Des groupes armés palestiniens ont fait preuve d’un mépris flagrant pour la vie de civils, en lançant de nombreuses attaques aveugles à l’aide de roquettes et de mortiers en direction de zones civiles en Israël durant le conflit de juillet-août 2014, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport rendu public jeudi 26 mars.
Ce document, intitulé
« Des groupes armés palestiniens, dont la branche armée du Hamas, ont à maintes reprises lancé des attaques illégales durant ce conflit, tuant six civils et en blessant d’autres. En menant ces attaques, ils ont fait preuve d’une indifférence flagrante vis-à-vis du droit international humanitaire et des conséquences de leurs violations sur les civils, que ce soit en Israël ou dans la bande de Gaza », a déclaré Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
Toutes les roquettes utilisées par les groupes armés palestiniens sont des projectiles non guidés, avec lesquels on ne peut pas viser avec précision de cible spécifique et qui sont non discriminantes par nature ; recourir à ces armes est interdit par le droit international et leur utilisation constitue un crime de guerre. Les mortiers sont eux aussi des munitions imprécises et ne doivent jamais être utilisés pour attaquer des cibles militaires situées dans des zones civiles ou à proximité.
« Les groupes armés palestiniens doivent mettre fin à l’ensemble des attaques directes visant les civils et des attaques menées sans discrimination. Ils doivent aussi prendre toutes les précautions possibles afin de protéger les civils de la bande de Gaza des conséquences de ces attaques. Cela suppose d’adopter toutes les mesures qui s’imposent pour éviter de placer combattants et armes dans des zones densément peuplées ou à proximité », a déclaré Philip Luther.
Au moins 1 585 civils palestiniens, parmi lesquels plus de 530 mineurs, ont été tués à Gaza, et au moins 16 245 logements ont été détruits ou rendus inhabitables par les attaques israéliennes menées durant le conflit, dont certaines constituent également des crimes de guerre.
« L’impact dévastateur des attaques israéliennes sur les civils palestiniens durant ce conflit est indéniable, mais les violations commises par un camp dans un conflit ne peuvent jamais justifier les violations perpétrées par leurs adversaires », a déclaré Philip Luther.
« Le fait que des groupes armés palestiniens semblent avoir perpétré des crimes de guerre en tirant des roquettes et des mortiers à l’aveugle ne dispense pas les forces israéliennes de respecter leurs obligations aux termes du droit international humanitaire. Ce conflit a tué, détruit et blessé à un niveau sans précédent pour les 1,8 million de personnes vivant dans la bande de Gaza, et certaines des attaques israéliennes susceptibles de constituer des crimes de guerre doivent donner lieu à des enquêtes. »
« Les autorités israéliennes et palestiniennes doivent coopérer avec les investigations de la Commission d’enquête des Nations unies et la Cour pénale internationale pour mettre fin à des décennies d’impunité, qui ont perpétué le cercle infernal des violations auquel les civils des deux côtés ont payé un lourd tribut. »
Selon les données des Nations unies, plus de 4 800 roquettes et 1 700 mortiers ont été tirés depuis Gaza vers Israël au cours de ce conflit. Sur ces milliers de roquettes et mortiers, environ 224 auraient atteint des zones résidentielles israéliennes, tandis que le Dôme de fer, le système de défense anti-missile israélien, en a intercepté de nombreux autres.
La mort de Daniel Tregerman, un garçon de quatre ans, le 22 août 2014, illustre clairement les conséquences tragiques de l’utilisation d’armes imprécises telles que des mortiers contre des zones civiles. Sa famille avait fui son domicile au kibboutz de Nahal Oz à cause des combats, puis y était retournée un jour avant qu’il ne soit tué. Quelques instants après le déclenchement des sirènes d’alarme, un mortier tiré depuis Gaza a frappé la voiture familiale garée devant la maison. Daniel est mort sous les yeux de sa petite sœur, qui était également présente.
« Mon époux et mon fils étaient dans le salon et je leur hurlais de venir dans l’abri. Des éclats [de mortier] ont atteint Daniel à la tête, le tuant sur le coup », a expliqué Gila Tregerman, sa mère, à Amnesty International.
Cette attaque a été revendiquée par les Brigades al Qassam, la branche armée du Hamas.
Le rapport souligne par ailleurs la réticence des autorités israéliennes à protéger adéquatement certaines populations civiles vulnérables dans le cadre du conflit, en particulier des villages bédouins de la région israélienne du Néguev, dont beaucoup ne sont pas officiellement reconnus par le gouvernement israélien. Ouda Jumian al Waj a été tuée par une roquette qui s’est écrasée dans le village bédouin de Qasr al Sir, près de la ville israélienne de Dimona, le 19 juillet.
La plupart des villages bédouins sont classifiés comme des « espaces ouverts » non résidentiels par les autorités israéliennes. Le système du Dôme de fer ne les protège donc pas et il n’y a pas d’abris contre les bombes sur place. Plus de 100 000 personnes vivent dans des villages bédouins dans le sud d’Israël.
« Les civils qui vivaient dans des villages bédouins pendant le conflit se sont retrouvés livrés à eux-mêmes et exposés au danger, exemple des discriminations qu’ils subissent au quotidien. Les autorités israéliennes doivent garantir que tous les résidents se voient accorder le même niveau de protection », a déclaré Philip Luther.
Les autres civils tués par les attaques lancées depuis la bande de Gaza incluent un travailleur agricole originaire de Thaïlande, Narakorn Kittiyangkul, qui a perdu la vie lorsqu’un mortier s’est abattu sur un site de production de tomates où il travaillait, dans le sud d’Israël. Zeev Etzion et Shahar Melamed ont été tués lors d’une attaque au mortier contre le kibboutz de Nirim, le 26 août.
Lors de l’attaque la plus mortelle attribuée à un groupe armé palestinien durant ce conflit, 13 civils palestiniens, dont 11 mineurs, ont été tués lorsqu’un projectile a explosé à côté d’un supermarché, dans le camp - surpeuplé - de réfugiés d’al Shati (bande de Gaza) le 28 juillet 2014, premier jour de l’Aïd al Fitr. Les enfants jouaient dans la rue et achetaient des chips et des boissons sucrées au supermarché au moment de l’attaque.
Si les Palestiniens ont affirmé que l’armée israélienne était responsable de cette attaque, un expert indépendant, spécialiste des munitions, ayant examiné les éléments de preuve disponibles pour le compte d’Amnesty International, a conclu que le projectile utilisé dans le cadre de cette attaque était une roquette palestinienne.
« Les éléments selon lesquels il est possible qu’une roquette tirée par un groupe armé palestinien ait causé 13 morts civiles dans la bande de Gaza soulignent à quel point ces armes sont non discriminantes et les terribles conséquences de leur utilisation », a déclaré Philip Luther.
Mahmoud Abu Shaqfa et son fils Khaled, âgé de cinq ans, ont été gravement blessés lors de cette attaque. Muhammad, son fils de huit ans, a été tué.
« La roquette est tombée près de la voiture [...] le véhicule tout entier a été criblé d’éclats. Un morceau m’a transpercé [...] Mon fils [Khaled] est venu vers moi. Il criait " Papa lève-toi, lève-toi [...]" Ma jambe entière était déchiquetée et mon bras était tordu vers l’arrière. »
Il n’y pas d’abri contre les bombes ni de système d’alerte en place pour protéger les civils dans la bande de Gaza.
Le rapport décrit en détail d’autres atteintes au droit international humanitaire commises par des groupes armés palestiniens durant le conflit, comme le fait de stocker des roquettes et d’autres munitions dans des immeubles civils, y compris des écoles administrées par les Nations unies, ainsi que des cas dans lesquels des groupes armés palestiniens ont lancé des attaques ou stocké des munitions très près de zones où se réfugiaient des centaines de civils déplacés.
« La communauté internationale doit aider à prévenir de nouvelles violations en luttant contre la banalisation de l’impunité, et en cessant de livrer aux groupes armés palestiniens et à Israël les armes et équipements militaires susceptibles d’être utilisés pour commettre de graves violations du droit international humanitaire », a déclaré Philip Luther.
Amnesty International demande à tous les États de soutenir la Commission d’enquête des Nations unies et la compétence de la Cour pénale internationale concernant les crimes commis par toutes les parties au conflit.