Israël. La Knesset doit rejeter le projet de loi visant à placer les demandeurs d’asile en détention prolongée

Amnesty International exhorte les législateurs israéliens à voter contre un projet de loi ayant pour objectif d’imposer de longues périodes de détention aux demandeurs d’asile et migrants en situation irrégulière, sans prendre en compte les raisons de leur entrée sur le territoire israélien. La Knesset (le Parlement israélien) devrait se prononcer sur ce texte dans les prochains jours.

Ce projet de loi prévoit le placement automatique en détention de toute personne entrant dans le pays via la frontière égyptienne - cette catégorie de migrant y est qualifiée d’« infiltrateur » - et dote le gouvernement israélien de l’autorité juridique requise pour incarcérer migrants et demandeurs d’asile pendant trois ans, voire plus.

Les personnes venues de pays considérés par le gouvernement comme étant « hostiles » à Israël, notamment du Darfour (Soudan), risqueraient d’être maintenues en détention pour une durée illimitée. Actuellement, la plupart des demandeurs d’asile et migrants en situation irrégulière passant la frontière avec l’Égypte sont arrêtés dès leur entrée sur le territoire israélien, mais relâchés au bout de quelques semaines.

Amnesty International reconnaît que les États, y compris Israël, ont le droit de sécuriser leurs frontières et de réguler l’entrée d’étrangers sur leur territoire, mais souligne que la législation internationale impose des limites à ce droit. Toute loi, politique ou mesure relative au contrôle des frontières ou à la régulation de l’entrée et du séjour sur le territoire qui débouche sur des atteintes au droit international ou aux droits humains va bien au-delà de l’application légitime de la souveraineté de l’État.

En particulier, les personnes en quête d’asile ne devraient jamais être rejetées à la frontière, se voir refuser l’entrée sur le territoire ni être renvoyées dans un pays où elles risquent de faire l’objet de graves violations des droits humains, ou dans un pays où elles ne seraient pas protégées contre un tel renvoi.

Amnesty International est en outre préoccupée par l’impact potentiel de ce texte sur le droit des demandeurs d’asile et des migrants à la liberté. Les mesures limitant ce droit ne doivent être utilisées que lorsque cela est nécessaire et proportionnel à la réalisation d’un objectif légitime aux termes du droit international. Toute décision de procéder à une arrestation doit respecter les normes internationales relatives à la légalité de la détention, et s’appuyer sur une évaluation individuelle approfondie, notamment à propos du parcours personnel du demandeur et du risque de fuite qu’il présente.

Le droit international indique clairement que les autorités d’un État donné doivent faire la preuve dans chaque cas que la détention est nécessaire et proportionnelle à l’objectif à réaliser. La détention automatique et prolongée envisagée dans le projet de loi viole clairement le droit international et les normes associées.

Le recours à la détention comme mesure punitive est une réaction disproportionnée et inadaptée à la présence de migrants en situation irrégulière. Il ne sert qu’à montrer du doigt et criminaliser les migrants, et en amène beaucoup à entrer dans la clandestinité.

Amnesty International estime en outre que l’utilisation du terme « infiltrateurs » est déplacée car elle évoque la menace et la délinquance ; son emploi par des représentants des autorités et dans la sphère publique alimente la xénophobie et la discrimination contre les demandeurs d’asile et les migrants.

Les migrants en situation irrégulière ne doivent pas être considérés comme des contrevenants à la loi, ni être traités comme des délinquants. Le projet de loi érigerait également en infraction tout type d’aide ou d’assistance aux infiltrateurs ; les groupes de défense des droits et les organisations humanitaires seraient donc passibles de lourdes sanctions.

Amnesty International estime que le projet de loi est loin de respecter les obligations internationales auxquelles Israël est tenu en sa qualité d’État membre au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et à la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et son protocole facultatif de 1967, entre autres.

En outre, si le projet de loi prévoit que les mineurs non accompagnés soient relâchés, les enfants entourés de membres de leur famille sont soumis à une détention prolongée au même titre que les adultes. Amnesty International pense que le placement en détention de mineurs au seul motif de leur statut au regard de la législation sur l’immigration, qu’ils soient non accompagnés, séparés ou entourés de membres de leur famille, ne saurait être justifié et constitue un manquement odieux à l’obligation de respecter et de protéger les droits des mineurs. Lorsqu’il est absolument nécessaire de restreindre la liberté de mouvement de familles avec enfants, d’autres solutions que la détention existent. Israël doit créer des centres d’accueil ouverts pour ces familles.

Amnesty International exhorte les députés de la Knesset à veiller à ce que toutes les dispositions relatives à l’immigration ou la sécurité nationale soient pleinement conformes aux obligations internationales d’Israël en matière de droits humains, notamment en garantissant la protection de toutes les personnes relevant de leur compétence, quel que soit leur statut au regard de la législation sur l’immigration, et en faisant en sorte que nul ne soit renvoyé dans un pays où il risque d’être victime de graves atteintes aux droits humains.

Complément d’information

Le projet de loi sur la prévention de l’infiltration (2011) se propose de modifier la loi sur l’infiltration, promulguée en 1954 dans le cadre de la législation d’urgence en Israël. La première lecture du projet de loi a eu lieu le 28 mars 2011 ; il a ensuite été soumis à la commission des Affaires internes et de l’Environnement de la Knesset pour y être débattu.

Le 19 décembre, la commission s’est prononcée en faveur de l’adoption de ce texte. Il doit désormais faire l’objet d’une deuxième, puis d’une troisième lecture, qui auront certainement lieu le même jour. Les lois sont promulguées à l’issue de la troisième lecture.

Depuis 2005, environ 45 000 Érythréens, Soudanais et autres ont passé la frontière égyptienne afin de déposer une demande d’asile en Israël. D’après des statistiques publiées début décembre par l’Autorité de la population et de l’immigration, qui dépend du ministère israélien de l’Intérieur, plus de 13 600 personnes sont arrivées par l’Égypte en 2011, pour la plupart des Érythréens et des Soudanais.

Si le projet de loi avait été en vigueur, toutes ces personnes auraient été considérées comme des « infiltrateurs » et auraient connu une incarcération prolongée, quelle que soit la raison motivant leur quête d’asile en Israël. Les procédures d’asile dans ce pays ont de tout temps manqué d’équité, de cohérence et de transparence. Ces dernières années, Israël a formellement privé des Érythréens et des Soudanais d’accès aux procédures de détermination du statut de réfugié, ce qui est clairement contraire à ses obligations au titre de la Convention relative au statut des réfugiés de 1951.

Quant aux demandeurs d’asile issus d’autres pays, seule une poignée s’est vu accorder le statut de réfugié sur les milliers de demandes déposées ces dernières années.

La loi sur la prévention de l’infiltration s’inscrit dans un projet israélien plus large visant à dissuader les migrants et demandeurs d’asile d’entrer sur le territoire. Le gouvernement construit actuellement de nouveaux quartiers à la prison de Saharonim, un centre de détention pour migrants dans le désert du Néguev (sud du pays), afin qu’elle puisse accueillir 5 400 personnes.

Parallèlement, le Conseil national de la planification et de la construction a rendus publics ses projets relatifs à la création d’une nouvelle prison où pourraient être incarcérés des milliers d’autres personnes, et discute actuellement des permis de construire correspondants. Autre mesure dissuasive, le gouvernement israélien s’est engagé à imposer de lourdes amendes aux employeurs embauchant des « infiltrateurs ». Enfin, début décembre 2011, le cabinet du Premier ministre a annoncé que Benjamin Netanyahou se rendrait dans plusieurs pays africains en 2012 dans le but d’« élaborer un plan » pour l’expulsion de demandeurs d’asile vers des pays tiers.

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