ISRAËL ET TERRITOIRES OCCUPÉS - Lettre aux membres de la Knesset : ne refusez pas des réparations aux victimes de violations des droits humains

Index AI : MDE 15/035/2005

Au Président et aux membres de la Knesset
Commission sur la Constitution, le droit et la justice
Knesset israélienne

Amnesty International est préoccupée des modifications proposées au texte de loi sur les dommages civils, [1] dont la Commission sur la Constitution, le droit et la justice de la Knesset débattra dans les prochains jours.

Selon la modification proposée, « un ressortissant d’un État ennemi ou un résident d’une zone de conflit » se verra refuser le droit de demander réparation à l’État devant les tribunaux israéliens, pour des torts qui lui auraient été infligés par les forces israéliennes.

Les résidents palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza étant considérés comme des résidents d’une « zone de conflit », ces modifications, si elles étaient votés, rendraient quasiment impossible aux résidents palestiniens des Territoires occupés [2] de demander réparation à l’État israélien pour un décès, une blessure ou autre dommage subi en raison d’actes de l’armée ou des forces de sécurité israéliennes en Cisjordanie et dans la bande de Gaza - même si ces actes étaient illégaux et constituaient des violations flagrantes des droits humains, qu’Israël est tenu de respecter par des traités contraignants.

Ces dernières années, de précédentes modifications du texte de loi ont progressivement réduit les possibilités des résidents palestiniens dans les Territoires occupés de demander réparation à l’État d’Israël devant ses tribunaux pour des dommages causés par des forces israéliennes.

La modification la plus récente du texte de loi sur les dommages civils [3], en juillet 2002, a étendu la définition des « actes de guerre » - pour lesquels l’État israélien est dispensé de réparations, aux termes de son droit national - à presque tous les actes de l’armée israélienne et d’autres forces de sécurité dans toute la Cisjordanie et la bande de Gaza. Cette modification a imposé également des conditions de procédure (notamment en ce qui concerne le statut de limitation, la procédure d’audience et les exigences de preuve) qui ont grandement limité la possibilité pour un Palestinien de porter plainte.

La nouvelle modification proposée étendrait bien davantage le champ d’exclusion des réparations, dans une telle mesure qu’elle interdirait de fait toute réclamation pour réparation devant les tribunaux et contre l’État d’Israël, et ce à presque tous les 3 500 000 Palestiniens, hommes, femmes et enfants vivant sous l’occupation militaire israélienne en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

Cette modification viole un principe fondamental du droit international, selon lequel les États portent la responsabilité de toute violation des droits humains commis par leurs forces de sécurité.

Certains responsables du gouvernement et de l’armée israélienne ont affirmé que dans une situation de conflit, chaque partie doit supporter le coût des dégâts commis. Cependant, le droit international ne contient aucune disposition de ce type, qui accorderait des exemptions générales aux États pour des violations des droits humains commises par leurs forces armées. Au contraire, les victimes des violations des droits humains ont droit à des réparations adéquates.

Selon l’article 3 de l’annexe à la IVème Convention de la Haye (1907) « La Partie belligérante qui violerait les dispositions dudit Règlement sera tenue à indemnité, s’il y a lieu. Elle sera responsable de tous actes commis par les personnes faisant partie de sa force armée ».

Selon l’article 2 (3) (a) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par Israël le 3 octobre 1991, l’État partie doit « garantir que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans le présent Pacte auront été violés disposera d’un recours utile, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

Le droit à une réparation adéquate implique le droit de demander et obtenir pleine réparation, notamment par la restitution, l’indemnisation, la réadaptation, la satisfaction, et la garantie de non-répétition. « Conformément à sa législation nationale et à ses obligations juridiques internationales, l’État assure réparation aux victimes pour des actes ou omissions qui peuvent lui être attribués et qui constituent des violations flagrantes du droit international relatif aux droits de l’homme ou des violations graves du droit international humanitaire. » [Principe 15 des Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et réparation des victimes de violations flagrantes du droit international relatif aux droits humains et de violations graves du droit international humanitaire, adoptés par la Commission des droits de l’homme dans sa résolution 2005/35 du 19 avril 2005]

Amnesty International vous demande instamment de rejeter la modification proposée au texte de loi relatif aux dommages civils, et de prendre des mesures afin de réviser les dispositions introduites par les modifications précédentes, en particulier celle de 2002 qui impose des restrictions excessives au droit à une réparation adéquate pour les victimes d’atteintes aux droits humains. Ces dispositions doivent être mises en accord avec les normes et les textes du droit international relatif aux droits humains.

Avec mes sincères salutations,

Malcolm Smart
Directeur adjoint
Moyen orient et Afrique du nord

Pour obtenir de plus amples informations, veuillez contacter le Service Presse d’Amnesty International, au 02 543 79 04, ou consulter les sites http://www.amnesty.be et http://www.amnesty.org.

Notes

[1Loi sur les dommages civils (responsabilité de l’État) ; n°68 de 1952

[2Sauf Jérusalem est, qui appartient à la Cisjordanie aux termes du droit international, mais dépend du droit israélien en raison de son annexion par l’État d’Israël.

[3« Modification concernant les réclamations liées aux activités des forces de sécurité en Judée, Samarie et dans la bande de Gaza ».

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