains du Kurdistan), Naser Batmani, vingt-deux ans, a été pendu fin décembre 2006 dans la prison de Sanandaj pour un meurtre commis alors qu’il n’avait pas dix-huit ans. Il semble que les autorités gardent les mineurs condamnés à mort derrière les barreaux jusqu’à leur 18e anniversaire, avant de procéder à leur mise à mort.

Depuis plusieurs années, les autorités iraniennes envisagent d’adopter une loi interdisant l’imposition de la peine capitale contre des personnes âgées de moins de dix-huit ans au moment des faits qui leur sont reprochés. Un projet de loi prévoyant la création de tribunaux spéciaux pour les enfants et les adolescents aurait été adopté par le Majlis-e Shoura-e Islami (Assemblée consultative islamique) au cours de l’été 2006, mais n’aurait toujours pas été approuvé par le Shoura-e Nigahban (Conseil des gardiens), chargé de s’assurer de la conformité des lois iraniennes avec les principes islamiques.

En janvier 2005, le Comité des droits de l’enfant (CDE), organe chargé de surveiller l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant par les États parties, a exhorté l’Iran à suspendre immédiatement toutes les exécutions de personnes reconnues coupables de crimes commis alors qu’elles n’avaient pas dix-huit ans et à ne plus recourir à la peine de mort contre des mineurs.

Le 9 décembre 2005, Philip Alston, rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires auprès de la Commission des droits humains des Nations unies, a déclaré : « Alors que la quasi-totalité des pays du globe ont renoncé clairement et fermement à exécuter des personnes pour des crimes commis alors qu’elles étaient mineures, l’attitude de l’Iran est tout à fait inacceptable… Elle est d’autant plus surprenante que l’obligation de ne pas procéder à ces exécutions est explicite et indéniable, et que le gouvernement iranien lui-même a affirmé qu’il mettrait fin à cette pratique. »

Tout en se félicitant de l’annulation de la condamnation à mort prononcée contre Nazanin Fatehi et du sursis accordé à Sina Paymand, Amnesty International demande instamment aux autorités iraniennes de commuer immédiatement toutes les peines capitales prononcées contre des mineurs délinquants et de prendre de toute urgence les mesures nécessaires afin d’abolir la peine de mort pour tous les mineurs délinquants, conformément aux obligations qui incombent à l’Iran, partie au PIDCP et à la Convention relative aux droits de l’enfant.

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