Communiqué de presse

Israël doit libérer un prisonnier d’opinion palestinien et mettre un terme à la détention arbitraire de plusieurs centaines d’autres Palestiniens

Le 21 avril 2013, cela a fait deux ans que le Palestinien Ahmed Qatamesh est détenu par les autorités israéliennes alors qu’il n’a jamais été jugé, ni inculpé d’une quelconque infraction dûment reconnue par la loi. Amnesty International considère cet homme comme un prisonnier d’opinion, détenu uniquement pour avoir exprimé de manière pacifique ses opinions politiques, et elle demande qu’il soit libéré immédiatement et sans condition.

Il est l’un des quelque 160 Palestiniens actuellement détenus par les autorités d’Israël en vertu d’ordres de détention administrative. Ces mesures permettent de détenir des personnes pour une durée illimitée sur la base de preuves tenues secrètes, que les procureurs militaires ne dévoilent pas à la personne détenue ni à son avocat. Les détenus se voient ainsi refuser le droit fondamental de se défendre eux-mêmes. L’organisation exhorte à nouveau le gouvernement israélien à cesser de recourir à la détention administrative et à libérer toutes les personnes soumises à cette forme de détention, à moins qu’elles ne soient dans les meilleurs délais inculpées d’infractions pénales prévues par la loi et jugées conformément aux normes internationales d’équité [1].

Ahmad Qatamesh est un universitaire et écrivain qui s’est exprimé en public, oralement et par écrit, sur des questions politiques et culturelles et qui a appelé à la création d’un État unique comme solution au conflit israélo-palestinien. Il n’y a aucune raison apparente de le maintenir en détention. De l’avis d’Amnesty International, le but de sa détention est d’empêcher la diffusion de ses opinions et de dissuader d’autres militants palestiniens de gauche de mener des activités politiques.

Sa détention administrative actuelle prend fin le 28 avril mais elle peut être renouvelée un nombre illimité de fois. À l’issue d’une audience qui a eu lieu le 13 février, un tribunal militaire a rejeté le recours qu’il avait introduit contre l’actuel ordre de détention. Son avocat a fait appel contre ce rejet auprès de la Haute Cour de justice d’Israël, qui l’a elle aussi débouté en avril. Aucun de ces deux jugements n’a été motivé.

Son calvaire a commencé le 21 avril 2011 à deux heures du matin, lorsqu’il a été arrêté chez son frère, à Ramallah, par les forces de sécurité israéliennes. Ne le trouvant pas chez lui, les forces de sécurité ont enfoncé la porte des voisins, pour le chercher. Sa fille affirme que les agents ont braqué une arme sur elle et lui ont ordonné de téléphoner à son père. Ahmad Qatamesh aurait lui-même indiqué aux agents comment arriver jusqu’à la maison de son frère. Ceux-ci n’ont fait mine de vouloir fouiller aucune des deux maisons.

Depuis, il n’a été interrogé que pendant 10 minutes, par l’Agence israélienne de sécurité (AIS). Celle-ci affirme qu’il est membre de l’aile politique du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) et qu’il constitue une menace pour la sécurité. Il déclare lui-même qu’il n’a pas été mêlé au FPLP depuis 14 ans, même si dans les années 1990 il le soutenait intellectuellement et politiquement.

En juin 2011, lorsqu’il avait fait appel devant le tribunal militaire, il avait demandé à connaître toutes les informations contre lui dont disposait le tribunal. Il avait dit : « Je suis maintenant en état d’arrestation et j’ignore pourquoi... Je ne représente aucun danger pour la sécurité. Pensez-vous que je sois votre ennemi ? Cela vous est égal de savoir que, pour moi, la solution réside dans la création d’un État démocratique unique ? Voulez-vous que je vous présente 100 Israéliens qui soutiennent cette même idée ? »

Son épouse a dit à Amnesty International que cela aurait été plus facile pour sa famille s’il avait été condamné à trois années d’emprisonnement. La nature même de la détention administrative est telle que les détenus et leurs proches vivent dans une incertitude permanente : souvent, lorsqu’un ordre arrive à échéance, l’arrivée d’un nouvel ordre de détention anéantit leurs espoirs.

En plus d’être détenu sans inculpation, Ahmad Qatamash, tout comme d’autres détenus et prisonniers palestiniens, est soumis à d’autres mesures punitives. Ainsi, seule sa fille peut le voir régulièrement – les personnes qui résident en Cisjordanie occupée éprouvent des difficultés énormes pour obtenir des autorisations de visite à leurs proches détenus.

Au début de 2013 il a été transféré de la prison d’Ofer en Cisjordanie occupée à celle de Ramon, dans le sud d’Israël. Le 22 avril 2013, sa fille a fait un voyage de 13 heures, aller-retour, pour ne passer que 45 minutes auprès de lui, dans la prison de Ramon. Sa femme a dit à Amnesty International qu’il a été transféré à la suite d’un mouvement de révolte dans les prisons et centres de détention en Israël, déclenché par la mort d’un jeune détenu Palestinien. Celui-ci, Arafat Jaradat, âgé de 30 ans, est mort dans des circonstances suspectes à la prison de Megiddo le 23 février 2013 [2].

De plus, le fait qu’Ahmad Qatamesh soit détenu en Israël est contraire à la Quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, qui dispose que les détenus issus de la population d’un territoire occupé doivent être détenus dans ce même territoire. Ahmad Qatamesh est maintenant âgé de 62 ans et sa santé se dégrade – il souffre actuellement, selon son épouse, de nausées et de vertiges dont les causes n’ont pas été diagnostiquées. Il a demandé à voir un médecin indépendant, mais cette demande lui a été refusée par les autorités de la prison. Or, l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus [ONU] dispose que les détenus non jugés doivent être autorisés à recevoir la visite et les soins de leur propre médecin si la demande est raisonnablement fondée. De plus, l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement [ONU] dispose que les détenus ont « le droit de demander à une autorité judiciaire ou autre un deuxième examen médical ou une deuxième opinion médicale ».

Complément d’information

Ahmad Qatamesh avait été arrêté par les FDI en 1992. Au bout de plus d’un an, il avait été placé en détention administrative après qu’un juge eut ordonné sa libération sous caution. Il avait finalement été libéré en avril 1998. Après sa libération, il avait raconté son expérience, y compris les actes de torture et les mauvais traitements qu’il déclare avoir subis, dans un ouvrage intitulé I shall not wear your tarboosh.

Depuis 2012, plusieurs centaines de Palestiniens, détenus administratifs et prisonniers condamnés, ont mené de longues grèves de la faim pour protester contre la détention sans inculpation et d’autres mesures punitives prises à leur encontre par les autorités, telles que la détention à l’isolement et l’interdiction de recevoir des visites de proches ou de consulter un médecin indépendant. En même temps et régulièrement, d’autres Palestiniens ont manifesté en Cisjordanie pour demander la libération des Palestiniens condamnés ou en détention administrative et une amélioration de leurs conditions de vie.

À la suite d’un accord conclu avec les autorités israéliennes sous médiation égyptienne, quelque 2 000 prisonniers palestiniens ont cessé le 14 mai 2012 leur grève de la faim collective, entamée pour protester contre les mauvaises conditions carcérales, les placements à l’isolement, le fait de ne pas pouvoir voir leurs familles et la détention administrative. Certains Palestiniens en détention administrative ont finalement été relâchés, mais d’autres sont maintenus en détention.

Samer al Barq, 38 ans, a entamé une quatrième grève de la faim en février 2013. Il demeure en détention administrative. Les autorités lui avaient pourtant assuré qu’il serait relâché pour aller en Égypte, d’où il aurait pu se rendre au Pakistan pour rejoindre sa femme. Pendant l’une de ses grèves de la faim, Samer al Barq était attaché à son lit d’hôpital à certains moments. Il a déclaré à des avocats qu’il avait été frappé et insulté par des surveillants. Il s’est régulièrement vu refuser tout droit de consulter des médecins indépendants et de recevoir les soins spécialisés dont il avait besoin.

Samer Issawi est détenu depuis le 7 juillet 2012 par les autorités israéliennes, qui affirment qu’il a violé les conditions entourant sa libération dans le cadre d’un échange de prisonniers en octobre 2011, sans dire lesquelles. Il purgeait une peine de 30 années d’emprisonnement pour détention d’armes et entraînement de groupes militaires à Jérusalem. Il a entamé une grève de la faim le 1er août pour protester contre le refus d’une commission militaire israélienne d’expliquer, à son avocat ou à lui-même, les raisons de sa détention ; à plusieurs reprises, il s’est vu refuser les soins qui conviennent aux grévistes de la faim lorsqu’ils se trouvent à un stade avancé de leur action. Des médias ont rapporté qu’il a mis fin à sa grève après la conclusion d’un accord avec les autorités, signé le 23 avril 2013 et prévoyant sa libération le 23 décembre 2013.

Notes

[2D’après les déclarations faites à Amnesty International par la famille et l’avocat d’Arafat Jaradat et par des avocats qui l’ont vu devant le tribunal militaire avant sa mort, et d’après le compte rendu d’un spécialiste de police scientifique présent lors de l’autopsie, le fait que le jeune homme soit peut-être mort des suites de torture ou d’autres mauvais traitements alors qu’il était entre les mains des autorités israéliennes est source de graves préoccupations.

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