IRAN - Une enquête doit être menée sur la mort d’un prisonnier d’opinion baha’i

Index AI : MDE 13/004/2006

DÉCLARATION PUBLIQUE

Amnesty International a écrit au responsable de la justice en Iran pour lui faire part de son inquiétude face aux brimades dont continue d’être victime la communauté baha’i du pays, et lui demander de veiller à ce que nul ne soit emprisonné en raison de son identité religieuse ou culturelle ou de ses actions pacifiques en faveur de la communauté baha’i.

L’organisation a exprimé sa grande tristesse à l’annonce de la mort en détention de Dhabihullah Mahrami, prisonnier d’opinion baha’i incarcéré depuis dix ans uniquement en raison de sa foi. Amnesty International a demandé instamment aux autorités iraniennes l’ouverture d’une enquête approfondie et impartiale sur la cause et les circonstances de cette mort.

Dhabihullah Mahrami avait été arrêté en 1995 et condamné à la peine capitale pour apostasie en 1996. Sa condamnation à mort avait été commuée en peine de réclusion à perpétuité en 1999. Amnesty International l’avait adopté comme prisonnier d’opinion en 1996 et avait mené campagne pour qu’il soit remis en liberté de manière immédiate et inconditionnelle. Amnesty International lui avait consacré un rapport en 1996 sous le titre Iran. Dhabihullah Mahrami, prisonnier d’opinion (index AI : MDE 13/034/1996).

Selon certaines sources, Dhabihullah Mahrami a été retrouvé mort dans sa cellule de la prison de Yazd le 15 décembre 2005. Il serait décédé d’une crise cardiaque, selon les informations communiquées à sa famille, à laquelle a été remis le corps. Il a depuis été enterré. Toutefois, Dhabihullah Mahrami semblait en bonne santé peu de temps avant sa mort et ne souffrait d’aucune pathologie cardiaque connue, bien qu’ayant été contraint à des travaux pénibles physiquement pendant qu’il était en prison, ce qui pourrait avoir contribué à sa mort. Des informations ont indiqué également qu’il aurait reçu des menaces de mort.

Dans sa lettre à l’ayatollah Mahmoud Hashemi Shahroudi, responsable du pouvoir judiciaire iranien, Amnesty International a demandé instamment que toute enquête sur la mort en détention de Dhabihullah Mahrami soit menée conformément aux Principes des Nations unies relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d’enquêter efficacement sur ces exécutions [1], et que toute personne soupçonnée d’être responsable de sa mort soit poursuivie et jugée équitablement dans un délai raisonnable.

Amnesty International a également critiqué le harcèlement, apparemment en hausse, à l’encontre de la communauté baha’i, dont 66 membres ont été arrêtés depuis le début de l’année 2005 en raison semble-t-il de leur identité baha’i ou de leur action pacifique en faveur de la communauté baha’i d’Iran. La plupart ont été remis en liberté mais neuf personnes au moins seraient toujours en prison dont Mehran Kawsari et Bahram Mashhadi condamnés respectivement à trois et un an de prison, pour avoir adressé une lettre à l’ancien président Sayed Mohammad Khatami demandant que soit mis un terme aux violations des droits fondamentaux des Baha’is. Six parmi les sept autres personnes - Afshin Akram, Shahram Boloori, Vaheed Zamani, Mehraban Farman-Bordari, Sohrab Hamid et Hooshang Mohammad-Abadi - ont été arrêtées le 8 novembre 2005 mais aucune d’entre elles, pas plus que le neuvième homme, Behrooz Tavakkoli, n’aurait été inculpée ni jugée. Amnesty International pense qu’il pourrait s’agir de prisonniers d’opinion qui devraient être remis en liberté sans délai et sans condition.

Par ailleurs, des Baha’is auraient été agressés par des inconnus au cours des derniers mois, et des cimetières et lieux saints baha’is, profanés et détruits. Des Baha’is ont eu leur demeure confisquée par les autorités. Les Baha’is sont soumis de manière générale à des lois et des règlements qui limitent leur accès à l’emploi et à certains avantages sociaux comme les retraites. Depuis de nombreuses années, les jeunes Baha’is ne peuvent accéder à l’enseignement supérieur, les candidats ayant été tenus officiellement de faire état de leur loyauté à l’islam ou à l’une des trois autres religions reconnues. Bien que cette obligation n’ait pas été maintenue, les dossiers de candidats baha’is leur ont été retournés avec la mention « musulman » dans la case « religion », dans le but évident de les persuader de renier leur foi s’ils voulaient augmenter leur chance d’accéder à l’enseignement supérieur. En 2004, en dépit des promesses de retrait de cette mention, seuls dix des 800 candidats baha’is environ qui remplissaient les conditions pour entrer à l’université ont finalement été admis. Les dix jeunes gens ont renoncé à suivre les cours de l’université pour protester contre l’exclusion de leurs camarades.

Amnesty International a demandé instamment aux autorités iraniennes de prendre des mesures pour que personne en Iran, y compris les personnes appartenant à des minorités religieuses non reconnues, ne soit emprisonné ou victime de discrimination en raison de sa foi ou de ses activités religieuses pacifiques.

Notes

[1Le Principe 9 des Principes relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d’enquêter efficacement sur ces exécutions (recommandés par le Conseil économique et social dans sa résolution 1989/65 du 24 mai 1989), dispose :
« Une enquête approfondie et impartiale sera promptement ouverte dans tous les cas où l’on soupçonnera des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires, y compris ceux où des plaintes déposées par la famille ou des informations dignes de foi donneront à penser qu’il s’agit d’un décès non naturel dans les circonstances données. Il existera à cette fin des procédures et des services officiels d’enquête dans les pays. L’enquête aura pour objet de déterminer la cause, les circonstances et le jour et l’heure du décès, le responsable et toute pratique pouvant avoir entraîné le décès, ainsi que tout ensemble de faits se répétant systématiquement. Toute enquête devra comporter une autopsie adéquate, le rassemblement et l’analyse de toutes les preuves physiques ou écrites et l’audition des témoins. L’enquête distinguera entre les morts naturelles, les morts accidentelles, les suicides et les homicides. »

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