Communiqué de presse

Israël. Il faut abandonner une fois pour toutes le projet de détention illimitée des demandeurs d’asile

Les législateurs en Israël doivent rejeter les propositions de modification de la Loi sur la prévention de l’infiltration qui permettraient de détenir indéfiniment des milliers de réfugiés, de demandeurs d’asile et de migrants dans un centre de détention situé au milieu du désert, a fermement déclaré Amnesty International alors que la Commission des affaires intérieures de la Knesset, le parlement israélien, doit se prononcer sur cette question mercredi 4 décembre.

La Commission a annoncé son intention de soumettre dans les prochains jours le nouveau texte de loi à l’ensemble de la Knesset en vue de sa lecture définitive.

D’après des rapports émanant du gouvernement, ces modifications législatives permettraient de maintenir quelque 3 300 personnes en détention pour une durée illimitée dans une installation gérée par les Services pénitentiaires israéliens, entourée de grillages, située dans le désert du Néguev et définie par le gouvernement comme un « centre ouvert ». Aux termes du nouveau texte, la libération de ces personnes passerait par leur expulsion vers leur pays d’origine – essentiellement l’Érythrée et le Soudan.

« Maintenir des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants en captivité pour une durée illimitée dans ce qui est à proprement parler une prison en plein désert constitue une violation flagrante du droit international relatif aux droits humains. La Knesset doit renoncer définitivement à ces propositions de modification et engager une révision complète des procédures d’asile d’Israël afin de les mettre en conformité avec les obligations internationales du pays », a déclaré Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

En cas d’adoption, les modifications à la Loi sur la prévention de l’infiltration seraient contraires à un arrêt prononcé par la Haute Cour de justice d’Israël le 16 septembre 2013, lorsqu’un panel de neuf juges a rejeté à l’unanimité les modifications législatives adoptées par la Knesset en janvier 2012 et qui permettaient de garder des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants en détention pendant au moins trois ans. Les juges ont rejeté les textes proposés, estimant qu’ils étaient inconstitutionnels et qu’ils « représentaient un abus grave et disproportionné du droit à la liberté individuelle, droit fondamental de tout être humain, et s’écartaient des principes acceptés en Israël et dans le monde éclairé ».

La Cour a ordonné à l’État de revoir la situation de quelque 1 700 réfugiés, demandeurs d’asile et migrants détenus dans les prisons israéliennes. Ceux qui étaient détenus illégalement devaient être remis en liberté dans les 90 jours suivant l’arrêt, c’est-à-dire pour le 15 décembre de cette année.

Au lieu de se plier pleinement à cette ordonnance, la Knesset a accéléré le vote sur de nouvelles modifications à la loi, qui pourraient être adoptées dans le courant du mois.

Les modifications proposées réduiraient à un an la période initiale de détention en milieu « fermé » des réfugiés, demandeurs d’asile et migrants, mais elle serait suivie d’une détention illimitée dans un centre de détention « ouvert ». Le site proposé, le centre de Sadot, se trouve à côté de la prison de Saharonim dans une région isolée du désert du Néguev, dans le sud d’Israël.

Les demandeurs d’asile détenus à Sadot seraient comptés trois fois par jour. Ce comptage, ainsi que l’éloignement et le manque de transports publics, les empêcheraient effectivement de quitter les lieux. En outre, ce centre « ouvert » serait fermé la nuit.

La proposition de loi confère au personnel le pouvoir d’exiger que les personnes s’identifient, de les fouiller, de leur interdire l’accès, de les arrêter ou de les transférer. Si une personne enfreint une règle du centre « ouvert » ou est accusée d’avoir l’intention de l’enfreindre, ou s’il est estimé qu’elle met en danger la « sûreté de l’État » ou la « sécurité publique », elle peut être transférée dans une prison pour une période allant de trois mois à un an. Ces dispositions, mal définies, laissent place à des abus.

Amnesty International estime que les nouvelles propositions de modification de la loi sont de nouveau loin de respecter les obligations internationales auxquelles Israël est tenu en sa qualité d’État membre de la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et son protocole facultatif de 1967, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Le ministre israélien de l’Intérieur a déclaré que l’objectif du « centre » est d’encourager le retour « volontaire » dans les pays d’origine, soulignant sa nature punitive. Environ 90 % des demandeurs d’asile en Israël viennent d’Érythrée et du Soudan, et risqueraient réellement de subir de graves violations de leurs droits fondamentaux s’ils devaient y retourner.

« Les demandeurs d’asile érythréens et soudanais risquent d’être torturés, autrement maltraités ou emprisonnés une fois de retour dans leur pays, mais cela n’a pas empêché les autorités israéliennes de bafouer par le passé le droit international relatif aux réfugiés et d’expulser des centaines de ”volontaires”. Le retour n’est pas ”volontaire” lorsque l’unique alternative est la détention prolongée, voire illimitée », a dit Philip Luther.

En vertu du droit international, toute restriction au droit à la liberté des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants doit être exceptionnelle, prévue par la loi, nécessaire au vu de la situation spécifique de la personne concernée et proportionnelle à l’objectif légitime poursuivi. Amnesty International prie les membres de la Knesset de veiller à ce que toute disposition portant sur l’immigration ou la sécurité nationale, quelle qu’elle soit, respecte pleinement les obligations d’Israël au regard du droit international relatif aux droits humains.

Complément d’information

Amnesty International déplore depuis longtemps déjà le manque de transparence du système d’asile en Israël, l’absence d’accès à des procédures équitables et son inefficacité pour garantir la protection des demandeurs.

En juin 2012, le gouvernement a commencé à mettre en œuvre des modifications à la Loi sur la prévention de l’infiltration qui avaient été adoptées en janvier de cette même année. La première version de cette loi avait été promulguée en 1954 en vertu de la législation d’exception d’Israël. Aux termes de ces modifications, les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants pouvaient être détenus pendant trois années ou plus. Amnesty International avait instamment prié les législateurs d’Israël de rejeter la proposition de loi.

Le droit international interdit aux États de renvoyer une personne dans un pays où elle risquerait d’être victime de persécution ou d’autres graves atteintes à ses droits fondamentaux, ou dans un pays où elle ne serait pas protégée contre un tel renvoi (le principe de non-refoulement). En violation de l’interdiction du refoulement, Israël continue de faire pression sur les demandeurs d’asile afin qu’ils repartent « volontairement ».

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