Communiqué de presse

Israël/Territoires palestiniens occupés. Les autorités israéliennes doivent lever l’interdiction de voyager imposée à un militant palestinien

Ayant autorisé le défenseur palestinien des droits humains Shawan Jabarin à se rendre à l’étranger depuis la Cisjordanie pour la première fois depuis six ans, Israël doit maintenant lever l’interdiction de voyager qui lui est imposée, ont déclaré conjointement Amnesty International et Human Rights Watch jeudi 1er mars.

Le 22 février, le procureur de l’État d’Israël a accordé à Shawan Jabarin une « exception provisoire » et l’a autorisé à se rendre à Genève, où il était invité par le rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression.

Amnesty International et Human Rights Watch ont fait valoir que les autorités israéliennes n’avaient jamais fourni aucun élément justifiant l’interdiction de voyager imposée à Shawan Jabarin et se devaient de faire suivre cette « exception » tardive d’une levée totale de cette restriction arbitraire.

Selon les normes internationales relatives aux droits humains, toute restriction sur les déplacements doit être décrétée dans des circonstances exceptionnelles uniquement, pour des motifs énoncés clairement et publiquement, et doit pouvoir faire l’objet d’une contestation en justice. Or, les autorités israéliennes ayant refusé de rendre publics les éléments qui étayent les motifs de cette interdiction de voyager, Shawan Jabarin a été privé de la possibilité de la contester devant les tribunaux.

Son avocat avait introduit le 16 février auprès de la Cour suprême israélienne une requête sollicitant la révocation de cette mesure.

C’est la première fois qu’il lui est permis de quitter la Cisjordanie depuis qu’il est devenu, en mars 2006, directeur d’Al Haq, organisation palestinienne de défense des droits humains de premier plan. Il n’a pas été autorisé à se rendre à l’étranger pour recevoir des prix des droits humains, notamment la Médaille Geuzen aux Pays-Bas en 2010 et le Prix pour la liberté au Danemark en 2011. Il est également membre du comité consultatif de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de Human Rights Watch.

Amnesty International, Human Rights Watch et nombre d’organisations palestiniennes et israéliennes ont à plusieurs reprises exhorté les autorités israéliennes à lever totalement cette interdiction de voyager, qui se fonde sur des informations secrètes que ni Shawan Jabarin ni son avocat n’ont jamais pu connaître.

Selon Amnesty International et Human Rights Watch, si les autorités estiment que Shawan Jabarin peut se rendre à l’étranger pour rencontrer le rapporteur spécial Frank La Rue sans représenter une menace pour la sécurité, il est difficile de comprendre pourquoi cette mesure serait maintenue, particulièrement lorsqu’aucune preuve la justifiant n’a été divulguée.

L’armée israélienne a précédemment affirmé devant un tribunal, en se fondant sur des informations tenues secrètes, que Shawan Jabarin était un militant du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), qu’Israël considère comme une organisation terroriste, et que son déplacement à l’étranger menacerait la sécurité du pays. Il a purgé une peine de neuf mois d’emprisonnement en 1985, après avoir été condamné pour avoir rendu service au FPLP en facilitant le déplacement à l’étranger de deux membres se rendant à une formation, mais nie être membre de cette organisation depuis sa libération. Dans les années 1980 et 1990, les forces israéliennes l’ont maintenu à plusieurs reprises en détention administrative sans inculpation ni jugement, et sans présenter publiquement aucune preuve de son appartenance au FPLP à cette époque.

En août 1990, alors qu’il se trouvait en détention administrative, Amnesty International l’a adopté en tant que prisonnier d’opinion. En novembre 1994, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a confirmé le caractère arbitraire de sa détention.

Au lendemain de sa libération début 1998, les autorités israéliennes lui ont permis de voyager à l’étranger huit fois en sept ans , avant de lui imposer une interdiction pour une durée indéterminée en 2006, lorsqu’il est devenu directeur d’Al Haq. La Cour suprême israélienne a depuis lors confirmé cette mesure pour raisons de sécurité ; elle a statué en faveur de l’armée israélienne, bien que les autorités n’aient jamais divulgué aucun élément justifiant cette interdiction globale de quitter la Cisjordanie. Shawan Jabarin et ses avocats n’ont jamais été autorisés à voir ni à contester les informations secrètes citées par la cour.

Dans une lettre remerciant les membres d’Amnesty International de s’être mobilisés en sa faveur, Shawan Jabarin a écrit :

« [Alors que] je m’apprête à partir pour Genève, mon esprit est assailli par des pensées et des émotions contradictoires. D’une part, je suis heureux parce que, même temporairement, je retrouve ma liberté de voyager. D’autre part, je suis consterné en pensant à tous ceux qui continuent de voir leurs libertés anéanties.

Cette décision de m’accorder une seule chance de voyager renforce ma conviction selon laquelle la liberté doit rester inviolable et renforce ma détermination à défendre la liberté d’autrui. »

Complément d’information

Aux termes de l’article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), que la Cour internationale de justice et d’autres organes juridiques ont déterminé comme s’appliquant aux territoires palestiniens occupés, « toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien ».

Aux termes du droit international, les États ne peuvent restreindre la liberté de mouvement d’une personne que dans des cas exceptionnels, en vue de protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques ; l’État doit permettre à la personne concernée de contester les raisons qui motivent la restriction, notamment les preuves avancées, dans le cadre d’une procédure publique menée dans les meilleurs délais.

Dans son Observation générale no 34, le Comité des droits de l’homme des Nations unies, organe qui fait autorité concernant l’interprétation du PIDCP, a indiqué qu’il était normalement incompatible avec l’article 19 du Pacte de restreindre le droit des personnes qui veulent exercer leur liberté d’expression (comme des personnes qui veulent se rendre à l’étranger pour assister à une réunion consacrée aux droits de l’homme) de voyager hors de l’État partie.

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