ISRAËL ET TERRITOIRES OCCUPÉS : Les transferts forcés de Palestiniens vers la Bande de Gaza constituent un crime de guerre

Index AI : MDE 15/134/02

La Haute Cour de justice israélienne a autorisé ce matin (mardi 3 septembre 2002) le transfert forcé de deux Palestiniens de Naplouse, la ville où ils habitent, vers la Bande de Gaza parce qu’ils auraient aidé leur frère à commettre des attentats contre des Israéliens.
Les deux Palestiniens, Intisar et Kifah Ajuri, sont détenus depuis le 4 juin et le 18 juin respectivement. Ils n’ont toujours pas été inculpés et aucune procédure n’a été engagée en vue de les faire juger. Le gouvernement israélien affirme qu’il ne peut pas les juger parce qu’il mettrait en danger la source des éléments de preuve à charge.

" La décision que la Haute Cour a prise aujourd’hui permet que soit commise une grave violation de l’un des principes les plus élémentaires de la législation internationale relative aux droits humains, en particulier le droit de toute personne accusée d’être jugée équitablement et de contester les éléments à charge ", a déclaré Amnesty International.

Intisar est la sœur, et Kifah le frère, d’Ali Ajuri qui a été exécuté de manière extrajudiciaire par les forces de sécurité israéliennes le 6 août 2002 près de Naplouse. Ce dernier aurait été impliqué dans l’organisation d’attentats-suicides au cours desquels plusieurs Israéliens ont été tués. Intisar Ajuri est soupçonnée d’avoir aidé son frère de plusieurs façons, en fabriquant par exemple les ceintures à explosifs des auteurs d’attentats-suicides. Kifah Ajuri est quant à lui soupçonné d’avoir caché son frère et d’avoir fait le guet pour lui.

" Toute personne soupçonnée d’une infraction pénale doit être rapidement inculpée et jugée, ou bien libérée ", a ajouté l’organisation.
La Haute Cour a également autorisé aujourd’hui une grave atteinte au droit international humanitaire. Aux termes de la Quatrième Convention de Genève, les Palestiniens vivant dans les territoires qui sont sous occupation militaire israélienne depuis 1967 sont considérés comme des personnes protégées.

" Le transfert forcé illégal de personnes protégées constitue un crime de guerre aux termes de la Quatrième Convention de Genève et du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, a déclaré Amnesty International. Aux termes du Statut, de telles violations peuvent également constituer des crimes contre l’humanité. "

La décision de la Haute Cour prévoit qu’un transfert forcé vers la Bande de Gaza ne peut concerner que des personnes ayant personnellement participé à des crimes graves et qu’il ne peut être utilisé à titre dissuasif. Amnesty International est convaincue cependant que le gouvernement israélien et l’armée ont recours à un tel transfert illégal de parents d’une personne soupçonnée d’être responsable d’attentats contre des Israéliens à titre de punition collective. Une telle mesure est interdite par l’article 33 de la Quatrième Convention de Genève qui dispose qu’" aucune personne protégée ne peut être punie pour une infraction qu’elle n’a pas commise personnellement ".
La décision que la Haute Cour de Justice a fait connaître aujourd’hui constituait la dernière étape de la procédure d’appel dont pouvaient bénéficier Intisar et Kifah Ajuri. La procédure avait débuté lorsque le commandant des Forces de défense d’Israël (FDI) de Cisjordanie avait ordonné le transfert forcé illégal les 1er et 4 août des deux Palestiniens et d’un autre homme.

Complément d’information
En juillet 2002, les autorités israéliennes ont annoncé leur intention de transférer de force de la Cisjordanie vers la Bande de Gaza les proches des personnes ayant, ou soupçonnées d’avoir, organisé des attentats contre des Israéliens ou d’y avoir participé. Le 1er août, le commandant des FDI en Cisjordanie a signé un amendement à l’Ordonnance militaire israélienne n°378 de 1970 relative à la sécurité, qui autorise désormais les transferts forcés de Palestiniens depuis la Cisjordanie vers la Bande Gaza.

Aux fins des textes internationaux, le transfert forcé signifie le déplacement d’une personne contre sa volonté à l’intérieur des frontières nationales et la déportation est le déplacement d’une personne contre sa volonté au-delà des frontières nationales. L’opposition d’Amnesty International au transfert forcé des deux Palestiniens nommés ci-dessus, et de toute autre personne, se fonde sur les normes internationales suivantes :
la Quatrième Convention de Genève, qui :
 définit " la déportation ou le transfert illégal ou la détention illégale [...] d’une personne protégée " comme une infraction grave à la Convention et, par conséquent, comme un crime de guerre (article 147) ;
 interdit les " peines collectives, de même que toute mesure d’intimidation ou de terrorisme " ainsi que les " mesures de représailles à l’égard des personnes protégées et de leurs biens " (article 33) ;
 dispose que " les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la Puissance occupante ou dans celui de tout autre Etat, occupé ou non, sont interdits, quel qu’en soit le motif " (article 49) ;
 déclare que " les personnes protégées inculpées seront détenues dans le pays occupé et si elles sont condamnées, elles devront y purger leur peine " (article 76)
le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, qui s’inspire du droit international coutumier et :
 définit la " déportation ou [le] transfert forcé de population ", comme " le fait de déplacer de force des personnes, en les expulsant ou par d’autres moyens coercitifs, de la région où elles se trouvent légalement, sans motifs admis en droit international " ;
 qualifie de crime de guerre (article 8 (2)(b)-viii) " la déportation ou le transfert à l’intérieur ou hors du territoire occupé de la totalité ou d’une partie de la population de ce territoire ", par la puissance occupante ;
 dispose que la déportation ou le transfert forcé de population peuvent également constituer un crime contre l’humanité lorsqu’ils sont commis de manière généralisée ou systématique en application d’une politique gouvernementale (article 7-d)

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