Iran. L’exécution du mineur délinquant Makwan Moloudazdeh vide la justice de son sens

Déclaration publique

MDE 13/141/200

Amnesty International condamne l’exécution de Makwan Moloudazdeh, intervenue le 4 décembre 2007 à l’issue d’un procès entaché d’irrégularités pour une infraction que ce Kurde iranien était soupçonné d’avoir commise alors qu’il était âgé de treize ans. L’exécution d’une personne pour un crime commis à l’âge de treize ans constitue une violation flagrante des normes internationales relatives aux droits humains, qui interdisent l’exécution de toute personne pour une infraction commise avant l’âge de dix-huit ans.

Au cours de la seule année 2007, les autorités iraniennes ont exécuté au moins cinq autres mineurs délinquants, et 75 autres au moins sont en attente de leur exécution.

Makwan Moloudazdeh, vingt et un ans, avait été déclaré coupable de lavat-e iqabi (relations anales) lors du viol présumé de trois personnes il y a huit ans, alors qu’il était âgé de treize ans.

Au titre de l’article 49 du Code pénal, les mineurs – toute personne n’ayant pas atteint la maturité (puberté) selon la définition du droit islamique – sont exempts de responsabilité pénale. Aux termes de l’article 1210 du Code civil, les garçons entrent dans la puberté à l’âge de quinze ans selon le calendrier lunaire (environ quatorze ans et sept mois), une disposition qui laisse, semble-t-il, la possibilité aux juges d’estimer l’âge de la maturité au cas par cas. L’article 113 du Code pénal iranien prévoit une peine maximale de 74 coups de fouet pour un mineur reconnu coupable de rapport anal.

Le procès de Makwan Moloudazdeh a été entaché d’irrégularités. Les victimes présumées ont retiré leurs accusations au cours du procès qui s’est tenu devant le tribunal pénal de Kermanshah, avec des audiences à Paveh, dans l’ouest du pays, en juillet 2007 ; elles auraient déclaré avoir menti précédemment ou avoir été contraintes de « faire des aveux ». Pour condamner Makwan Moloudazdeh à mort, le juge s’est appuyé sur sa « connaissance » du fait qu’il pouvait juger Makwan Moloudazdeh comme un adulte et de ce que l’infraction présumée avait bien été commise, comme l’y autorise le droit iranien.

Selon l’article 120 du Code pénal, dans les affaires de relations anales entre hommes, le juge peut former son jugement en fonction de sa « connaissance », qu’il a obtenue par des méthodes conventionnelles.

En juillet 2007, le juge présidant le tribunal condamnait à mort Makwan Moloudazdeh alors que celui-ci était âgé de moins de quinze ans selon le calendrier lunaire au moment des faits, et en l’absence de tout certificat médical attestant qu’il était pubère à ce moment-là.

L’Iran est État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Convention sur les droits de l’enfant, qui exigent tous deux des autorités qu’elles n’exécutent pas les mineurs délinquants –c’est à dire les personnes âgées de moins de dix-huit ans à l’époque des faits qui leur sont reprochés. Le Comité des droits de l’enfant, organisme indépendant chargé de surveiller la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant par les États, a exprimé son inquiétude au sujet du processus de détermination, par les juges, de la responsabilité pénale des mineurs délinquants, en raison du poids attaché par les juges à des critères subjectifs et arbitraires tels que l’entrée dans la puberté, l’âge de discernement ou la personnalité du mineur.

Amnesty International appelle le chef du pouvoir judiciaire en Iran, l’ayatollah Shahroudi, à revoir de toute urgence les méthodes employées par les autorités judiciaires dans cette affaire, qui s’est conclue par la condamnation à mort et l’exécution de Makwan Moloudazdeh. Les autorités iraniennes doivent respecter les engagements internationaux de l’Iran et ne plus exécuter les mineurs délinquants.

Complément d’information

Makwan Moloudazdeh a été arrêté le 1er octobre 2006 à Paveh, dans l’ouest de l’Iran. En juillet 2007, il a été jugé et condamné à mort par un tribunal pénal à Kermanshah. Au cours de son procès, Makwan Moloudazdeh n’aurait eu de cesse de clamer son innocence. Auparavant, il avait déclaré que lors de sa détention aux mains des services de sécurité il avait été maltraité lors des interrogatoires et avait alors « avoué » avoir eu une relation sexuelle avec un garçon en 1999. Ni le tribunal en charge de l’affaire ni les autorités iraniennes se semblent avoir ouvert d’enquête sur ces allégations de mauvais traitements, pas plus que sur les allégations des personnes ayant témoigné contre Makwan Moloudazdeh et qui ont déclaré avoir été forcées à faire de faux témoignages. La Cour suprême a rejeté l’appel de Makwan Moloudazdeh le 1er août ou dans les jours qui ont précédé ou suivi cette date. Le chef du pouvoir judiciaire a visiblement approuvé la condamnation et l’affaire a été soumise au Bureau de l’application des peines entre août et octobre.

En novembre, l’avocat de Makwan Moloudazdeh a essayé d’obtenir une enquête judiciaire afin de permettre une révision du jugement et de la condamnation. Le 14 novembre, l’exécution a été temporairement reportée afin de permettre un réexamen de l’affaire. Cependant, ce réexamen n’a décelé aucune irrégularité dans le jugement et la condamnation et, le 4 décembre, Makwan Moloudazdeh a été exécuté.

Au moins 75 mineurs délinquants sont en attente de leur exécution en Iran. Amnesty International craint en outre qu’une quinzaine d’Afghans reconnus coupables d’infractions liées au trafic de stupéfiants auxquelles ils auraient participé alors qu’ils étaient âgés de moins de dix-huit ans, ne soient ou n’aient déjà été condamnés à mort.

Pour plus d’informations concernant les préoccupations d’Amnesty International face aux exécutions de mineurs délinquants en Iran, voir :
Iran : The last executioner of children , MDE 13/059/2007, juin 2007, disponible en anglais à l’adresse suivante : HYPERLINK "http://web.amnesty.org/library/index/engmde130592007" http://web.amnesty.org/library/index/engmde130592007.

La flagellation est un châtiment cruel, inhumain et dégradant qui s’apparente à un acte de torture.

Selon certaines informations, la présence militaire dans la ville de Paveh aurait été renforcée en prévision de manifestations de protestation de la part des habitants.

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