Communiqué de presse

Israël/territoires palestiniens occupés. Exécution extrajudiciaire

Des éléments de preuve obtenus par Amnesty International indiquent que l’homicide de Hadeel al Hashlamoun par les forces israéliennes à Hébron, en Cisjordanie occupée, le 22 septembre, était une exécution extrajudiciaire.

Des soldats israéliens ont mortellement blessé par balles Hadeel al Hashlamoun, 18 ans, après l’avoir stoppée à un poste de contrôle dans la vieille ville d’Hébron. Des photos prises lors de la confrontation qui a conduit à sa mort et les récits des témoins interrogés par Amnesty International montrent qu’à aucun moment elle n’a représenté pour les soldats une menace suffisante qui aurait justifié l’usage d’une force meurtrière délibérée. Cet homicide s’ajoute à la longue série d’homicides illégaux perpétrés par les forces israéliennes en Cisjordanie occupée, dans une impunité quasi-totale.

Les soldats israéliens ont tiré sur Hadeel al Hashlamoun au Checkpoint 56, également appelé Shoter, point de passage pour piétons qui restreint la circulation des Palestiniens aux abords des colonies israéliennes d’Hébron, illégales au titre du droit international. Selon deux témoins avec lesquels Amnesty International s’est entretenue séparément, Hadeel al Hashlamoun est arrivée au poste de contrôle vers 7h40 et a été stoppée par les deux soldats présents, qui lui ont ordonné d’ouvrir son sac pour le fouiller. Elle se tenait immobile, à environ trois mètres des soldats. Elle a ouvert son sac et l’a montré aux soldats, qui se sont mis à lui crier dessus. Elle s’est alors figée, selon les témoins.

L’un des témoins, Fawaz Abu Aisheh, 34 ans, a raconté à Amnesty International que les soldats israéliens ordonnaient à Hadeel al Hashlamoun de « reculer » en hébreu, une langue qu’elle ne comprenait visiblement pas. Parlant hébreu, Fawaz Abu Aisheh a tenté de servir de médiateur entre Hadeel al Hashlamoun et les soldats, mais ceux-ci l’ont ignoré et ont tiré une fois en direction du sol, près des pieds de la jeune fille. Sur une série de photos prises par un militant qui surveillait le poste de contrôle ce matin-là, on peut voir Hadeel al Hashlamoun entre deux soldats qui semblent nerveux et pointent leur arme sur elle. On voit également Abu Aisheh tenter d’aider la jeune fille à sortir du checkpoint en déplaçant une barrière rouge en plastique. Un autre témoin a raconté qu’elle avait tenté de quitter le poste de contrôle.

Quatre autres soldats sont arrivés et ont mis en joue Abu Aisheh et Hadeel al Hashlamoun, et l’un d’entre eux s’est alors déplacé pour lui barrer le passage hors de l’enceinte du checkpoint. Alors qu’il se trouvait à 1,50 m d’elle, il a tiré une fois au sol : elle s’est écartée et s’est placée derrière une rampe métallique, le long d’un mur.

Selon Abu Aisheh, pendant tout ce temps, elle tenait les mains à l’intérieur de son niqab (un voile qui couvre le visage) et à aucun moment n’a tenté de s’approcher des soldats. Les quatre soldats qui venaient juste d’arriver ont fait reculer Abu Aisheh de 3-4 mètres et ont refusé sa proposition de servir d’interprète. Selon Abu Aisheh, à ce moment-là, la jeune fille se trouvait derrière la rampe métallique la séparant des soldats et le soldat qui avait déjà fait feu a reculé, a mis un genou à terre et a tiré sur Hadeel al Hashlamoun, dans la jambe gauche. Elle est tombée par terre et a lâché son sac, ainsi qu’un couteau avec un manche marron qu’elle tenait sous son niqab. Le premier témoin, qui se trouvait un tout petit peu plus loin qu’Abu Aisheh, n’a vu aucune arme.

Selon Abu Aisheh, le soldat ayant fait feu s’est relevé et s’est approché, jusqu’à environ un mètre, et lui a tiré quatre ou cinq balles dans le haut du corps, alors qu’elle gisait au sol, immobile. Il a déclaré que ses collègues lui hurlaient d’arrêter. Le premier témoin a également raconté que le soldat s’était approché de Hadeel al Hashlamoun et lui avait tiré dans la poitrine.

Selon l’armée israélienne, Hadeel al Hashlamoun a activé le détecteur de métaux à son passage au poste de contrôle et n’a pas obéi aux soldats qui la sommaient de s’arrêter, mais a continué à marcher vers eux, même après les tirs d’avertissement. Elle a alors sorti un couteau, et les soldats lui ont tiré dans la jambe ; ils ont tiré une nouvelle fois lorsqu’elle a tenté de brandir son couteau. Une photo publiée par l’armée israélienne montre un couteau avec un manche bleu et jaune, sur le sol, au Checkpoint 56, à quelques mètres du corps de Hadeel al Hashlamoun. Cette version des événements est contredite par les déclarations des deux témoins qu’a interrogés Amnesty International et les photos où l’on voit Hadeel al Hashlamoun se tenir immobile.

Même si elle avait bien un couteau, les soldats israéliens, protégés par des gilets pare-balles et lourdement équipés en armes sophistiquées, auraient pu contrôler la situation et l’arrêter sans menacer sa vie. Les règles d’ouverture de feu de l’armée israélienne en Cisjordanie occupée autorisent les soldats à ouvrir le feu uniquement lorsque leurs vies sont en danger imminent. Amnesty International conclut que ces règles ne s’appliquaient pas au cas de Hadeel al Hashlamoun, qui se tenait immobile et était séparée des soldats par une rampe métallique. Rien n’a été fait pour l’arrêter, selon les témoins, ni pour utiliser des alternatives non létales.

Le fait que Hadeel al Hashlamoun ait reçu de multiples balles alors qu’elle gisait à terre, blessée, indique que son homicide était une exécution extrajudiciaire. Les assassinats illégaux et délibérés, perpétrés sur ordre de responsables du gouvernement ou de l’armée, ou avec leur complicité ou leur consentement, ne sont autres que des exécutions extrajudiciaires, qui sont prohibées en toutes circonstances et constituent des crimes au regard du droit international. Une exécution extrajudiciaire constituerait également un homicide délibéré, ce qui est un crime de guerre et une grave violation de la Quatrième Convention de Genève, qui s’applique à l’occupation militaire prolongée d’Israël sur les territoires palestiniens occupés.

Un témoin est resté sur les lieux pendant 15 à 20 minutes après les tirs, avant d’être écarté par la police israélienne. Pendant tout ce temps, aucune assistance médicale n’a été apportée à Hadeel al Hashlamoun. D’après son témoignage, cinq minutes après qu’elle se soit fait tirer dessus, les soldats israéliens l’ont traînée par les pieds sans ménagement jusqu’à un endroit à l’abri des regards, de l’autre côté du poste de contrôle, et ont vérifié son pouls, mais n’ont pas tenté de lui prodiguer des soins. Selon les médias, les forces israéliennes ont empêché des ambulanciers palestiniens de se rendre auprès de Hadeel al Hashlamoun, qui a été prise en charge par une ambulance 30 à 40 minutes après avoir été blessée. Elle a tout d’abord été conduite à la colonie de Kiribati Arba, qui ne dispose pas d’un hôpital ni d’un centre médical capable de soigner des blessés aussi graves, avant d’être transférée au centre médical Shaare Tzedek à Jérusalem, où elle a succombé à ses blessures. En vue de respecter leurs obligations au titre du droit à la vie, les forces israéliennes étaient tenues d’apporter à cette jeune fille une aide médicale le plus tôt possible, ce qu’elles n’ont clairement pas fait.

Son père, Salah al Hashlamoun, médecin à l’hôpital al Ahli à Hébron, a déclaré à Amnesty International que la famille avait reçu un rapport médical de l’hôpital indiquant que sa fille était décédée d’une grave hémorragie et de multiples défaillances d’organes dues à de multiples blessures par balles, au genou droit, au talon gauche, à l’abdomen et à la poitrine.

D’après les médias, l’armée israélienne a ouvert une enquête sur cet homicide. Toutefois, les enquêtes internes menées sur de précédents homicides illégaux n’ont pas permis d’identifier les responsables et de les amener à rendre des comptes. Le droit international exige des États qu’ils mènent dans les meilleurs délais des enquêtes indépendantes et impartiales sur tous les cas d’exécutions extrajudiciaires présumées. Amnesty International demande aux autorités israéliennes de diligenter une enquête sur cet homicide, d’en rendre les conclusions publiques rapidement et de veiller à ce que toute personne ayant bafoué les droits humains soit traduite en justice et que la famille de la victime reçoive des réparations pleines et entières. Le fait de ne pas enquêter efficacement sur un homicide illégal présumé constitue en soi une violation du droit à la vie.

Complément d’information
Plus de 25 Palestiniens, dont au moins trois enfants, ont été tués par les forces israéliennes en Cisjordanie occupée en 2015, dans des circonstances souvent controversées. Dans de nombreux cas, des éléments de preuve indiquent que les forces israéliennes n’ont pas recouru à la force dans le respect de leurs obligations découlant du droit international. En 2014, elles ont tué des dizaines de Palestiniens en Cisjordanie occupée. Bien souvent, il semble que ces homicides étaient illégaux, certains pouvant même constituer des homicides délibérés ou des exécutions extrajudiciaires. Amnesty International a recensé de nombreux cas et déplore que les autorités israéliennes ne traduisent pas en justice les membres de la police ou de l’armée impliqués, qui agissent en toute impunité. Pour plus d’informations, voir Israël et territoires palestiniens occupés. La gâchette facile. L’usage d’une force excessive par Israël dans les territoires palestiniens occupés (MDE 15/002/2014).

Les soldats ont tiré sur Hadeel al Hashlamoun au poste de contrôle qui sépare le centre d’Hébron de la rue Shuhada, totalement fermée aux Palestiniens. Hébron est la seule ville en Cisjordanie occupée où des colonies israéliennes, illégales au titre du droit international, se trouvent en centre-ville. Après le massacre de la mosquée d’Ibrahim en 1994, lors duquel un colon israélien avait assassiné 29 Palestiniens, l’armée israélienne a institué une série de fermetures dans la ville, interdisant aux Palestiniens l’accès à la rue Shuhada et à certaines zones du centre. Les habitants palestiniens d’Hébron ont vu leur liberté de circulation et leurs droits économiques sévèrement restreints. En outre, les Palestiniens sont souvent soumis à des détentions arbitraires et à des traitements humiliants par les forces de sécurité israéliennes stationnées dans la ville, et sont souvent la cible de violences imputables à des colons, sur lesquelles les autorités israéliennes ne mènent pas de véritables enquêtes.

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