ISRAËL ET TERRITOIRES OCCUPÉS : Amnesty International demande qu’une commission d’enquête soit chargée de mener des investigations sur les arrestations arbitraires massives de Palestiniens

Index AI : MDE 15/024/02

« Nous étions tous menottés et nous étions assis sur un sol caillouteux. On ne nous donnait rien à manger, et quand nous demandions de l’eau, ils nous la versaient dessus. Les menottes étaient serrées et quand on nous a retiré les bandeaux qui nous aveuglaient, à notre arrivée, j’ai vu des personnes avec les mains noires et gonflées. »
Témoignage de Majdi Shehadeh, arrêté le 8 mars 2002

« Plus de 8 500 Palestiniens ont été appréhendés entre le 27 février et le 20 mai, puis détenus arbitrairement dans de nombreux cas. Ces mesures d’arrestation et de détention se sont accompagnés d’un recours systématique à des traitements cruels, inhumains et dégradants, prenant parfois la forme d’actes de torture », indique Amnesty International dans un nouveau rapport publié ce jour (jeudi 23 mai 2002). Ce document, intitulé Mass detention in cruel, inhumain and degrading conditions [Détention massive dans des conditions cruelles, inhumaines et dégradantes], montre comment des personnes arrêtées ont été humiliées et détenues pendant des jours sans inculpation, sans être présentées aux autorités judiciaires, et sans pouvoir consulter un avocat ni entrer en contact avec leur famille.

« Nous appelons les autorités israéliennes à créer une commission d’enquête et à traduire en justice les responsables présumés de mauvais traitements infligés à des personnes arrêtées. »

La plupart des 2 500 personnes interpellées en février et en mars ont été relâchées dans la semaine qui a suivi leur arrestation, alors que nombre des plus de 6 000 individus appréhendés dans le cadre de l’opération Rempart après le 29 mars ont été maintenus en détention au secret de manière prolongée. L’ordonnance militaire 1500 du 5 avril 2002 permet de maintenir en détention pendant dix-huit jours une personne arrêtée sans la présenter à un juge ni l’autoriser à voir un avocat ou ses proches. Au terme de cette période initiale de détention au secret, cette privation de tout contact avec le monde extérieur peut être prolongée par un juge militaire pour une durée pouvant aller jusqu’à quatre-vingt-dix jours.

« Cette ordonnance militaire est contraire aux normes internationales et doit être immédiatement abrogée », a souligné Amnesty International.

Les hommes âgés de quinze à quarante-cinq ans étaient sommés par haut-parleur de se présenter aux Forces de défense d’Israël (FDI). Dans la plupart des cas, les militaires israéliens ont bandé les yeux aux individus arrêtés et leur ont passé des menottes en plastique serrées, les ont fréquemment contraints à demeurer accroupis, assis ou agenouillés, empêchés d’aller aux toilettes, et privés de nourriture ou de couverture au moins pendant les premières vingt-quatre heures de leur détention.

« Ces arrestations arbitraires effectuées au hasard ont plongé dans l’angoisse les familles des individus appréhendés, qui, soumises au couvre-feu, n’avaient aucun moyen de savoir s’ils étaient encore en vie », a fait observer Amnesty International.

Plus de 600 Palestiniens ont été interpellés au camp de réfugiés de Tulkarem par les FDI début mars 2002, dont Majdi Shehadeh. Arrêté le 8 mars, il a reçu l’ordre de se mettre torse nu, a été transféré en Israël après une heure d’attente, et a été relâché le lendemain sans inculpation. Amnesty International a recueilli son témoignage le 20 mars. Le récit de ses mauvais traitements était similaire à celui de nombreuses autres personnes entendues par l’organisation.

Arrêté le 8 mars et libéré six jours plus tard sans avoir été inculpé ni même interrogé, Jamal Issa a évoqué en ces termes les premières vingt-quatre heures de sa détention : « Nous avons passé la nuit au bureau de coordination du district, une soixantaine d’entre nous, menottés et les yeux bandés, traités comme des terroristes et humiliés. Nous avons demandé à aller aux toilettes et ils ont refusé. »
Au cours de l’opération Rempart lancée le 29 mars 2002, plus de 6 000 Palestiniens ont été appréhendés.

D’après les informations recueillies, un grand nombre d’entre eux ont été contraints à se mettre en sous-vêtements lors de leur arrestation, puis à rester dans cette tenue pendant des heures, voire des jours. Des personnes relâchées originaires de Jénine, dont les délégués d’Amnesty International ont recueilli le témoignage au village de Rumaneh, ont décrit de manière similaire le traitement qu’elles avaient subi aux mains des soldats israéliens. Elles ont indiqué qu’ils leur avaient ordonné de se mettre en sous-vêtements, entravé les mains derrière le dos avec des menottes en plastique, et bandé les yeux. Elles ont été contraintes à demeurer ainsi jusqu’à dix heures d’affilée.

Le recours à la détention administrative s’est également accru de manière considérable. Selon les chiffres fournis par les FDI et le ministère public en mai 2002, 450 à 990 personnes étaient maintenues en détention administrative, alors que leur nombre était de 32 en novembre 2001. Des ordres de détention administrative d’une durée allant jusqu’à six mois ont été émis contre la plupart des individus appréhendés depuis début avril. Ce type de mesure permet aux autorités israéliennes de maintenir un individu en détention sans inculpation ni jugement pour une période déterminée. Le renouvellement de ces ordres de détention à leur expiration permet cependant de prolonger indéfiniment l’incarcération des personnes concernées.

Abd al Salam Adwan, infirmier de trente-neuf ans et père de cinq enfants, a été arrêté le 7 mars 2002 sur son lieu de travail, à l’hôpital de Maqassed de Jérusalem, et finalement transféré à la prison de Shikma, à Ashqelon. Le 24 mars, son avocat a reçu l’assurance pour la première fois qu’il pourrait voir son client, mais lorsqu’il s’est présenté à la prison, il s’est heurté à un refus. Le 26 mars, l’avocat a été informé de l’existence d’un ordre interdisant à Abd al Salam Adwan de recevoir la visite de son défenseur pendant dix jours. À l’expiration de cet ordre, un second a été émis, prolongeant cette interdiction d’une durée de cinq jours. C’est seulement après l’intervention d’Amnesty International et d’autres organisations de défense des droits humains qu’Abd al Salam Adwan a été autorisé à voir son avocat pour la première fois après trente-quatre jours de détention au secret. Le 13 mai, un ordre de détention administrative d’une durée de six mois a été émis à son encontre.

Amnesty International appelle le gouvernement israélien à mettre sur pied une commission d’enquête en application de la Loi de 1968 relative aux commissions d’enquête. Cette commission devrait mener des investigations sur les arrestations arbitraires et les traitements cruels, inhumains ou dégradants dont ont été victimes à la suite de leur interpellation des Palestiniens appréhendés après le 27 février 2002. Cette commission d’enquête devrait se conformer aux normes internationales afin que ses investigations soient exhaustives, efficaces et indépendantes.

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