IRAN. Le meurtrier de Neda doit être traduit en justice

EFAI-samedi 19 juin 2010 à 14h01 TU

Un an après l’homicide de Neda Agha Soltan, le manque de détermination des autorités iraniennes à traduire son meurtrier en justice illustre de manière accablante la culture de l’impunité qui s’est généralisée depuis les manifestations ayant suivi l’élection de 2009, a déclaré Amnesty International.

Neda Agha Soltan, alors âgée de 27 ans, a été abattue dans le centre de Téhéran le 20 juin 2009 alors qu’elle quittait une manifestation pacifique. L’enregistrement vidéo de ses derniers instants, alors que des passants lui venaient en aide sur le trottoir, a fait le tour du monde. Neda est devenue le symbole du mouvement de protestation.

« Le meurtre de Neda est emblématique des nombreuses violations des droits humains dont les Iraniens ont été victimes au cours de l’année 2009 – et qui se poursuivent – mais aussi du refus tenace du gouvernement de déférer à la justice les responsables d’actes de torture et d’homicides ciblant ses détracteurs », a indiqué Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

Faisant fi des nombreuses preuves vidéos et des témoins, les autorités iraniennes n’ont pas mené d’enquête indépendante sur le meurtre de Neda, pas plus que sur les nombreux cas de personnes mortes semble-t-il aux mains des forces du gouvernement entre juin et décembre 2009. Elles ont nié les allégations selon lesquelles les bassidjis (miliciens volontaires) étaient responsables de la mort de Neda et ont préféré blâmer diverses personnes et organisations, dont la BBC, CNN, la CIA et même le médecin qui s’est précipité pour secourir Neda lorsqu’on lui a tiré dessus.

« La réponse du gouvernement au meurtre de Neda s’est bornée à une cynique tentative visant à sauvegarder les apparences, a déploré Hassiba Hadj Sahraoui. Elle illustre tristement l’incapacité plus générale des autorités iraniennes à respecter l’état de droit et à garantir l’obligation de rendre des comptes pour les crimes qui sont commis en leur nom. »

Amnesty International a une nouvelle fois appelé le gouvernement iranien à autoriser la tenue d’une enquête indépendante sur les morts et les atteintes aux droits humains qui ont émaillé les manifestations, et notamment une enquête sur le meurtre de Neda.

L’organisation demande également que des experts des Nations unies spécialisés dans les droits humains puissent se rendre en Iran. Malgré une invitation permanente délivrée par le gouvernement aux Nations unies, aucun expert spécialisé dans les droits humains n’a été autorisé à se rendre en Iran depuis 2005. Au moins cinq requêtes déposées en ce sens demeurent sans réponse.

«  Les autorités doivent comprendre que ce n’est pas en occultant les preuves mettant en cause leur responsabilité qu’ils feront taire les Iraniens, qui continuent d’exiger que la lumière soit faite sur la mort de Neda et de bien d’autres et que justice leur soit rendue », a conclu Hassiba Hadj Sahraoui.

Complément d’information

L’assassin présumé de Neda Agha Soltan a été brièvement retenu sur les lieux du crime par les manifestants, mais les autorités judiciaires ont ignoré les informations relatives à son identité. Cet homme détenait semble-t-il une carte des bassidjis, force paramilitaire à laquelle les autorités ont largement fait appel pour réprimer les manifestations. Selon des témoins, l’homme a crié « Je ne voulais pas la tuer ».

Les décès de près de 80 personnes – voire beaucoup plus – pendant et après les manifestations, y compris des suites de torture en détention, n’ont pour la plupart donné lieu à aucune investigation. Aucune enquête indépendante n’a été menée sur le recours excessif à la force, le viol et d’autres formes de torture en détention. En revanche, les autorités ont menacé ceux qui dénonçaient les violations, arrêté ceux qui souhaitaient faire éclater la vérité et se sont efforcées de jeter le discrédit sur ceux qui ont essayé de produire des éléments de preuve.

Les enquêtes sur les atteintes aux droits humains post-électorales, lorsqu’elles ont eu lieu, se sont avérées insuffisantes, ont manqué de transparence et ont tenté de faire de fonctionnaires subalternes les boucs émissaires des violences commises.

La campagne en faveur de l’obligation de rendre des comptes pour les atteintes aux droits humains post-électorales est menée par les Mères en deuil, un groupe de mères dont les enfants ont été tués, incarcérés ou ont disparu dans le cadre des violences qui ont suivi l’élection.

Le rapport publié en juin 2010 par Amnesty International sous le titre Iran : From protest to prison : Iran one year after the election fait état d’une répression croissante contre la dissidence, qui fait que des journalistes, des étudiants, des militants politiques, des défenseurs des droits humains et des dignitaires religieux languissent en prison.

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